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Cardiologie générale

Publié le 02 fév 2014Lecture 5 min

Syndrome d’apnées du sommeil chez le sujet âgé : pourquoi le dépister ?

A. MONTI, C. LOPEZ, E. PAUTAS, Court séjour gériatrique, hôpital Charles-Foix, Ivry-sur-Seine ; GH Pitié-Salpêtrière-Charles Foix (AP-HP), Paris

Le syndrome d’apnées du sommeil (SAS) se définit par la survenue, pendant les phases de sommeil, d’apnées (abolition du flux d’air au niveau des voies aériennes supérieures pendant plus de 10 s) et d’hypopnées (diminution du flux > 30 ou 50 % pendant au moins 10 s, associée à une désaturation en oxygène > 3 % et/ou à un microéveil).

Un des principaux critères diagnostiques sur un enregistrement de polysomnographie ou de polygraphie ventilatoire, est ainsi l’index apnées/hypopnées (IAH), nombre d’apnées et d’hypopnées sur une heure de sommeil, qui doit être ≥ 15 chez le sujet âgé pour être significatif. On distingue le SAS obstructif (SAOS), le plus fréquent et principalement lié à une hypotonie des muscles dilatateurs du pharynx, et le SAS central (SACS) caractérisé par l’absence d’effort inspiratoire pour plus de la moitié des apnées. Épidémiologie Le SAS reste largement sous-diagnostiqué et sa prévalence est très variable puisqu’elle est estimée entre 2 et 20 % selon les critères diagnostiques utilisés dans les études en population générale, qui s’intéressent uniquement au SAOS. Il serait plus fréquent chez les sujets > 65 ans, d’autant que le diagnostic est encore moins souvent évoqué car les troubles du sommeil sont volontiers perçus comme normaux avec l’âge. Des modifications du sommeil liées au vieillissement physiologique rendent plus difficile le dépistage du SAS, car elles sont responsables d’une fragmentation du sommeil sans être systématiquement associées à un SAS : - augmentation des stades 1 et 2 du sommeil pendant lesquels surviennent plus fréquemment des apnées obstructives, augmentation des réveils en nombre et en durée ; - diminution probable de la réponse à l’hypoxie et à l’hypercapnie par baisse de la sensibilité des chémorécepteurs périphériques ou par baisse de la réponse centrale. Les comorbidités ou la fréquence de la iatrogénie médicamenteuse en population âgée sont d’autres éléments rendant difficile le dépistage du SAS, puisqu’elles sont également responsables d’une fragmentation du sommeil : incidences plus élevées de l’insuffisance cardiaque et des AVC, consommation d’hypnotiques, d’anxiolytiques ou de morphiniques. Morbimortalité Il n’a pas été établi d’association entre mortalité du SAS et âge avancé, peut-être par décès précoce des patients présentant un SAS sévère, mais les études incluent des patients relativement jeunes, âgés de 60-65 ans en moyenne. Le SAS constitue cependant un facteur de risque cardiovasculaire démontré dans diverses tranches d’âge, avec des associations moins fortes chez les patients âgés. Il paraît ainsi lié à l’hypertension artérielle résistante et à l’insulinorésistance, indépendamment du surpoids. Il favoriserait les troubles du rythme cardiaque (brady-arythmies nocturnes, fibrillation auriculaire, arythmies ventriculaires et risque de mort subite), les accidents vasculaires cérébraux ischémiques, une coronaropathie et une insuffisance cardiaque gauche. L’association du SAS aux chutes, aux troubles de la vigilance et aux troubles cognitifs (baisse modérée des capacités intellectuelles, léger déclin de la mémoire visuelle et troubles des fonctions exécutives) est aussi établie ; une forte prévalence de SAS (jusqu’à 40-50 %) a été rapportée chez des patients institutionnalisés déments, avec une sévérité apparemment corrélée à celle de la démence. Quand évoquer un SAS chez le sujet âgé ? Aucun signe clinique n’est pathognomonique. Plusieurs questionnaires de dépistage existent mais aucun ne permet d’affirmer le diagnostic et n’est validé chez le sujet âgé. L’interrogatoire doit détecter les « signes cardinaux » auprès du patient ou de son entourage : hypersomnolence diurne, ronflement et apnées nocturnes, nycturie. Les ronflements nocturnes semblent moins souvent rapportés chez les patients âgés ; les pauses nocturnes sont d’excellents symptômes quand elles sont rapportées par l’entourage, mais leur association au SAS serait également plus faible avec l’âge ; l’hypersomnolence diurne semble plus pertinente, mais il existe de nombreux diagnostics différentiels en population âgée, avec la iatrogénie des hypnotiques en premier lieu ; la nycturie serait plus fréquemment associée au SAS chez le sujet âgé mais peut être trop souvent attribuée chez l’homme à une pathologie prostatique. Doivent aussi être recherchés des troubles cognitifs ou des comorbidités à risque de SAS : HTA, AVC, insuffisance cardiaque gauche, hypothyroïdie chez la femme, syndrome dépressif, insuffisance veineuse ou édentation. En présence d’un symptôme évocateur, il est notamment important de rechercher le diagnostic en cas de chirurgie programmée, car les anesthésiques et morphiniques aggravent un SAS et majorent donc le risque péri-opératoire. Certains auteurs recommandent même d’appareiller le patient préalablement au geste si celui-ci peut être différé. Explorations diagnostiques et traitement L’examen diagnostique de référence est la polysomnographie qui associe un électro-encéphalogramme, un électro-oculogramme et un électromyogramme et, pour l’étude respiratoire, les mesures du débit aérien et des efforts respiratoires, et une oxymétrie nocturne ; on y associe fréquemment un électrocardiogramme. Mais les recommandations de la Société de pneumologie de langue française sont de réaliser en première intention une polygraphie ventilatoire (PV), moins coûteuse et plus accessible. La PV mesure le débit aérien, les efforts respiratoires, l’oxymétrie et les ronflements. Sa principale limite est l’absence d’informations sur le sommeil, ne permettant pas de dépister les micro-éveils ou d’identifier les diagnostics différentiels de troubles du sommeil et risquant de sous-estimer l’IAH. Ces explorations diagnostiques sont indispensables pour indiquer le traitement qui est la ventilation en pression positive continue (VPPC), mais elles permettent aussi d’évaluer sa faisabilité. L’observance thérapeutique (utilisation de la VPPC 4 h/nuit) est en effet un facteur clé de l’efficacité du traitement, et elle apparaît globalement bonne chez les sujets âgés dans la majorité des études. Elle dépend clairement de la qualité de la prise en charge initiale, comprenant l’éducation thérapeutique du patient et du conjoint. Une évaluation gériatrique permet aussi d’aborder quelques autres éléments de pertinence du traitement : existe-t-il une comorbidité à risque vital à court terme ou une pathologie non stabilisée qui pourrait fausser le diagnostic de SAS ? Le sevrage en benzodiazépines est-il envisageable ? Aucune étude n’a évalué spécifiquement l’efficacité de la VPCC chez les patients âgés. En population générale, la VPCC permet à court terme une diminution des événements respiratoires anormaux et une baisse de l’IAH. À moyen et long termes, elle permettrait une diminution de la somnolence subjective, une amélioration de la qualité de vie, une amélioration cognitive (fonctions exécutives surtout) et une diminution de la nycturie. Elle permet aussi une diminution de l’insulinorésistance et une diminution modérée de la pression artérielle. Elle diminue également l’ischémie myocardique et améliore la fonction cardiaque, même si l’impact du SAS sur la survie à long terme des patients insuffisants cardiaques semble faible. Il n’existe pas d’étude évaluant l’effet de la VPPC sur la mortalité, mais son rôle favorable sur des pathologies fréquentes ou des symptômes invalidants chez le sujet âgé rend pertinent un dépistage « large » du SAS en gériatrie.   "Publié dans Gérontologie Pratique"

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