Publié le 28 fév 2014Lecture 6 min
De l’aigu au chronique : les mêmes biomarqueurs ? Pourquoi ? Comment ?
C. LAMBERT, Paris
JESFC
Au-delà de leur valeur diagnostique, les biomarqueurs ont une place de plus en plus importante en cardiologie pour évaluer le pronostic cardiovasculaire, et ce dans des situations très différentes.
NT-proBNP et « dépistage » au sein des populations à risque
Comme l’a souligné Patrick Jourdain (Pontoise), le dosage du NT-proBNP peut avoir, au-delà du diagnostic et du pronostic de l’insuffisance cardiaque (IC), un intérêt dans certaines populations à risque.
Ainsi, chez les insuffisants rénaux, les taux de peptides natriuré - tiques (PN) > 70 ng/L sont associés à l’hypertrophie du VG et à la dysfonction systolique.
Autre exemple, chez les sujets ayant une cardiomyopathie hypertrophique, le dosage du NT-proBNP permet de dépister les personnes à risque au sein d’une famille de façon plus sensible que la génétique ou l’ECG. Aussi, la valeur prédictive du risque de ce biomarqueur peut-elle être utilisée pour évaluer le risque dans le cadre d’une chirurgie ? C’est ce que semble démontrer une métaanalyse chez des patients hospitalisés pour une chirurgie non cardiaque. Le risque de décès ou d’infarctus non fatal à 30 et à 180 jours après le geste opératoire est corrélé aux dosages pré- et postinterventionnels de NT-proBNP. En préopératoire, il permet de réévaluer le risque à sa juste valeur chez 20 % des patients.
Les PN ont également un intérêt pour le dépistage de la fibrillation atriale (FA). Dans une étude menée chez des patients hospitalisés pour AVC, le dosage de PN a une valeur prédictive de l’arythmie supérieure à celle de l’âge ou du sexe, avec un risque de nouvel épisode d’arythmie qui augmente avec les valeurs du NT-proBNP.
Dans le cas d’un infarctus du myocarde (IDM), plus les PN augmentent, plus le dégât myocardique est important. Ainsi, le NT-proBNP est bien corrélé à la fonction VG post-infarctus. Chez les patients présentant un syndrome coronaire aigu (SCA), le taux de PN est corrélé au risque de décès à court et long terme. Le NT-proBNP est un critère prédictif de décès et de réhospitalisation à long terme supérieur au dosage de la troponine, de la CRP ou de la clairance de la créatinine. De plus, troponine et NT-proBNP ont une valeur additive pour évaluer le risque de décès à 1 an.
Enfin, peut-on utiliser ces dosages pour screener des patients de plus de 60 ans ayant des facteurs de risque d’insuffisance cardiaque ? Il s’avère que dans cette population, un taux de NT-proBNP élevé est prédictif d’une altération de la fonction systolique ou diastolique. Chez les patients diabétiques de type 2, l’intensification du traitement visant à ramener les taux de NT-proBNP en dessous de 60 ng/L permet de diminuer les hospitalisations, en particulier pour causes cardiovasculaires.
L’ensemble de ces éléments montre que le NT-proBNP peut s’avérer utile dans de nombreuses situations.
Une valeur pronostique utile en clinique
La valeur diagnostique de NTproBNP chez un patient se présentant aux urgences avec une dyspnée aiguë est bien connue. Elle a permis, dans une étude israélienne, 25 % de diagnostics d’insuffisance cardiaque aiguë en plus. Le recours aux PN permet également de réduire les coûts et d’accélérer la prise en charge. Toutefois, comme l’a souligné James Januzzi (Boston), la valeur pronostique de ces dosages s’est précisée au cours des dernières années.
Ainsi, selon les données du registre européen, le dosage du NT-proBNP à la sortie de l’hôpital est un critère prédictif indépendant du risque cardiovasculaire. Dans les recommandations nord-américaines éditées l’année dernière, les PN ont un niveau I de preuve pour le diagnostic et le pronostic de l’insuffisance cardiaque. Deux dosages sont recommandés, l’un à l’entrée et l’autre à la sortie de l’hôpital. Pour les patients chez lesquels le NT-proBNP ne s’est pas significativement abaissé au cours de l’hospitalisation (< 30 % de variation), une consultation est programmée 7 jours après la sortie afin d’intensifier le traitement. Plusieurs études ont évalué l’intérêt d’un traitement de l’IC guidé par les taux de PN. Elles ont montré que l’intensification des traitements en se basant sur ce critère biologique est généralement bien tolérée, sans effets indésirables majeurs, et qu’elle améliore le pronostic. Une métaanalyse, publiée l’année dernière, montre que cette stratégie permet de diminuer toutes les causes de mortalité. Dans l’étude PROTECT, l’intensification du traitement pour atteindre les taux de NT-proBNP les plus bas possible (objectif < 1 000 ng/L) était associée à une réduction de 50 % du nombre des événements cardiovasculaires, en particulier les hospitalisations liées à l’IC et les décès d’origine cardiovasculaire. En plus d’améliorer le pronostic, le traitement guidé par les PN a un impact positif sur la qualité de vie. Il permet de diminuer les effets du remodelage ventriculaire avec une évolution favorable de la FEVG à un an, de la fonction diastolique et des pressions dans le ventricule droit. Les études qui se sont intéressées au volet médico-économique ont mis en évidence une réduction des coûts de prise en charge avec une stratégie guidée par les PN. D’autres biomarqueurs sont utiles dans l’insuffisance cardiaque, notamment la troponine T hypersensible (TnT Hs). La TnT Hs a une valeur pronostique, chez le patient présentant une IC, du risque de décès et de réhospitalisation pour IC. Cette valeur pronostique est additive à celle apportée par le NT-proBNP. Ce marqueur pourrait donc être utile pour une stratification du risque chez ces patients. D’autres biomarqueurs sont en cours d’évaluation, en particulier le sST2 qui est un marqueur de fibrose au niveau du cœur, mais aussi du rein. Il est probable que plusieurs de ces marqueurs soient utilisés de façon combinée dans le futur pour encore mieux stratifier le risque de chaque patient.
La troponine au-delà des coronaires
Comme l’a remarqué Christophe Meune (hôpital Avicenne, Bobigny), l’avènement de la troponine hypersensible s’est traduit par une meilleure sensibilité diagnostique, mais aussi par une plus forte sensibilité pour d’autres situations de souffrances cardiaques non coronaires qui a attiré l’attention sur l’intérêt de ce biomarqueur dans d’autres populations de patients. Ainsi, dans l’insuffisance cardiaque chronique, la TnT Hs apporte une information pronostique supplémentaire sur les décès et les réhospitalisations pour IC. Dans une population de plus de 5 000 patients insuffisants cardiaques (FEVG < 30 %) correctement traités, avec un taux de NTproBNP < 1 000 ng/L, le taux de TnT Hs est prédictif de la mortalité et de la survenue d’une IC aiguë. La variation du taux de TnT Hs entre la valeur de base et après un suivi à 3 mois permet d’identifier des groupes et de stratifier le risque chez ces patients. Chez des coronariens stables, les patients ayant une TnT Hs > 14 ng/L ont un risque plus élevé de décès pour cause cardiovasculaire, avec des courbes qui divergent en fonction du taux dès un an de suivi (figure). Qu’en est-il dans la population générale ? Une étude récente a inclus près de 10 000 sujets jeunes chez lesquels on a dosé la TnT Hs qui a été ajustée sur les facteurs de risque CV, la créatinine, les peptides natriurétiques et la CRP. Un taux de NT-proBNP augmenté était corrélé à l’insuffisance cardiaque, ainsi qu’à la somme des événements cardiovasculaires. Le bénéfice de ce screening a été testé dans une population plus âgée. Chez 4 221 patients > 65 ans, un taux de TnT Hs élevé était associé à un taux élevé de NT-proBNP, permettant de diagnostiquer des dysfonctions ventriculaires. Là encore, la cinétique est importante, tant sur le court terme pour le dépistage d’accidents aigus, que sur le long terme pour suivre l’évolution d’une maladie chronique. Elle permet d’identifier des populations à faible ou haut risque. L’étape ultérieure consistera cependant à montrer qu’une prise en charge thérapeutique peut modifier ces pronostics. Parmi les autres indications, C. Meune a cité la sclérodermie systémique qui se caractérise par des séquences d’ischémie-reperfusion sur les vaisseaux de petit calibre. Chez ces patients qui sont également à risque cardiaque, 20 % d’entre eux avaient une TnT Hs > 14 ng/L, qui était prédictive en analyse multivariée d’une HTAP, élément pronostique majeur pour cette maladie de système.
Incidence des décès d’origine cardiovasculaire en fonction de taux de TnT Hs par quartile. D’après Omland T. NEJM 2009 ; 361.
D’après un symposium organisé par Roche Diagnostics lors des JESFC 2014
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