Publié le 14 nov 2014Lecture 4 min
Les manifestations cardiaques de la maladie de Fabry
N. EL OUAFI, CHR Al Farabi Oujda, Maroc
La maladie de Fabry est une maladie systémique avec un phénotype très variable d’un sujet à l’autre. Sa reconnaissance est importante car il existe un traitement enzymatique substitutif disposant d’une AMM européenne depuis 2001. Les manifestations de la maladie de Fabry sont plus fréquentes chez les hommes, mais surviennent également chez les femmes. Le pronostic est en grande partie lié aux atteintes des trois organes suivants : cœur, rein et système nerveux central.
Les manifestations cliniques
La maladie de Fabry est une affection systémique hétérogène cliniquement, d’évolution chronique et progressive. Il existe une grande variabilité d’expression clinique d’un sujet à l’autre et d’âge de début des symptômes. La sémiologie « classique » de la maladie de Fabry est importante à connaître lorsque l’on considère que le délai entre le premier symptôme et le diagnostic de maladie de Fabry est en moyenne de plus de 15 ans chez l’homme et chez la femme. Bien que la maladie de Fabry soit une maladie liée à l’X, les femmes ne sont pas seulement vectrices mais atteintes par la maladie à des degrés divers.
Atteinte cardiaque
Cardiomyopathie
L’hypertrophie ventriculaire gauche est l’anomalie la plus fréquemment retrouvée. Sa prévalence augmente avec l’âge et survient plus précocement chez les hommes que chez les femmes. L’électrocardiogramme objective une hypertrophie ventriculaire gauche qui est présente chez 61 % des hommes et 18 % des femmes (figure 1). L’ECG note également un élargissement des QRS entre 160 et 200 ms.
L’échocardiographie transthoracique montre une hypertrophie ventriculaire gauche concentrique modérée (14 à 20 mm) avec augmentation de la masse ventriculaire gauche chez 76 % des patients de sexe masculin et chez toutes les femmes âgées de plus de 45 ans. L’hypertrophie ventriculaire droite est retrouvée dans un tiers des cas.
Une dysfonction diastolique du VG est fréquente. La détérioration progressive de la fonction systolique est egalement notée (figure 2).
Figure 1. Électrocardiogramme d’un patient de 41 ans atteint d’une maladie de Fabry objectivant une hypertrophie ventriculaire gauche avec un espace PR court.
Figure 2. Échocardiographie transthoracique d’un homme de 54 ans ayant une maladie de Fabry. On note en coupe parasternale grand axe et petit axe une hypertrophie ventriculaire gauche avec une paroi estimée à 16 mm (A,B), anomalie de la fonction diastolique avec un profil mitral anormal (C) et anomalie de la fonction systolique au Doppler tissulaire (D).
Anomalies électrophysiologiques
L’exploration électrophysiologique note un raccourcissement de l’espace PR qui semble être secondaire à une accelération de la conduction par accumulation des glycosphingolipides dans les fibres myocardiques et le système de conduction. Il doit être distingué des voies accessoires auriculo-ventriculaires. En effet, on note une normalisation de l’espace PR après enzymothérapie substitutive.
Des troubles de conduction auriculo- ventriculaires et intraventriculaires peuvent également être retrouvés. Ils sont plus fréquents chez les sujets âgés et peuvent nécessiter, dans 3 % des cas, une stimulation cardiaque.
Dans de rares cas, les troubles de rythme peuvent être la première manifestation de la maladie : il s’agit d’une fibrillation auriculaire dans 17 % des cas. L’arythmie ventriculaire n’est présente que dans 8 % des cas.
Valvulopathie
L’accumulation des glycosphingolipides au niveau valvulaire est à l’origine d’une fibrose et de calcifications secondaires.
Les régurgitations mitrales, aortiques et tricuspides, souvent minimes, sont les lésions les plus fréquemment retrouvées.
Angine de poitrine
L’angine de poitrine n’est pas rare et survient essentiellement chez des patients avec hypertrophie ventriculaire gauche.
Malgré son incidence importante, une atteinte coronarienne n’est retrouvée que dans une minorité de cas.
Les facteurs impliqués dans l’ischémie myocardique sont représentés par l’augmentation de la consommation myocardique en oxygène, la dysfonction endothéliale, l’atteinte de la microcirculation avec diminution de la réserve coronaire.
Atteinte vasculaire
Bien que les dépôts des glycosphingolipides se fassent dans de nombreux types cellulaires, ils ont une affinité particulière pour l’endothélium vasculaire. Ils s’accumulent principalement dans l’intima et la couche musculaire lisse de la média des parois artérielles, ce qui conduit à un épaississement et une calcification de l’artère. Des ectasies des artères basilaires et vertébrales ont été retrouvées contribuant au développement de symptômes neurologiques.
Un élargissement de la racine aortique a également été signalé pouvant entraîner une régurgitation aortique.
Le système veineux semble être moins affecté par le dépôt des glycosphingolipides et les greffons veineux seront préférables dans les procédures de revascularisation coronarienne.
Les manifestations extracardiaques
Les manifestations extracardiaques sont résumées dans le tableau ci-dessous.
Diagnostic
Le diagnostic de la maladie de Fabry doit être effectué chez l’homme par un dosage enzymatique de l’alpha-galactosidase A dans les leucocytes, celui-ci retrouvant classiquement un taux effondré ou très bas d’enzymes. L’analyse génétique est essentielle pour l’enquête génétique dans la famille. Ce diagnostic biochimique n’est pas fiable chez la femme, puisque environ 40 % des femmes atteintes de maladie de Fabry ont un dosage enzymatique normal. Il est nécessaire de confirmer le diagnostic de maladie de Fabry chez la femme par un diagnostic génétique avec recherche de la mutation.
La prise en charge
La prise en charge des patients ayant une maladie de Fabry doit associer dans tous les cas un traitement symptomatique et un suivi régulier clinique, biologique et morphologique. La prise en charge des patients doit être effectuée par un médecin ayant une expertise dans les maladies héréditaires du métabolisme.
À ce jour, le traitement enzymatique substitutif est à considérer dans tous les cas chez l’homme adulte, avec probable nécessité d’un traitement précoce. Chez la femme ainsi que chez l’enfant, le traitement enzymatique substitutif doit être considéré uniquement dans les cas associés à des douleurs sévères, ou à une atteinte d’organe : système nerveux central, rein ou cœur.
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