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Cardiologie interventionnelle

Publié le 14 juin 2015Lecture 6 min

Occlusion de l’auricule gauche : où en sommes-nous ?

D. CHAMPAGNAC, Villeurbanne

L’idée d’occlure l’appendice auriculaire gauche par voie transcutanée afin de limiter les complications thromboemboliques de la fibrillation atriale (FA) a été mise en pratique au début des années 2000 par Horst Sievert, en Allemagne, utilisant le dispositif PLAATO. Depuis, plusieurs milliers de patients ont été traités par cette technique dans le monde, la France restant en retrait en raison essentiellement de l’absence de prise en charge de l’acte interventionnel et des dispositifs médicaux. Les choses sont en train de changer.

Les bases de la réflexion La fibrillation atriale non valvulaire se définit par une FA survenant en l’absence de prothèse valvulaire mécanique et d’antécédent de RAA. C’est une pathologie fréquente (2 % de la population) responsable de 20 % des AVC ischémiques. Les thrombi proviennent de l’appendice auriculaire dans 90 % des cas(1). Les AVK, en préconisant une fenêtre d’INR entre 2 et 3, ou les anticoagulants oraux directs, constituent le traitement préventif de référence, diminuant le nombre d’AVC et la mortalité(2,3). L’instauration de tels traitements mérite une estimation des risques embolique et hémorragique, à l’aide des scores CHA2DS2-VASc et HAS-BLED respectivement, d’après les dernières recommandations de l’ESC. De nombreux patients en FA ne sont pas anticoagulés (40 % !) en raison d’une balance bénéfice/risque défavorable, d’autres ont une contre-indication formelle aux anticoagulants (AC), d’autres, enfin, doivent interrompre le traitement en raison de complications hémorragiques. Les sujets âgés de plus de 75 ans sont les plus exposés au risque hémorragique, plus de 12 % d’entre eux sont traités par AC et plus de la moitié devront, à terme, interrompre leur traitement. C’est aussi dans cette tranche d’âge que la prévalence de la FA et le risque thromboembolique est le plus élevé. L’occlusion de l’auricule gauche émerge dans ce contexte. Cette technique a été utilisée dans de nombreuses études ou registres, non seulement pour ces groupes de patients à risque mais aussi en comparaison directe avec les AVK dans deux études randomisées.   Les dispositifs et la technique La fabrication du dispositif PLAATO a été interrompue en 2006. Deux dispositifs sont actuellement utilisés en France, l’Amplatzer Cardiac Plug (ACP) de la société Saint Jude Medical, et le Watchman de la société Boston Scientific. Ce sont des systèmes en nitinol, autoexpansibles, munis de crochets stabilisateurs, disponibles en diverses tailles permettant d’occlure la plupart des auricules. Il est important de procéder à une évaluation anatomique précise de l’auricule à exclure (à l’aide de l’ETO et du scanner) car il existe une variabilité de formes, d’aspect mono- ou plurilobé, d’orientation dans l’espace, faisant choisir la taille appropriée du dispositif. Les procédures se déroulent sous anesthésie générale en raison de l’usage de l’ETO pour guider la ponction transseptale et le positionnement du matériel. Une anticoagulation est obligatoire durant le geste, contrôlée par la mesure de l’ACT (> 250 s). En post-procédure, le traitement antithrombotique n’est pas standardisé, mais il est possible de ne prescrire qu’un traitement antiplaquettaire.   Les études et recommandations Seulement deux études randomisées (PROTECT-AF, 707 patients et PREVAIL, 407 patients) sont disponibles alors que plus de 10 000 patients ont été implantés avec chacun des dispositifs dans le monde. Le dispositif PLAATO est utilisé entre 2000 et 2005, il montre la faisabilité de la technique avec des résultats cliniques satisfaisants (diminution de 50 % du nombre d’AVC mesurés vs nombre attendu par l’estimation du CHADS2). Cependant, les complications périprocé durales sont déjà pointées du doigt : tamponnade, AVC, saignement, migration du dispositif. Le dispositif Watchman apporte les enseignements des deux études randomisées, PROTECTAF(4) faisant référence avec un niveau de supériorité de l’occlusion vs warfarine sur le critère combiné AVC/embolies systémiques/mortalité cardiovasculaire (-40 %) obtenu pour un suivi de 2 621 patients-années. Il s’agit de patients éligibles au traitement par AVK, à risque embolique modéré (CHADS2 = 2,2). Cette étude a permis de valider le concept de l’occlusion de l’auricule dans l’optique de réduire le nombre d’AVC chez les patients en FA. Toutefois, certaines faiblesses méthodologiques (critères d’exclusion larges, faible risque) limitent la pertinence de ces résultats. À la suite de PROTECT-AF, le registre CAP a montré l’importance de l’expérience des opérateurs dans la réduction des complications périprocédurales(5). Le taux de complications à J7 passe de 10 % en début d’expérience lors de PROTECT-AF à 3,7 % au cours du registre CAP, les centres implanteurs étant les mêmes. Les complications majeures sont représentées par l’effraction péricardique, l’AVC, le saignement, la migration du dispositif. Une réduction du taux de complications autour de 2 à 3 % est un objectif semblant réalisable dans des centres à volume suffisant. Avec le dispositif ACP, de nombreuses études non randomisées sont disponibles ; récemment, A. Tzikas a rapporté les résultats d’une évaluation multicentrique dans laquelle on assiste à une diminution de 63 % du risque d’AVC et de 60 % du risque hémorragique, sur 1 216 patients-années de suivi(6). L’European Society of Cardiology mentionne en 2012 l’occlusion de l’appendice auriculaire gauche avec une recommandation classe IIb niveau B pour des patients à haut risque d’AVC et contre-indication aux AC oraux. Le consensus d’experts EHRA/EAPCI propose la fermeture de l’auricule pour les patients ayant une contre-indication au traitement AC, ou refusant ce type de traitement ou présentant un risque hémorragique inacceptable pour instaurer ce traitement.   La situation en France En France, un registre (FLAAC) est en cours depuis juin 2013, il comporte 35 centres actifs ayant implanté environ 500 patients jusqu’alors. Cette base de données est coordonnée par l’hôpital Henri Mondor (Pr E. Teiger). Les indications sont limitées aux patients à haut risque hémorragique ou en prévention secondaire. L’absence de prise en charge de l’acte et des dispositifs explique la faible activité française comparée aux autres pays européens. Un dossier en vue de créer l’acte et rembourser les dispositifs a été déposé auprès de la HAS en février 2012, à la demande de plusieurs groupes de la Société française de cardiologie. Un groupe de travail s’est réuni en février 2014. En juillet 2014, la HAS a validé l’intérêt thérapeutique et de santé publique de l’acte (codage CCAM) et du dispositif Watchman (inscription LPPR). En septembre, le dispositif ACP est lui aussi validé pour son inscription LPPR. Les indications retenues sont la prévention des accidents thromboemboliques chez les patients en FANV ayant un CHA2DS2-VASc ≥ 4 et une contre-indication formelle et permanente au traitement AC. Cette contre-indication doit être validée par un comité pluridisciplinaire dans lequel le praticien qui contre-indique les anticoagulants doit participer. Ni le refus des AC par le patient, ni la prévention secondaire ni l’alternative aux AC ne sont reconnus dans les indications. Les équipes sont composées de deux opérateurs qualifiés dont au moins un ayant acquis une compétence dans la ponction transseptale, un échographiste, un anesthésiste réanimateur, deux infirmières. Une formation spécifique théorique et pratique sera réalisée pour chaque dispositif. Au sujet de l’environnement technique, on note que la chirurgie cardiaque sur site, l’ETO en cours d’implantation, le dosage de l’ACT, sont recommandés. Dans le cadre du suivi des patients, le traitement antiplaquettaire est proposé durant 6 mois au minimum, sans précisions sur le type de traitement (mono- ou bithérapie). Une imagerie par ETO ou scanner sera réalisée à 3 mois à la recherche de fuites résiduelles ou de thrombi sur dispositifs (l’existence de thrombi est reliée à une augmentation des AVC, l’influence des fuites résiduelles est incertaine). Le renouvellement de cette inscription est soumis à l’établissement d’un registre ayant pour but d’évaluer l’efficacité et la sureté de l’implantation et aussi de préciser le type et la durée du traitement antithrombotique post-intervention.     En pratique   L’occlusion percutanée de l’auricule gauche sera prochainement prise en charge en France dans des indications très limitées, en l’absence d’alternative, chez des patients à haut risque thromboembolique. Malgré ces limitations, la population cible est estimée entre 10 000 et 30 000 patients. Ces patients, actuellement « laissés pour compte », pourraient – devraient ? – faire l’objet d’une étude randomisée, un peu comme PARTNER-B l’a fait à propos du TAVI.   ETO permettant la réalisation du transseptal. ETO : zones à calibrer pour le choix du dispositif. ETO 3D objectivant l’ostium de l’auricule gauche. ETO 3D : dispositif ACP en place. Occlusion de l’auricule : les dispositifs. 

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