Publié le 21 fév 2017Lecture 5 min
Prise en charge du patient avec un SAS central, mixte ou complexe après SERVE-HF
D. CARO, Paris
En 2015, les résultats de l’étude SERVE-HF(1) ont surpris et fait naître beaucoup d’interrogations : que proposer aux patients insuffisants cardiaques systoliques à FEVG ≤ 45 % présentant des apnées centrales ? Quelle est la place et quelles sont les indications validées de la ventilation auto-asservie ? Un symposium au congrès des Journées Pratiques Respiration Sommeil a tenté de répondre à ces questions, en s’appuyant sur les dernières données de la littérature.
Les résultats de l’étude SERVE-HF(1), dont l’objectif était d’évaluer les effets de la ventilation auto-asservie (VAA) chez des patients ayant un syndrome d’apnée du sommeil (SAS) central prédominant, atteints d’insuffisance cardiaque (IC) systolique dont la fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) était ≤ 45 % (comparés à un groupe ayant un traitement médical optimal seul), ont montré que la mortalité toutes causes et la mortalité cardiovasculaire (CV) étaient significativement augmentées dans le groupe VAA.
Ces résultats, obtenus à l’issue du suivi de l’étude, ont conduit à la diffusion d’une alerte de sécurité le 13 mai 2015. Dès la publication initiale en septembre 2015 dans le New England Journal of Medicine, l’analyse univariée soulignait le fait que la surmortalité touchait essentiellement les patients dont les FEVG étaient les plus basses et dont le pourcentage de respiration de Cheyne-Stokes était plus marqué.
L’hypothèse de décès d’origine cardiaque
Depuis, une analyse statistique de la survie dans SERVE-HF utilisant une modélisation multivariée(2), publiée dans le Lancet Respiratory Medicine en août 2016, a démontré que la mortalité observée était de type « mort subite » (décès sans hospitalisation préalable), et qu’elle était liée de façon indépendante à la FEVG abaissée. Il existe une relation de type dose-réponse entre la FEVG et le risque relatif de décès. Lorsque la FEVG est ≤ 30 %, le risque relatif de décès est de 5,21, statistiquement significatif. Pour des FEVG supérieures, entre 31 et 45 %, le risque relatif diminue et n’est plus statistiquement significatif. Il est noter également que dans cette analyse multivariée, la respiration de Cheyne-Stokes n’est pas statistiquement liée à la mortalité cardiovasculaire, contrairement à ce que l’analyse univariée initiale avait mis en évidence. L’hypothèse d’un rôle protecteur de la respiration de Cheyne-Stokes semble donc être écartée.
J.-L. Pépin a également commenté les analyses « on-treatment » qui confirment que les cross overs entre les deux bras de l’étude et l’observance au traitement n’ont pas d’influence sur le risque de mortalité. De plus, les résultats de l’étude ancillaire principale de SERVE-HF montrent qu’il n’y a aucun effet de la VAA sur la fonction cardiaque (paramètres fonctionnels, FEVG), sur les paramètres anatomiques et sur les marqueurs systémiques de l’inflammation ou de la fonction rénale. D’autre part, des analyses complémentaires portant sur l’impact des pressions de traitement délivrées et/ou de leurs variations confirment l’absence de lien entre ces paramètres et le risque de mortalité. L’hypothèse du risque hémodynamique des variations de pression semble donc éliminée.
L'éclairage apporté par les données en vie réelle
Le registre français FACE (French Cohort Study of Chronic Heart Failure Patients With Central Sleep Apnea Eligible for Adaptive Servo-Ventilation)(5) apporte des informations complémentaires. Il s’agit d’une étude observationnelle prospective qui a débuté avant la publication des résultats de SERVE-HF et dont l’objectif était de fournir des données de morbi-mortalité sur le long terme en conditions réelles d’utilisation de la VAA chez des patients insuffisants cardiaques (IC). Ont été inclus des patients avec une FEVG réduite (FE-r) ou préservée (FE-p) présentant un SAS central prédominant ou un SAS combiné.
Les patients qui utilisent la VAA plus de 3 heures par nuit sont considérés comme observants, les patients non-observants ou qui refusaient d’emblée la VAA constituent le groupe contrôle. Le critère de jugement primaire associe les décès toutes causes, les décès CV ou les hospitalisations non planifiées pour aggravation de l’IC. Les résultats intermédiaires du registre FACE portent sur 361 patients, avec un suivi médian de 11 mois. L’analyse multivariée réalisée sur cette population ne montre ni bénéfice ni effet délétère de la VAA sur la morbimortalité. Il est intéressant de noter que dans le sous-groupe de patients de ce registre qui ressemble à la population incluse dans SERVE-HF (càd IC à FE-r avec SAS central prédominant), on retrouve la même tendance défavorable sur la survie que dans l’essai randomisé SERVE-HF. En revanche, chez les patients ne correspondant pas aux critères d’inclusion de SERVE-HF (en majorité des patients avec une FE-p), le groupe traité par VAA semble avoir un meilleur pronostic que le groupe non traité.
Qu’en déduire en pratique ?
Les patients insuffisants cardiaques avec un SAS à prédominance centrale et une FEVG préservée peuvent bénéficier d’une VAA. La VAA est contre-indiquée uniquement chez les patients insuffisants cardiaques avec une FEVG ≤ 45 % et un SAS central prédominant. Quatre avis d’experts publiés(11-14) citent les cinq principales situations cliniques dans lesquelles un SAS central et/ou de la respiration périodique est observé, pour lesquels un traitement par ventilation auto-asservie est indiqué :
– le SAS central dans l’insuffisance cardiaque à FEVG préservée ;
– le SAS complexe ;
– le SAS central induit par les opiacés ;
– le SAS central idiopathique ;
– le SAS central conséquence d’un AVC.
Chez les patients IC traités par PPC et qui sont améliorés par ce traitement, on ne change rien. En cas d’efficacité insuffisante, notamment en cas de persistance ou d’émergence d’apnées centrales, on peut proposer une VAA après avoir vérifié la fonction cardiaque. Enfin, pour les patients ne pouvant bénéficier d’une VAA en raison d’une FEVG trop altérée, il faut optimiser le traitement cardiologique : une resynchronisation réussie peut améliorer le trouble respiratoire ; la stimulation phrénique pourrait également réduire les apnées centrales(6).
Association entre la FEVG et les décès CV sans hospitalisation préalable ou intervention ayant préservé la vie.
*Ajusté pour les défibrillateurs implantables, la respiration de Cheyne-Stokes.
D’après les communications de J.-L. Pépin (Gre noble) et de A. Prigent (Rennes)lors du symposium organisé dans le cadre des 8es Journées Prat iques Respiration Sommeil30 septembre-1er octobre 2016
Débat modéré par M. Sapène (Bordeaux) et V. Puel (Bordeaux)
"Publié dans OPA Pratique"
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