Publié le 15 juin 2017Lecture 5 min
L'IRM de stress : pour qui et comment ?
Jean-Nicolas DACHER1,2 et coll*, Pôle imagerie, CHU de Rouen
Dans les dernières recommandations de l’ESC sur l’angor stable(1), l’IRM de stress est reconnue comme un test équivalent aux examens classiques (scintigraphie, échocardiographie) chez le patient avec une probabilité pré-test intermédiaire (15-85 %), que sa fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) soit normale ou altérée. Les auteurs de cette recommandation insistent sur l’importance de l’environnement local, de la disponibilité des équipements et des compétences.
L’étude CE-MARC a conclu à la supériorité diagnostique de l’IRM par rapport à la scintigraphie(2). L’étude multicentrique MR-IMPACT II, plus modérée, a mis en évidence une sensibilité supérieure de l’IRM au prix d’une spécificité moindre par rapport à la scintigraphie(3).
Les avantages et les limites de l’examen
Le stress en IRM est pharmacologique (aujourd’hui on utilise l’adénosine ou le régadénoson plutôt que le dipyridamole qui expose à des faux négatifs) et exclut (sauf conditions expérimentales) la pratique de l’effort. De façon schématique, l’IRM est un excellent examen pour analyser qualitativement la réserve coronaire et chercher une ischémie réversible. Ce n’est pas un examen destiné à évaluer l’adaptation à l’effort d’un patient non ou incomplètement revascularisé.
L’IRM de stress associe :
- une étude de la cinétique de repos ;
- une analyse de la perfusion de premier passage sous stress ;
- puis éventuellement au repos un rehaussement tardif.
L’analyse de l’examen combine l’ensemble des informations de ces trois grandes séries de séquences. L’analyse cinétique permet une approche fonctionnelle systolique (FE, volumes, masse), ainsi qu’une analyse de la cinétique globale et segmentaire. La perfusion de stress cherchera un retard de perfusion systématisé. Si une telle anomalie est identifiée, la perfusion de repos estimera la réversibilité de ce trouble. Enfin, le rehaussement tardif permet l’analyse de la nécrose/viabilité en termes de transmuralité et d’extension segmentaire.
Les indications de l’IRM de stress
Dans une étude clinique britannique récente(4), les indications de l’IRM de stress étaient par ordre décroissant de fréquence :
- recherche de défect réversible de perfusion et analyse de la viabilité chez un patient coronarien connu en vue d’une éventuelle revascularisation (55 %) ;
- douleur thoracique (20 %) ;
- anomalie de la fonction systolique (17 %) ;
- bloc de branche gauche (7 %).
Notre expérience est similaire avec une nette prédominance de bilans couplant la recherche d’ischémie et de viabilité dans les suites d’un syndrome coronarien aigu (SCA).
L’occlusion chronique d’une coronaire est également une excellente indication. Compte tenu du développement variable de collatéralités, l’étendue des plages ischémiques est éminemment fluctuante et l’IRM peut aider à poser ou à réfuter l’indication d’un geste de revascularisation toujours délicat (figure). L’IRM peut également authentifier l’origine cardiaque de douleurs thoraciques à coronaires saines en rapport avec une pathologie de la microvascularisation.
Figure. Patiente de 67 ans se plaignant d’un angor stable. Une coronarographie réalisée d’emblée avait mis en évidence une occlusion chronique proximale de la coronaire droite avec une reprise par le réseau gauche. Est notée également une sténose intermédiaire de l’IVA proximale. A : Une IRM de stress sous régadénoson est réalisée qui montre un défaut de rehaussement prolongé en perfusion de premier passage dans le territoire inférieur (flèches). Il n’y a pas d’ischémie détectable en antérieur. B : La séquence de rehaussement tardif montre une minime séquelle inféro-latérale médiane. La viabilité est préservée. La FEVG est normale à 58 % de même que les volumes et la masse ventriculaire gauche. Une angioplastie de la coronaire droite est réalisée (3 stents actifs) avec un bon résultat angiographique. Pas de geste sur la coronaire gauche en l’absence d’anomalie à l’IRM. C : L’IRM de contrôle réalisée quelques semaines plus tard est normale. L’évolution clinique est favorable.
Certains patients ne sont pas éligibles à l’IRM
La claustrophobie reste une limite même si le développement des grands anneaux (70 cm) en réduit la prévalence.
Nous conseillons aux prescripteurs de toujours s’enquérir d’un tel problème en demandant aux patients s’ils utilisent les ascenseurs ou prennent les tunnels en voiture. Une réponse négative à ces questions augure mal de la possibilité de réaliser une IRM. L’obésité pose également problème en augmentant la sensation d’oppression dans la machine.
Il faut se montrer vigilants avec les patients implantés.
Le pacemaker reste une limite même si le développement des implants magnéto-compatibles représente un indéniable progrès.
Les patients porteurs de DAI se verront habituellement proposer une exploration alternative, les patients porteurs d’implants cochléaires ou de neurostimulateurs également. Le risque existe avec les corps étrangers métalliques intraorbitaires qui peuvent être facilement éliminés par une radiographie des orbites. Le cas se présente notamment chez les fraiseurs, soudeurs et autres professions travaillant le métal. En revanche, il n’y a aucun souci avec les matériels implantés par les orthopédistes (arthrodèses et autres) à l’exception des fixateurs externes.
Quid des agents de stress pharmacologique ?
L’autre limite à l’IRM est en rapport avec l’agent utilisé pour le stress. Même si l’adénosine est le produit le plus employé, notre préférence va aujourd’hui au régadénoson (agoniste du récepteur A2a de l’adénosine), essentiellement en raison de sa facilité d’emploi en dose unique, de sa rapidité d’action, de sa courte demi-vie et de l’absence de contre-indication chez les patients atteints de maladie respiratoire (asthme et BPCO). Rappelons que les vasodilatateurs sont utilisés aujourd’hui hors AMM en IRM. Seule la dobutamine qui est très peu utilisée en IRM dispose d’une AMM en France. Compte tenu du développement rapide de la technique et des preuves scientifiques, nous appelons de nos vœux une évolution rapide de la réglementation. L’optimisme est de rigueur dans la mesure où la Haute Autorité de santé (HAS) concluait en 2015 son rapport sur la prise en charge des SCA STpar la phrase suivante : « L’IRM de stress, actuellement peu implantée, mériterait d’être développée puisqu’il s’agit d’un examen non irradiant, sans injection iodée et non dépendant du patient ou de l’opérateur ».
En pratique
Outre ses excellentes performances diagnostiques, l’IRM est moins coûteuse que la scintigraphie, ne délivre pas de radiation ionisante et ne produit pas de déchet radioactif.
Son excellente résolution anatomique est également à souligner ; elle permet une analyse complète du cœur, du médiastin et des gros vaisseaux et de nombreux diagnostics différentiels.
Le risque allergique du traceur gadoliné utilisé en IRM est moindre que celui des produits de contraste iodés. La prudence doit rester de mise chez l’insuffisant rénal sévère (clairance de la créatinine < 30 ml/min). Dans ce cas, la balance bénéfice/risque doit être évaluée.
Enfin, la disponibilité de l’examen souvent mise en avant comme une limite de l’IRM est en nette amélioration sur l’ensemble du territoire national.
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