Publié le 01 déc 2017Lecture 7 min
Dictionnaire amoureux de la réadaptation cardiaque
Hervé HOOREMAN, CHU d’Argenteuil
Amoureux ou non, de nombreux dictionnaires existent, mais, sauf erreur, pas dans le domaine de la réadaptation cardiaque. À défaut d’un mode trop rigoureux, scientifique, ou pire encore, rabâcheur, nous voudrions livrer ici sous une forme inhabituelle, quelques réflexions rétrospectives.
Ces dernières, glanées ici ou là, souvent au lit de nos patients, parfois lors de réunions scientifiques, n’ont aucune prétention académique, mais refléteront simplement des impressions de tous les jours. En bref, un peu de recul.
Activité physique
Selon une étude de 2008 du CNAPS (Conseil national des activités physiques et sportives, si, si, il y en a un…), chaque sportif fait économiser annuellement à la Sécurité sociale environ 250 €. Pourquoi s’en priver ? Le sport peut désormais, sous conditions, figurer sur l’ordonnance médicale. Tant mieux !
Banc de Koch
Utilisé depuis plus de 40 ans, il fait désormais partie de la prise en charge quotidienne, en position assise confortable, d’insuffisants cardiaques sévères, avec HTAP, notamment porteurs d’assistance circulatoire. Son usage devrait lui aussi figurer sur l’ordonnance.
Contre-indications à la réadaptation
En existe-t-il encore ? De moins en moins. On rappelle simplement le très faible chiffre de 0,74 incident par million d’heures d’exercice, d’après l’étude du GERS de 2004. Par expérience, se souvenir tout de même, chez les ambulatoires, qu’un incident (douleur, syncope), a pu survenir depuis la dernière séance, et que le patient n’a pas toujours osé le dire… !
Dissection aortique
Peu de données chiffrées existent. Autrefois, c’était pour le patient, chaise longue et couverture, et, pour le médecin de garde, les doigts croisés. Désormais on peut le réadapter. Peu de données chiffrées. On conseille juste une PAS inférieure à 160 mmHg à l’effort.
Éducation thérapeutique
Ah, l’éducation thérapeutique… ! Encore faudrait-il que le patient la souhaite aussi, ce qui n’est pas toujours le cas. Je me souviens de cette citation de François Vincent Raspail : « Faire choix d’un médecin en cas de nécessité, c’est un acte de haute conscience ; apprendre à s’en passer, c’est un acte de haute raison ». Tout est dit !
Femmes
On peut, et plus exactement, on doit les réadapter ; en 2004, l’étude Prévenir nous disait que 26 % des candidats masculins étaient adressés en réadaptation, et seulement 15 % des femmes. Pourquoi ? On sait désormais que chez elles les maladies cardiovasculaires tuent plus que le cancer du sein. Révisons nos attitudes.
GERS
C’est le 32e département français, chef-lieu : Auch. Mais c’est aussi et surtout le Groupe Exercice Réadaptation Sport de la Société française de Cardiologie. Et ce dernier n’a rien d’un désert médical. Venez-y.
Le cardiaque Hostile
« J’ai raison contre vous ». Lui dire cela, c’est l’échec assuré. Il faut hiérarchiser les priorités. Le tabac, le sport, le yoga… : laissons-le choisir. Dans l’ordre qu’il préfère. Félicitons le moindre progrès. Il est un cas difficile. Donc intéressant. Cette remarque lui fera sûrement plaisir.
Information du patient
Les juristes vous le confirmeront. Un patient informé, c’est un stress de moins pour le soignant. Le formulaire de consentement global, disponible sur le site du GERS (tests d’effort, séances physiques, objectifs thérapeutiques, etc.) est désormais global. Le gain de temps est précieux.
Jogging
Le mot devient un peu désuet, presque suranné. Volontiers remplacé par le running, bien plus « djeune ». Mais le running sous-entend des objectifs, des performances, un équipement, un surpassement, une compétition, ce n’est pas tout à fait ce que l’on propose à nos patients, c’est-à-dire l’exercice, plus que le sport.
Karasek
Ce modèle s’identifie comme situation professionnelle à risque important : une forte demande de travail, une faible latitude décisionnelle, un faible soutien social. Le réadaptateur cardiaque est surtout soumis au premier item. C’est déjà ça.
Longue distance
C’est soulever l’intérêt de la télémédecine. Les déserts médicaux vont nous y obliger. C’est aussi évoquer la place de plus en plus importante accordée à l’ambulatoire en réadaptation. Il n’est pas logique de proposer la même prise en charge au TAVI et au monotronculaire sportif ayant bénéficié d’une angioplastie.
Classification des sports de Mitchell
Adulée ou vitupérée, elle a le mérite d’exister et de répondre à presque toutes les situations. Manquent quelques disciplines plus rares : pirogue polynésienne, montgolfière, pêche à la ligne. Pour le certificat d’aptitude, on improvisera.
Non-réponse à la réadaptation cardiaque
Les patients non répondeurs au réentraînement physique (VO2 max inchangée au pic) ont 8 fois plus de risque de développer un incident cardiologique. Si l’on a tout fait pour eux, une optimisation et une éducation thérapeutique notamment, et que l’exercice physique n’a rien apporté, la situation est particulièrement grave. Il fallait le démontrer. Merci à J.-Y. Tabet et collaborateurs.
Optimisation thérapeutique
Le service de réadaptation cardiaque en est le lieu idéal : ajustement des bêtabloquants, des IEC, des compléments divers (fer…), dépistage des apnées, des dysthyroïdies cordaronées débutantes, réglages des différentes prothèses électriques PM/DEF. N’avez-vous jamais vu la récupération spontanée d’une conduction normale après chirurgie cardiaque ?
Insuffisance cardiaque à FE Préservée
Les études nous démontrent que le domaine de l’insuffisance cardiaque est un tout : une pompe, un remplissage, mais aussi des poumons, un entraînement physique musculaire, une adhésion thérapeutique, un environnement extérieur. Il n’y a aucune raison pour que le réadaptateur néglige le remplissage. Je ne parle pas de celui des lits d’hospitalisation.
Questions des patients
Aucune n’est ridicule, chacune peut révéler une angoisse tout à fait légitime et respectable. Ce qui l’est moins, c’est la réponse fluctuante, ou pire, contradictoire, des différents membres de l’équipe soignante. Peut-on manger des choux oui ou non ? C’est caricatural, bien sûr, mais de l’homogénéité de la réponse des différents intervenants dépendent l’adhésion et la compréhension du patient ; d’où l’importance capitale des staffs multidisciplinaires.
Resynchronisation
C’est l’exemple même de l’importance, parfois, d’un petit détail, hautement spécialisé, de prise en charge du patient. Chaque compétence doit être sollicitée : l’échographiste, le rythmologue stimuliste, l’apnéiste, le diabétologue… On ne peut pas tout savoir. Chacun pierre compte dans l’édifice.
Sevrage tabagique
Les données parviennent tous les jours. La e-cigarette est certainement utile. On nous dit qu’elle est infiniment moins toxique que le tabac. C’est sûrement vrai. Pour ma part, je dis à mes patients que les fumeurs devraient vapoter, et les vapoteurs s’arrêter. Un peu court, jeune homme, mais c’est simple.
Intervalle Training
Dénomination plus moderne que le « fractionné d’autrefois », nos patients le trouvent souvent plus ludique ; mieux adapté au tapis qu’au vélo ; déclenchant peut être un peu plus de troubles du rythme en récupération ? On aimerait que les études deviennent toutes concordantes ; que les protocoles s’harmonisent. Cela viendra.
Urgences
On ne plaisante plus du tout. Nos patients sont de plus en plus âgés, fragiles, sévères, souffrant de comorbidités importantes… et par conséquent plus à risque de complications. En plus des différentes compétences mentionnées plus haut, j’ai oublié celles de l’urgentiste. C’est un réel problème et chaque centre doit s’attacher à exiger les moyens suffisants, budgétaires et en personnel. Aucune concession possible.
Valorisation des séjours SSR cardiologiques
Il est capital d’utiliser les mêmes armes que l’Administration. Chaque comorbidité constatée chez nos patients doit être reconnue, y compris avec son code et sa tarification propres. Il est évident que le cardiaque dépressif, diabétique, obèse, ou souffrant aussi d’un canal lombaire étroit doit avoir une prise en charge personnalisée, y compris sur le plan des méandres administratifs.
Wassermann
La pratique de l’Épreuve Fonctionnelle d’eXercice (EFX de nos amis pneumologues), s’est (presque) généralisée, avec désormais mesure routinière de la VO2, détermination du SV1, et beaucoup d’autres indices (1/2 décroissance de VO2, pouls d’oxygène, réserve ventilatoire… C’est réellement un progrès. C’est le meilleur moyen de faire la part du cœur, du poumon, du muscle, dans la tolérance à l’effort. Elle nous aide quotidiennement.
Xylophone
Aucun impact connu de cet instrument de musique en réadaptation. Contrairement au didgeridoo, instrument australien dont la pratique régulière soulagerait la somnolence diurne observée chez les victimes d’apnées obstructives du sommeil (référence sur demande).
Yachting
Placé en IIIA dans la classification de Mitchell (statique fort, dynamique faible). C’est l’occasion de rappeler qu’une ancienne personnalité politique de haut niveau a effectué une traversée de l’Atlantique à la voile en 1995, âgé de 67 ans, avec fort contexte cardiologique et pneumologique identifié. Il faut toujours laisser le patient choisir. Mais l’informer correctement.
Zumba
Même remarque. Je ne peux m’empêcher de citer à ce propos le rôle du stress y compris lors d’un effort banal de danse : +10 % de fréquence cardiaque lors d’un effort effectué sous le regard des autres, ou avec un partenaire inhabituel (Merci R. Monin, CCS).
Pardon d’avance au lecteur qui aurait souhaité des informations scientifiques, innovantes, académiques. Ces réflexions auront été utiles si elles ont suscité quelques vocations chez nos jeunes collègues. Bien nombreux sont ceux de mes collègues approchant de la réadaptation cardiaque buissonnière.
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