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Insuffisance cardiaque

Publié le 01 mar 2018Lecture 5 min

Amélioration de la FEVG au-delà de 35 % - Que faire des traitements ?

Fabrice BAUER, Cardiologie et maladies vasculaires, Hôpital Charles Nicolle, Rouen

Les recommandations 2016 du traitement de l'insuffisance cardiaque aboutissent sur le plan pharmacologique à une trithérapie par bêtabloquant, modulateur du système rénine-angiotensine et antagoniste minéralo-corticoïdes, voire une quadrithérapie par ajout de l’ivabradine.

Perspective d’une dynamique de la fraction d’éjection Au terme de cette titration, la fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG) se stabilise dans 3/4 des cas alors que dans 1/4 des cas, il y a une amélioration de la FEVG au-delà de 40 % ; on parle alors de récupération et lorsqu’elle dépasse 50 %, le terme de super répondeur est utilisé (figure 1). Ces informations concernant la récupération de la FEVG sont issues de suivi précoce, mais la dynamique de la FEVG reste peu documentée dans la littérature au long cours, à l’exception du travail de de Groote, pointant le risque de redétérioration dans les 10 ans(1). Figure 1. Nouvelle classification de l’insuffisance cardiaque selon la dynamique de la FEVG. En termes de morbi-mortalité, les patients qui ont une récupération de la fraction d’éjection manifestent moins de mort subite et moins de décompensation cardiaque que les patients gardant une FEVG < 40 %. Toutefois, le travail de Merlo montre bien la persistance d’un risque de récurrence de l’insuffisance cardiaque et de mort subite dans cette population. Faut-il arrêter les drogues après récupération de la fraction d’éjection ? Cette réflexion est sous-tendue par le fait que les IEC, les bêtabloquants et les antagonistes minéralo-corticoïdes n’ont aucune efficacité sur la morbimortalité au-delà d’une FEVG > 40-50 % dans la population des insuffisances cardiaques à FEVG préservée. D’autre part, les patients avec récupération de la FEVG ont un meilleur pronostic que les patients avec insuffisance cardiaque à FEVG préservée, qui se rapproche comme on le sait du pronostic des fractions d’éjection détériorées. Toutefois, l’équipe de de Groote et coll. rappelle qu’après récupération d’une fraction d’éjection normale, il existe une redégradation au cours du temps de plus mauvais pronostic que la population générale(1). Ceci serait en lien avec la persistance d’anomalies myocardiques infracliniques détectées par speckle tracking et dans certains cas d’une activation du système rénine angiotensine aldostérone et adrénergique persistante se traduisant par une élévation du BNP. L’étude de Florea montre bien l’absence de normalisation des paramètres endocriniens, y compris l’endothéline lorsque la fraction d’éjection a récupéré. Études sur l’arrêt des traitements après récupération de la FEVG Trois études de la littérature se sont intéressées sur de petits effectifs à l’arrêt de toutes les classes thérapeutiques ou uniquement des bêtabloquants avec surveillance à moyen et long terme de la FEVG et de la morbi-mortalité. Dans les études de Swedberg et de Moon, l’arrêt des molécules s’accompagne d’une réapparition de la dysfonction ventriculaire gauche < 35 % dans 20-30 % des cas. Dans le travail de Park, le sevrage des classes thérapeutiques s’accompagne d’un taux de réadmission pour insuffisance cardiaque de 33 %. Dans ces publications, il y avait une grande hétérogénéité de phénotype ventriculaire gauche avant l’arrêt des drogues. Par ailleurs, l’interruption thérapeutique était seulement guidée par l’échographie cardiaque et non adossée à des études en IRM, un dosage biomarqueurs, un recueil des facteurs de risque ou une enquête génétique. Réflexion pour entamer un sevrage des classes thérapeutiques lorsque la FEVG est > 40 % Il faut garder à l’esprit qu’il existe une grande hétérogénéité de patients et le sevrage des classes thérapeutiques doit être individualisé. L’interruption doit être guidée par trois paramètres : le type de remodelage inverse du ventricule gauche, partiel ou complet ; le trigger de la dysfonction ventriculaire gauche, persistant ou disparu et l’atteinte myocardique sous-jacente, non réversible ou réversible. Concernant la réflexion sur un critère de remodelage inverse, il semble que la normalisation du volume télésystolique du ventricule gauche soit un élément déterminant pour envisager le sevrage. Pour ce qui est du trigger, son caractère éphémère, transitoire tel que l’intoxication alcoolique, un passage en fibrillation atriale est facile à recueillir pour envisager cet arrêt thérapeutique. Enfin, la cardiopathie sous-jacente doit être finement évaluée à l’aide des outils modernes tels que les biomarqueurs et l’IRM, afin de s’assurer de l’absence de lésions persistantes et de retentissements, ce qui aurait pour conséquence plutôt de maintenir le traitement au long cours. L’exemple le plus caractéristique est celui de l’utilisation des anthracyclines ou l’atteinte myocardique est définitive dont la réflexion sur le sevrage des médicaments est différente de l’utilisation du trastazumab, sans conséquence à long terme sur les myocytes. Choix des traitements à sevrer Dans une métaanalyse sur l’amélioration de la fraction d’éjection ventriculaire gauche sous traitement pharmacologique et mécanique, les bêtabloquants améliorent la FEVG de 5 à 12 % alors que les modulateurs du système rénine angiotensine aldostérone améliorent la FEVG de 1 à 4 %(2). Il est donc licite d’interrompre en première intention cette classe et de garder au long cours les bêtabloquants. Le sevrage des bêtabloquants doit se discuter au cas par cas, et c’est peut-être cette classe qui doit retenir toute l’attention en monitorant la fréquence cardiaque qui doit rester dans des valeurs acceptables de 70 battements par minute lors de la décroissance. Les modalités du sevrage de différentes classes thérapeutiques ne sont pas codifiées. Très certainement, un arrêt progressif doit être envisagé à une fréquence de 1 à 3 mois avec le contrôle de la FEVG par échographie et du BNP 1 mois plus tard jusqu’à arrêt complet. Ceci reste à démontrer. En pratique Environ 25 % des patients avec des dysfonctions ventriculaires gauches auront une récupération de la FEVG sous traitement adapté. Les recommandations actuelles sont de maintenir au long cours les médicaments quel que soit le phénotype sur la FEVG après titration. Des études sont nécessaires pour étayer le souhait d’interrompre les classes thérapeutiques sans altérer le pronostic de ces patients. Pour quelque raison que ce soit, si le sevrage doit s’envisager, une surveillance périodique des patients s’impose, afin de s’assurer de la stabilité de la fonction cardiaque en débutant peut-être par la classe des antagonistes minéralo-corticoïdes.

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