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Cardiologie générale

Publié le 01 oct 2018Lecture 21 min

L’oreillette gauche : méthodes d’évaluation et rôle pronostique

Dania MOHTY, Service de cardiologie, CHU de Limoges

L’oreillette gauche (OG) joue un rôle central dans la mécanique cardiaque. Elle contribue, par sa systole, auremplissage ventriculaire pour environ 20 %. Elle module les pressions de remplissage du ventricule gauche.L’oreillette gauche est souvent décrite comme le baromètre de la fonction diastolique du ventricule gauche(VG) dans différentes pathologies, car elle est exposée directement à la pression diastolique du VG lors del’ouverture mitrale. Mais son rôle dans les maladies valvulaires, les cardiomyopathies et dans les arythmiessupraventriculaires est aussi important que dans l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée.

L’OG est impliquée dans la sécrétion des peptides natriurétiques via ses interactions complexes avec le système sympathique et le système rénine-angiotensine-aldostérone. La taille de l’oreillette gauche reflète non seulement la sévérité mais également la chronicité de la surcharge de pression et/ou de volume qu’elle subit. L’OG a un impact pronostique majeur à court, moyen et long terme, dans tous les types de maladies cardiovasculaires(CV). L’évaluation de sa taille et sa fonction sont donc cruciales. Sa taille est mesurée dans la plupart des cas par échocardiographie mais peut se faire par les autres modalités d’imagerie non invasive en coupes tel que le scanner multi-barrettes ou l’IRM cardiaque. Le diamètre antéro-postérieur fut longtemps la méthode la plus utilisée pour la mesurer, cependant cette méthode « MMode » n’est plus recommandée et il est admis que seul le volume de l’OG mesuré en biplan doit être utilisé pour estimer le degré de sa dilatation. La méthode 3D commence à émerger en recherche clinique du fait que l’OG se dilate comme toutes les cavités, dans les trois plans de l’espace. Évaluation de la taille de l’oreillette gauche La mesure de la taille de l’oreillette gauche est difficile en pratique clinique du fait de sa forme géométrique complexe et l’orientation de ses fibres. Elle est souvent évaluée par échocardiographie. Pour cela, on dispose de plusieurs paramètres. Diamètre de l’OG en TM C’est le paramètre le plus ancien et qui a été utilisé pour mesurer la taille de l’OG ; il est obtenu en échocardiographie, en mode monoplan, en antéro-postérieur obtenu en coupe parasternale gauche grand axe et en télésystole. La valeur normale est < 40 mm ou 23 mm/m2(1). Cette mesure n’est plus recommandée par les sociétés savantes d’échocardiographie(2) car peu reproductible et sous-estime dans la majorité des cas, la dilatation de l’OG. Malgré les limites du diamètre de l’OG mesuré en mode unidimensionnel, il est significativement associé au taux d’événements CV : en effet, dans une grosse cohorte monocentrique de 52 639 patients ayant eu une première échocardiographie cliniquement indiquée, (âge moyen = 62 ans, 47 % de femmes) avec un suivi de 5,5 ans, et 12 527 décès, le diamètre de l’OG est apparu comme significativement et indépendamment associé à la mortalité globale et au taux d’AVC ischémique(3). Planimétrie de l’OG C’est une méthode également largement utilisée avec une mesure monoplan de la surface de l’OG en coupe apicale 4 cavités. Néanmoins, la surface de l’OG sous-estime souvent la dilatation de l’OG. La valeur normale est < 20 cm2(1). De plus l’impact de la surface OG sur la morbi-mortalité n’a pas été testé à large échelle, dans des études cliniques. Volume de l’OG C’est la méthode de référence pour calculer le volume de l’OG, en 4 cavités et 2 cavités utilisant le Simpson biplan ou la formule aire-longueur 0,8 x A1 x A2/L (figure 1). Les deux méthodes sont utilisées et acceptées par les sociétés savantes d’échocardigraphie(2). Figure 1. Une attention particulière doi têtre portée lors de la mesure du volume de l’OG afin de ne pas inclure les veines pulmonaires et l’auricule gauche dans le volume atrial tracé. Globalement, la reproductibilité intra- et inter-observateur est excellente. La valeur est considérée comme normale quand elle est < 34 ml/m2. On parle de dilatation sévère de l’OG au-delà de 48 ml/m2(2). Le volume de l’OG peut être évalué de façon plus précise avec l’écho tridimensionnelle (3D-ETT)(4) ; mais au vu de l’absence de méthode bien standardisée et de valeurs normales publiées à grande échelle, l’écho 3D n’est pas pour le moment recommandée pour la mesure de l’OG en 3D. L’avantage de la technique 3D, qui est désormais recommandée pour les volumes du VG, est l’absence de supposition géométrique de la cavité analysée, une plus grande reproductibilité inter- et intra-opérateur, une meilleure objectivité et moindre dépendance de l’opérateur que le 2D, et l’excellente corrélation avec les volumes obtenus par IRM comme cela a été démontré par More-Avi V et coll.(5). Le volume de l’OG peut être également évaluée par l’imagerie en coupes : IRM cardiaque avec les séquences ciné SSFP ou par scanner cardiaque. La technique utilisée est relativement simple, celle d’obtenir des coupes des cavités cardiaques équivalente à celles obtenues en écho 2D : apicale 4 cavités et 2 cavités et utiliser la méthode de Simpson ou la méthode aire-longueur pour mesurer le volume de l’OG dans ces deux incidences puis l’indexer à la surface corporelle. La différence avec l’échocardiographie est une bien meilleure visualisation de l’OG avec cette imagerie en coupes grâce à une meilleure résolution spatiale qui fait que le volume de l’OG est beaucoup plus important : presque 50 % plus large que celui obtenu en écho 2D. En effet, dans un travail de Maceira AM et coll. publié en 2010(6) comparant les volumes de l’OG obtenus par IRM à ceux obtenus par écho 2D, on a trouvé que chez des personnes sans maladie avérée, un volume de l’OG < 34 ml/m2 était équivalent à une valeur considérée comme normale quand il est < 52 ml/m2 en IRM. Par ailleurs, un travail a confirmé la faisabilité et l’excellente reproductibilité des volumes de l’OG obtenus par scanner cardiaque injecté (16 ou 64 barrettes)(7) ; là aussi, la valeur normale du volume de l’OG est significativement plus importante que celle obtenue par écho 2D et est plus proche de celle obtenue par IRM cardiaque(8). Impact pronostique de la taille de l’oreillette gauche Diamètre antéro-postérieur de l’oreillette gauche Même si le diamètre antéro-postérieur de l’OG n’est pas assez précis pour l’estimation exacte du degré de dilatation atriale, et n’est plus recommandé par les sociétés savantes pour la mesure de l’OG, de multiples études ont démontré que ce diamètre était lui-même associé de façon indépendante, à la survie et la survenue d’événements CV. Dans une étude publiée en 2011 par Bouzaz-Mosquera (3), incluant 52 639 patients (âge moyen 62 ans et 53 % d’hommes) ayant une première échocardiographie, avec un suivi moyen de 5,5 ans et 12 527 décès, les auteurs démontrent que le diamètre de l’OG (> 41 mm chez les hommes et > 39 mm chez les femmes) prédisait de façon indépendante la survie globale mais aussi le risque d’AVC à 10 ans. Cette étude confirmait déjà ce que l’étude de Framingham(9) a déjà montré chez 4 000 sujets de plus de 50 ans et suivis sur plus de 8 ans, à savoir qu’à chaque augmentation de 10 mm du diamètre de l’OG, le risque d’AVC était presque multiplié par 2 chez les hommes alors que le risque de décès global est multiplié par 1,4 autant chez les hommes que chez les femmes. Dans un autre travail incluant des patients insuffisants cardiaques avec FEVG réduite, issus des essais cliniques SOLVD, les auteurs démontrent que le diamètre antéro-postérieur de l’OG > 41 mm était un prédicteur indépendant de décès ou d ’hospitalisations pour insuffisance cardiaque (10). Nous avons également démontré en 2011 qu’un diamètre de l’OG ≥ 23 mm/m2 était associé de façon indépendante à la survie globale de patients atteints d’amylose systémique à chaînes légères compliquée d’une atteinte cardiaque(11). Enfin et même récemment, les recommandations européennes sur les cardiomyopathies hypertrophiques sarcomériques(12) ont intégré le diamètre  antéro-postérieur de l’OG pour le calcul et la stratification du risque de mort subite. Surface de l’oreillette gauche Le rôle pronostique de la planimétrie (surface) de l’OG (> 20 cm2) a été également investigué. Dans une métaanalyse groupant 18 études de patients insuffisants cardiaques et 1 157 patients à FEVG réduite (MeRGE study) de Rossi et coll. Publiée en 2009, la surface de l’OG > 20 cm2 ou 9,85 cm2/m2 est apparue comme un prédicteur de décès ou d’hospitalisations pour insuffisance cardiaque, indépendamment de l’âge, la classe fonctionnelle NYHA, la FEVG et le profil mitral restrictif des patients : hazard ratio (HR) = 1,03 (IC 95 % : 1,02-1,05 ; p < 0, 0001)(13). Par ailleurs, Fitzgerald B et coll. ont démontré que la surface de l’OG pouvait être utilisée pour différencier la cardiopathie hypertensive de la cardiopathie amyloïde chez des patients matchés pour l’âge, le sexe, le degré d’hypertrophie du VG(14) avec une excellente aire sous la courbe (AUC = 0,84). Volume de l’OG On parle d’un volume de l’OG dilaté au-delà de 28 ml/m2 et d’OG sévèrement dilatée au-delà de 48 ml/ m2 ; et puis récemment, la valeur seuil de normalité a été changée avec un volume > 34 ml/ m2 ayant été retenu par les dernières recommandations américaines et européennes (2,15) pour définir la valeur anormale du volume de l’OG et dans l’algorithme décisionnel de la dysfonction diastolique. Les études publiées sur la valeur pronostique du volume de l’oreillette gauche sont très nombreuses et concernent presque toutes les pathologies CV. La figure 2 illustre les étapes physiopathologiques entre le développement de la pathologie cardiovasculaire, l’implication de la dilatation du volume atrial et la survenue des événements CV. Figure 2. D’après Lancellotti, Eur J Heart Fail, 2014. Une étude(16) incluant près de 500 jeunes sujets sains < 50 ans en rythme sinusal a montré qu’un volume atrial ≥ 24 ml/m2 était indépendamment associé à la survenue de fibrillation atriale, d’insuffisance cardiaque, d’AVC ou d’infarctus du myocarde ou de décès cardiovasculaire après un suivi médian de presque 7 ans. Le volume de l’OG est significativement associé à la présence et au grade de dysfonction diastolique et au degré d’élévation des pressions de remplissage du VG tel que cela a été démontré par l’étude de Tsang T et coll. en2002(17). De plus, l’AUC d’un volume de l’OG > 28 ml/m2 était 0,95 fois significativement supérieure à celle du rapport e/e’pour identifier une dysfonction diastolique. Il va de soi qu’une augmentation chronique des pressions de remplissage du VG pourrait conduire à long, voire à moyen terme à la survenue d’épisodes d’insuffisance cardiaque et de ce fait, que ce soit dans l’étude d’Olmsted County(18) ou celle de la Cardiovascular Health Study(19) l’augmentation progressive du volume de l’OG était associée de façon indépendante de la FEVG, à la survenue du premier épisode d’insuffisance cardiaque. Qu’il s’agisse des cardiomyopathies dilatées idiopathiques, ischémiques, hypertrophiques familiales ou secondaires à des maladies de surcharge, le volume de l’OG a donc non seulement un rôle pronostique dans les études de population générale ou de cohortes de patients à risque, mais sa dilatation a aussi un impact négatif virtuellement dans presque toutes les pathologies CV. L’OG constitue également un tournant évolutif dans l’histoire naturelle des valvulopathies gauches (insuffisance mitrale mais également sténose aortique et bien sûr la sténose mitrale). La figure 3 montre une liste non exhaustive de la plupart des grandes études ayant investigué le rôle pronostique du volume de l’oreillette gauche et la valeur seuil qui a été définie pour chaque groupe de patients ; il faut bien noter que cette valeur seuil n’est pas la valeur au-delà de laquelle on parle d’une oreillette dilatée, mais il s’agit bien de la valeur seuil pronostique au-delà de laquelle, dans chaque type de pathologie, le risque de survenue d’événements CV est significativement augmenté. À noter que de multiples études ont également analysé l’impact pronostique du volume de l’OG mais mesuré en écho 3D ; là aussi et sans surprise, le volume de l’OG en 3D était indépendamment associé aux événements CV. Figure 3. A. Courbe des variations et variations du volume atrial en fonction du temps et valeurs normales des différentes composantes de la fonction atriale. B. Exemple d’acquisition (à gauche) et de mesure (à droite) de la courbe du volume atrial (courbe pointillée) et de la déformation atriale (courbe pleine) en ETT-3D. Étude de la fonction atriale La fonction atriale est moins étudiée que son volume, et les sociétés savantes ne recommandent pas de l’analyser en pratique clinique pour le moment. On dispose de plusieurs méthodes pour évaluer la fonction de l’OG : 1) la méthode volumétrique, 2) la méthode du Doppler spectral mitral et du flux veineux pulmonaire, et 3) l’analyse de la déformation myocardique atrial ou le strain atrial (DTI pulsé ou 2D speckle tracking). La fonction de l’OG est relativement complexe et comporte 3 composantes : la fonction réservoir, la fonction conduit et la fonction contractile (booster pump) ; on peut l’analyser à l’aide de l’étude des volumes de l’OG en 2D ou mieux en 3D. L’analyse du strain atrial gauche se fait avec la technique du speckle tracking (analyse des déformations) soit en écho 2D, soit écho 3D ou même avec le Doppler tissulaire. Méthodes Doppler Le Doppler cardiaque pulsé est utilisé a l’anneau mitral pour enregistrer le flux sanguin antérograde de l’OG vers le ventricule gauche au cours de la diastole. La première onde, « E », correspond au remplissage du ventricule gauche (phase réservoir). La 2e onde « A » correspond au remplissage ventriculaire gauche actif dû à la contraction atriale gauche. Le rapport entre l’ITV de l’onde A et la somme des ITV de l’onde E et celle de l’onde A correspond à la contribution relative de l’OG au remplissage du VG. L’autre flux obtenu en Doppler pulsé, permettant l’analyse d’une partie de la fonction atriale est le flux veineux pulmonaire qui est obtenu en plaçant le curseur à 0,5 cm au niveau de l’abouchement des veines pulmonaires dans l’OG. La courbe est composée de 3 ondes : 2 positives et une onde rétrograde négative. La première onde positive est l’onde S correspondant à l’arrivée de sang des veines pulmonaires vers l’OG. Elle renseigne sur la fonction réservoir de l’OG. La 2e onde positive est l’onde D qui débute immédiatement après l’ouverture de la valve mitrale.  Elle est le reflet de la fonction conduit ; la 3e onde est l’onde A pulmonaire (Ap), négative, est liée au reflux rétrograde de sang vers les VP au moment de la contraction atriale. L’aspect du flux veineux pulmonaire dépend des conditions de charge de l’OG, de sa compliance mais aussi de la fonction ventriculaire gauche systolique et diastolique. Le flux veineux pulmonaire est relativement difficile à obtenir si le patient n’est pas suffisamment échogène, et de ce fait son interprétation peut être délicate dans certaines situations. L’interprétation des flux Doppler au niveau mitral et au niveau des veines pulmonaires est difficile en tachycardie sinusale, en fibrillation atriale rapide et lors des troubles de conduction inter- ou intraventriculaires. Ils sont également fortement dépendants non seulement de la fonction atriale mais aussi de la fonction VG, de ses conditions de remplissage et de la présence de valvulopathie mitrale significative. Enfin, le flux Doppler pulsé obtenu au niveau de l’auricule gauche lors d’une écho transœsophagienne renseigne également sur la fonction contractile de l’auricule gauche, et notamment quand les vitesses de vidange et de remplissage sont faibles < 20 cm/s, cela prédit un risque thromboembolique élevé et une faible chance de retour en rythme sinusal après cardioversion. Apport du Doppler tissulaire La vitesse de l’onde a’ obtenue lors du Doppler tissulaire pulsé DTI au niveau de l’anneau mitral (septal et/ou latéral) donne également une idée sur la fonction systolique atriale. Elle est angle-dépendante comme la plupart des vitesses myocardiques obtenues en DTI. La déformation myocardique atriale (strain) et le taux de déformation (strain rate) obtenues avec le Doppler pulsé tissulaire ont également des limites du fait de leur aspect angle-dépendant, et du rapport signal/bruit qui est toujours problématique. Les mouvements cardiaques sont également une limite importante à l’interprétation des signaux de déformation et du taux de déformation des parois atriales ; de plus, ces parois sont beaucoup plus fines que celle du VG, le tout rendant la méthode d’analyse du strain atrial par DTI peu utilisable en pratique clinique. Méthode des volumes Elle permet d’analyser les variations du volume de l’OG à 3 instants du cycle cardiaque : le volume maximal est obtenu en télésystole juste avant l’ouverture mitrale. Le volume minimal en télédiastole juste avant la fermeture mitrale et le volume pré-A est obtenu au début de l’onde P de l’ECG. • La fonction réservoir est estimée par l’index d’expansion (volume de vidange total = différence entre le volume maximal et le volume minimal rapporté au volume minimal), et par la fraction de vidange totale : (vol max – vol min)/volmax. • La fonction conduit (passive) est évaluée par le volume de vidange passive (différence entre le volume maximal et le volume pré-A de l’OG), et par la fraction d’éjection passive (vol max – volpré-A)/volume max OG. • La fonction contractile active en rythme sinusal est obtenue en mesurant le volume de vidange active : différence entre le volume pré-A et le volume minimal) et par la fraction d’éjection active : (vol pré-A –vol min)/volume pré-A. En réalité, la méthode des volumes est difficilement applicable en pratique clinique si on utilise l’écho 2D, car elle est relativement complexe et chronophage ; cependant, le développement de l’écho 3D a facilité cette analyse, en permettant de générer automatiquement la courbe de volumes en fonctiondu temps au cours du cycle car-diaque, on arrive à obtenir ins-tantanément les trois volumesde l’OG et permettant de calculer les différentes composantes de la fonction atriale (figure 4). Figure 4. Méthode de strain/déformation Depuis l’avènement des techniques du 2D speckle tracking (déformation du myocarde en 2D en suivant les speckles myocardiques), l’étude de la déformation du VG mais également de l’OG sont rendus possibles selon les différentes orientations des fibres myocardiques. Le pic atrial de déformation est positif durant la phase réservoir. Il est négatif durant la phase de contraction atriale puisque l’OG se vide. Il est nul durant la phase de conduit. Le strain est facilement obtenu en ETT-2D ou en ETT-3D. Le strain longitudinal global peut être mesuré en télésystole (correspondant à la fonction réservoir), en protodiastole (pour la fonction conduit), ou en télé-diastole (pour la fonction pompe) (figure 3A). Les valeurs normales des différentes composantes de la fonction et du strain atrial sont résumées sur la figure 3A. La fonction atriale par IRM L’IRM est une excellente technique fiable pour la mesure des volumes des cavités cardiaques. Le principal problème est l’aspect chronophage et « temps machine » de cette méthode qui limite son utilisation en routine clinique. Cependant, l’avantage majeur de l’IRM est sa capacité à caractériser les tissus. Comme il était décrit précédemment, le volume de l’OG peut être obtenu avec cette imagerie en coupes avec la coupe 4 cavités apicale et la coupe 2 cavités et la méthode de Simpson ou aire-longueur pour évaluer le volume maximal de l’OG mais aussi le volume minimal ainsi que le volume pré-A juste au moment de la contraction atriale. Une équipe américaine dirigée par Marrouche N et coll.(20) a proposé une classification du degré de fibrose atriale en 4 stades débutant par le stade I (absence de fibrose) jusqu’au stade IV (fibrose étendue). Cette classification de l’UTAH a été validée dans d’autres cohortes, et a été corrélée non seulement à l’histologie mais aussi au degré de 2D-strain obtenu par ETT. Un pic de strain longitudinal atrial abaissé corrèle avec un stade UTAH avancé donc a priori à une fibrose étendue ; à l’opposé, un strain préservé reflète une absence de fibrose à l’IRM et au niveau histologique. Impact pronostique de la fonction atriale La taille de l’OG est à présent reconnue comme un élément robuste, prédicteur de mauvais pronostic dans quasiment toutes les pathologies CV. Cependant la taille de l’OG étant une « variable statique » c’est-à-dire prise à un moment fixe du cycle cardiaque, il était logique de tester si la fonction atriale, variable dynamique, aurait la même robustesse, voire serait supérieure dans la prédiction des événements CV. Afin de répondre à cette question, Gupta et coll.(21) a inclus 1 802 personnes de la Dallas Heart Study suivis sur une période médiane de 8 ans. Ils ont trouvé que la fraction de vidange totale de l’OG (FEOG) et non pas le volume de l’OG (mesuré par IRM cardiaque) était non seulement indépendamment associée à la mortalité globale mais avait aussi une valeur statistique incrémentale dans la prédiction de la mortalité comparée à celle du score de Framingham, la présence de diabète, la masse et la fraction d’éjection du VG. Une autre étude importante(22) incluant 574 patients de plus de 65 ans ayant eu une échocardiographie avec analyse du volume et de la FE OG et suivis sur presque 2 ans, a démontré que la FE OG ≤ 49 % était associée à un risque accru de survenue de fibrillation/flutter atriale après ajustement pour tous les facteurs de risque cliniques, et échographiques (fonction systolique et diastolique du VG et volume max de l’OG) suggérant qu’une fonction réservoir de l’OG diminuée était associée à un remodelage atrial avancé. De la même manière, de multiples études ont démontré que la fonction booster ou contractile de l’OG (qu’elle soit analysée par le Doppler antérograde mitral ou le Doppler tissulaire à l’anneau mitral) avait un rôle pronostique important dans la prédiction des événements CV tels que la survenue de FA ou le décès d’origine cardiovasculaire. « Une fonction réservoir de l’oreillette gauche diminuée serait associée à un remodelage atrial avancé. » La fonction atriale a été également testée dans la CMH et ce travail de Rosca M et coll. publié dans le JASE en 2010(23) démontre sur 37 patients avec CMH et 37 sujets contrôles, que les 3 composantes de la fonction atriale analysée par la technique du 2D-strain sont toutes significativement diminuées chez les patients ayant une CMH symptomatique comparés à ceux ayant une CMH asymptomatique et aux sujets contrôles. L’étude de la fonction atriale s’avère utile et discriminante pour différencier la CMH sarcomérique de la CMH chez les athlètes. En effet, incluant 20 patients avec CMH non obstructive et 20 athlètes et 20 sujets contrôles, appareillés pour l’âge, le sexe, et la surface corporelle, les auteurs ont démontré(24) que la fonction atriale par la technique du strain était significativement diminuée dans ses 3 composantes chez les CMH vs chez les athlètes et les contrôles pour le même degré de dilatation de l’OG, d’HVG et de masse cardiaque. L’analyse de la fonction atriale s’avère également utile dans la détection précoce de la cardiomyopathie de Fabry avant le développement de l’HVG(25). Dans un travail personnel publié récemment en 2017(26) nous rapportons dans une série d’amylose systémique à chaînes légères, que la fonction atriale qu’elle soit analysée par la méthode des volumes de l’OG obtenus en 3D-ETT ou par la technique du 3D strain-ETT est significativement associée aux stades pronostiques de la MayoClinic. De plus, la baisse de la fonction réservoir par méthode des volumes et la baisse du pic du strain longitudinal obtenue en 3D sont associées de façon indépendante à la mortalité globale à 2 ans. Cet impact pronostique a été également confirmé, quand nous avions analysé la fonction réservoir atriale par IRM cardiaque(27). • Chez les patients insuffisants cardiaques avec FEVG diminuée < 35 %, la corrélation entre les pressions capillaires pulmonaires mesurées par cathétérisme cardiaque et le pic du strain atrial global longitudinal analysé par échocardiographie était excellente (R = -0,81 ; p < 0,0001) avec une valeur seuil de +15 % en dessous de laquelle une élévation des pressions de remplissage du VG était prédite ; dans cette même population, le rapport e/e’ n’était pas significativement associé aux pressions capillaires pulmonaires (R =0,15)(28). À l’opposé, chez les patients porteurs d’une non-compaction du VG, il semblerait que la fonction contractile atriale réalisée en 3D-ETT est augmentée dans le groupe des malades avec « non-compaction » comparée à celle dans le groupe contrôle suggérant que la fonction atriale systolique augmente dans cette pathologie pour compenser la dysfonction VG due à la non-compaction(29). Dans le cas des maladies valvulaires, il y a peu d’études qui ont investigué l’impact pronostique de la fonction atriale. Une petite étude a montré que le pic atrial de strain global longitudinal était augmenté chez les patients avec insuffisance mitrale primaire chronique modérée comparés aux sujets contrôles, mais ce pic diminue progressivement avec le degré de sévérité de l’IM(30). Un autre travail incluant 53 patients avec IM sévère chirurgicale en rythme sinusal, a trouvé que le pic de strain atrial ainsi que le volume de l’OG étaient tous les deux associés de façon indépendante à la survenue de FA postopératoire(31). Un travail de Cameli et coll. De 2013(32) montre que chez les patients porteurs de prolapsus valvulaire mitral sévère chirurgical, le pic de strain atrial obtenu en écho 2D était fortement et significativement corrélé de façon inverse à la fibrose atriale analysé en histologie (tissus obtenus en per-opératoire lors de la chirurgie mitrale) avec un R = -0,82 et p < 0,0001. Dans une étude incluant 101 patients avec rétrécissement mitral serré asymptomatiques et 70 sujets contrôles(33), le volume de l’OG et les pressions pulmonaires systoliques, ainsi que les paramètres de déformation atriale étaient significativement altérés dans le groupe RM comparé au groupe contrôle. Après 4 ans de suivi, 20 % d’entre eux, ont fait de la fibrillation atriale. Comparé au groupe qui n’a pas fait de FA, ceux qui en ont fait étaient plus âgés sans différence significative pour les volumes de l’OG entre les 2 groupes ; par contre, les paramètres de la fonction atriale étaient significativement altérés dans le groupe ayant eu de la FA au suivi, et en analyse multivariée, après ajustement pour tous les paramètres confondants, le pic systolique de strain atrial (valeur seuil < 17,4 %) était le meilleur prédicteur de survenue de FA (AUC = 0,761 ; p = 0,002). Enfin, dans le rétrécissement aortique sévère, des études ont également démontré que les paramètres de déformation de l’OG étaient diminués, que ces derniers s’amélioraient quelques semaines après remplacement valvulaire aortique de même que le volume max de l’OG et que tous étaient significativement corrélés à la sévérité du RAC(34). De plus, un autre travail de Cameli et coll.(35) montre de manière élégante que le pic systolique de strain global atrial mesuré en préopératoire chez des patients ayant un RAC serré chirurgical, était le seul prédicteur indépendant de survenue de FA postopératoire après ajustement pour les paramètres confondants cliniques et échocardiographiques standards, avec une AUC de 0,76 et une valeur seuil de 16,9 %. Au total, que les patients soient issus de cohorte de population générale ou porteurs de cardiomyopathies ou de maladies valvulaires, il semblerait que la fonction atriale apporte une valeur ajoutée à la seule mesure du volume maximal de l’OG, dans la stratification du risque et la prédiction des événements CV. Cependant, l’étude de la fonction atriale n’est pas encore standardisée, et reste compliquée à apréhender en écho 2D ; elle nécessite une courbe d’apprentissage et une certaine expertise et un temps supplémentaire non négligeable la rendant difficile à réaliser en pratique clinique chez tous les patients. Par conséquent, il n’est pas recommandé par les sociétés savantes, de la réaliser et l’inclure dans une échocardiographie des patients en routine clinique. Elle est par contre un sujet de recherche clinique actif et passionnant. Au total • Quel que soit le type de population étudiée ou le type de pathologie cardiovasculaire sous-jacente, le volume de l’OG semble avoir un impact pronostique dans la survenue des événements CV fatals et non fatals. En effet, le volume de l’OG est un paramètre sensible et son augmentation reflète la sévérité et la chronicité de la dysfonction myocardique sous-jacente. De plus, le volume de l’OG aide au diagnostic différentiel de certaines cardiomyopathies. • La fonction de l’OG (fonction réservoir, conduit et fonction contractile), qu’elle soit étudiée par la méthode des volumes ou la méthode des déformations, reflète probablement le degré de fibrose atriale et semble avoir une valeur ajoutée par rapport à la seule estimation du volume maximal télésystolique. • Cependant, il n’est pas recommandé de l’analyser de façon systématique en routine clinique car son analyse reste relativement chronophage sauf en écho 3D qui n’est pas disponible partout pour le moment et elle manque de méthode standardisée uniforme réalisable par toutes les machines et tous les laboratoires d’échocardiographie. En pratique Le volume OG doit être préféré à la surface et au diamètre antéro-postérieur atrial. Il doit se faire en écho 2D, Simpson biplan ou aire-longueur ; mais il se fait de plus en plus en écho 3D ou en IRM cardiaque, voire scanner cardiaque. L’oreillette gauche est un paramètre pronostique majeur en population générale mais aussi chez les patients porteurs de différentes pathologies CV. La fonction atriale est plus difficile à analyser en routine clinique mais semble avoir une valeur pronostique indépendante, ajoutée à celle du volume atrial. L’altération de la fonction atriale, et notamment du strain longitudinal atrial, semble refléter le degré de fibrose atriale telle qu’objectivée par l’IRM et par l’analyse histologique.

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