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Diabéto-Cardio

Publié le 01 oct 2019Lecture 6 min

Traitement du diabète de type 2 - L’implication devenue nécessaire des cardiologues

François DIÉVART, Clinique Villette, Dunkerque

La prise en charge du diabète de type 2 est en voie de changement profond, passant d’une approche principalement glucocentrée, c’est-à-dire ayant comme objectif principal la diminution de la glycémie, à une approche ayant comme objectif de proposer dès que possible les quelques rares traitements ayant réellement démontré qu’ils peuvent diminuer le risque d’événements cardiovasculaires majeurs. Comme la population cible d’une telle nouvelle démarche est essentiellement constituée, pour le moment, des patients diabétiques de type 2 en prévention cardiovasculaire secondaire, mais aussi à très haut risque cardiovasculaire comme le proposent les recommandations de 2019 de la Société européenne de cardiologie (ESC) conjointes avec la Société européenne d’étude sur le diabète (EASD), le cardiologue devient un acteur majeur de cette nouvelle approche.

Démontrer la sécurité cardiovasculaire du médicament En décembre 2008, l’agence d’enregistrement des médicaments aux États-Unis (FDA) a demandé que tout nouveau traitement destiné à diminuer la glycémie des patients diabétiques de type 2 démontre, par un essai thérapeutique contrôlé contre placebo, sa sécurité d’emploi cardiovasculaire. En d’autres termes, dès avant l’enregistrement ou dans les quelques années qui suivent, il faut avoir la certitude qu’un tel traitement n’augmente pas de plus de 30 % (marge supérieure de non-infériorité à 1,30) le risque d’événements cardiovasculaires majeurs (décès cardiovasculaires, infarctus du myocarde et AVC) par rapport au placebo. Ceci a été la conséquence d’études ayant montré en 2007, qu’un antihyperglycémiant alors commercialisé pouvait augmenter le risque de décès cardiovasculaire. Depuis 2008, nous avons donc à disposition les résultats d’une dizaine d’essais thérapeutiques contrôlés ayant évalué les 3 nouvelles classes d’antihyperglycémiants contre placebo : ces trois classes comprennent les inhibiteurs de la DPP-4 (iDPP4), les agonistes des récepteurs au GLP-1 (arGLP1) et les inhibiteurs du cotransporteur sodium-glucose de type 2 ou inhibiteur du SGLT-2 ou gliflozines. Quelques conclusions sur ces résultats Dans toutes ces études, la différence d’HbA1c entre le groupe recevant le traitement évalué et le placebo a été en moyenne de 0,3 à 0,5 point, avec des extrêmes pouvant aller de 0,2 à 0,6 point. Or, à différence sensiblement équivalente d’HbA1c, les études ont eu des résultats très divergents, tant en matière de bénéfice clinique que d’événements indésirables majeurs. Ces résultats permettent d’aboutir à quelques conclusions probablement transitoires, car de nouvelles données sont disponibles à un rythme soutenu sur le sujet, mais ces conclusions sont actuellement majeures pour la pratique. Pas d’effet groupe thérapeutique Ces résultats permettent ainsi d’envisager qu’il n’y a pas d’effet groupe thérapeutique dans la prise en charge du diabète de type 2. En effet, à diminution similaire d’HbA1c, certains traitements n’ont aucun effet de protection cardiovasculaire, certains traitements augmentent le risque de certains événements cardiovasculaires majeurs (augmentation du risque d’insuffisance cardiaque avec un iDPP4, la saxagliptine, et augmentation du risque d’amputation avec une gliflozine, la canagliflozine) et certains traitements diminuent le risque d’événements cardiovasculaires majeurs. Il s’agit alors de deux types d’événements cardiovasculaires majeurs selon le traitement : le risque d’insuffisance cardiaque avec les gliflozines et le risque d’événements cliniques athérothrombotiques avec certains arGLP1, le liraglutide, le sémaglutide et l’albiglutide. Pas d’effet classe Ces résultats permettent aussi d’envisager qu’il n’y a probablement pas d’effet classe dans la prise en charge du diabète de type 2. Ainsi, parmi les iDPP4, si aucun n’augmente le risque d’événements cardiovasculaires majeurs, satisfaisant donc à la non-infériorité, aucun ne diminue significativement le risque d’événements cardiovasculaires majeurs, mais la saxagliptine augmente significativement le risque d’insuffisance cardiaque. Ainsi, parmi les gliflozines, si aucun n’augmente le risque d’événements cardiovasculaires majeurs, satisfaisant à la non-infériorité, et si tous diminuent significativement le risque d’insuffisance cardiaque, la canagliflozine augmente le risque d’amputation des membres inférieurs et le risque de fracture osseuse. Ainsi, parmi les arGLP1, le liraglutide, le sémaglutide et l’albiglutide diminuent significativement le risque d’événements cardiovasculaires athérothrombotiques majeurs, alors que l’exénatide et le lixisénatide n’apportent pas de bénéfices significatifs sur ces critères. Un mécanisme d’action encore non élucidé, mais semblant indépendant de la glycémie Le paradoxe de ces résultats est qu’ils s’expriment à diminution sensiblement équivalente de glycémie, laissant donc envisager qu’ils sont indépendants de celle-ci. De ce fait, la glycémie et sa variation ne peuvent plus être considérées comme des critères substitutifs de l’effet d’un traitement du diabète de type 2. Plusieurs mécanismes d’action sont évoqués pour expliquer les bénéfices cliniques observés avec les gliflozines et avec certains arGLP1, mais aucun n’a encore reçu de validation stricte. Les résultats disponibles conduisent à modifier profondément la façon dont doit maintenant être envisagé le traitement des patients ayant un diabète de type 2. On aura donc compris que ces résultats conduisent à un changement de paradigme : dans le modèle ancien, les traitements étaient proposés en fonction de leur effet hypoglycémiant, dans le nouveau modèle, ils doivent être proposés en fonction de la validation et de la certitude du bénéfice clinique cardiovasculaire apporté. Et ce d’autant que ce bénéfice se manifeste rapidement, en 1,5 à 4,5 ans selon les essais thérapeutiques et les molécules. L’approche du traitement s’est donc déplacée d’une vision glucocentrée vers une vision cardioprotectrice démontrée. En cela, depuis 2016, toutes les recommandations nationales et internationales pour la prise en charge du diabète de type 2 intègrent progressivement cette nouvelle donnée faisant que les traitements bénéfiques, classés par niveau de preuve de bénéfice, doivent être proposés de plus en plus précocement chez les patients ayant un diabète de type 2 et étant en prévention cardiovasculaire secondaire, car ces études ont essentiellement inclus des patients en prévention cardiovasculaire secondaire. Fin 2018, deux conférences de consensus, l’une nord-américaine, l’autre européenne ont aussi proposé des évolutions notables de la prise en charge du diabète de type 2. Une première évolution est d’avoir exposé des questions nouvelles : les traitements bénéfiques pourraient-ils être envisagés comme des traitements de première intention, c’est-à-dire avant la prescription de metformine ? Certains de ces traitements pourraient-ils être proposés même si l’HbA1c est inférieure à 7 %, dès lors qu’ils ne conduisent pas à un risque d’hypoglycémie et qu’ils semblent avoir des effets bénéfiques spécifiques indépendants de la glycémie ? L’autre évolution concerne l’affirmation du rôle maintenant jugé primordial des spécialistes des maladies du cœur et des vaisseaux dans une prise en charge améliorée des patients diabétiques de type 2. Les Nord-Américains reconnaissent toutefois que, pour diverses raisons, de nombreux cardiologues sont hésitants ou ne souhaitent pas s’investir dans la prise en charge thérapeutique spécifique du diabète, mais, tant les experts nord-américains que les Européens proposent des schémas similaires concernant l’attitude que doivent maintenant avoir les cardiologues. • La première est de dépister le diabète lors d’un événement cardiovasculaire aigu et chez tout patient ayant une maladie athérothrombotique chronique et stable. Et ce, car il y a maintenant des thérapeutiques qui peuvent améliorer rapidement le pronostic de ces patients. • La deuxième est de faire en sorte que ces patients aient un traitement évalué comme bénéfique : trois attitudes sont alors possibles, selon la volonté du cardiologue de s’investir plus ou moins dans la prise en charge spécifique du diabète de type 2 : – le conseil éclairé, visant par la communication (orale ou écrite) avec le diabétologue et surtout le médecin de soins primaires à proposer un des traitements bénéfiques et donc par exemple, à remplacer un iDPP4 par un arGLP1 au bénéfice démontré ; – l’implication dans une équipe multidisciplinaire conduisant à proposer en équipe un tel traitement bénéfique ; – le passage à l’acte, avec la prescription de tels traitements, potentiellement peu avant la sortie du milieu hospitalier le cas échéant. En 2019, une étape majeure a été franchie par les recommandations de la Société européenne de cardiologie (ESC) conjointes avec la Société européenne d’étude sur le diabète (EASD) qui proposent (comme en réponse aux interrogations récentes) que, chez les patients diabétiques de type 2 à très haut risque cardiovasculaire ou en prévention cardiovasculaire secondaire et qui ne reçoivent pas déjà de la metformine, le traitement du diabète soit débutée par un arGLP-1 ou une gliflozine, sans référence à la valeur initiale d’HbA1c, le traitement de deuxième intention étant alors à adapter à la cible visée d’HbA1c. En pratique Certains traitements du diabète de type 2 diminuent le risque d’événements cardiovasculaires majeurs, d’autres n’ont pas d’effets sur ces critères, d’autres peuvent avoir des effets néfastes et ce, à diminution similaire de glycémie. Le cardiologue doit maintenant permettre aux patients ayant un diabète de type 2 et étant soit à haut risque cardiovasculaire, soit en prévention cardiovasculaire secondaire d’avoir un traitement validé comme bénéfique, et ce de façon prioritaire. Dans cette démarche, le rôle du cardiologue est essentiel.

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