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Risque

Publié le 01 nov 2019Lecture 6 min

Les lipides à l’ESC : une recommandation qui fera date !

Jean FERRIÈRES, Fédération de cardiologie, CHU de Toulouse

Dans le domaine des lipides, le congrès de la Société européenne de cardiologie de 2019 restera dominé par la publication des nouvelles recommandations sur la prise en charge des dyslipidémies.

Les nouvelles recommandations sur la prise en charge des dyslipidémies en 2019 Elles surviennent 4 ans après la publication des précédentes. De très nombreuses modifications apparaissent à la fois sur le dépistage, les catégories de risque et la prise en charge diététique et thérapeutique. Les nouvelles mesures lipidiques préconisées Ces nouvelles recommandations viennent conforter la position française d’une mesure large des paramètres qui influencent le risque vasculaire dans le domaine lipidique. C’est ainsi que de nouvelles mesures lipidiques apparaissent dans cette nouvelle recommandation de 2019. C’est le cas du non-HDL-cholestérol et de l’apolipoprotéine B. Le non- HDL-cholestérol est tout simplement un calcul alors qu’il faut une mesure biochimique pour évaluer l’apolipoprotéine B. En effet, l’apolipoprotéine B permet de quantifier la totalité des particules lipidiques athérogènes et ainsi d’avoir une meilleure évaluation du risque lipidique en rapport avec les VLDL, les IDL et les LDL. La nouvelle recommandation préconise également la mesure de la lipoprotéine (a) dans des circonstances précises. Cette mesure de la lipoprotéine (a) est ainsi proposée dans l’hypercholestérolémie familiale, chez les sujets à haut risque, chez ceux qui ont des antécédents familiaux précoces de maladie cardiovasculaire, et pour permettre la reclassification du risque dans des circonstances complexes (tableau 1). Les nouvelles évaluations préconisées en matière de dépistage C’est heureux que la Société européenne de cardiologie ait modifié sa position quant à l’évaluation du risque cardiovasculaire global basé sur la totalité des territoires liés à l’athérosclérose. En effet, nous procédons depuis très longtemps en France à ce type d’évaluation globale nécessaire à une appréciation précise du risque cardiovasculaire. Ainsi, la nouvelle recommandation propose d’évaluer le score calcique coronaire (score d’Agatston) ainsi que les plaques d’athérosclérose au niveau carotidien et au niveau fémoral (tableau 2). La confirmation de l’équation européenne SCORE et l’élargissement de l’évaluation jusqu’à 70 ans La Société européenne de cardiologie persiste dans l’utilisation de sa formule de risque basée sur l’âge, le sexe, le cholestérol total, le tabagisme et la pression artérielle systolique. Des tableaux complémentaires permettent d’introduire la valeur du HDL-cholestérol pour affiner le risque. Quoi qu’il en soit, il s’agit toujours du risque de mortalité cardiovasculaire. D’autres tableaux complémentaires permettent d’évaluer le risque au-delà de 65 ans jusqu’à 70 ans (figure 1). Figure 1. Diagramme d’évaluation du risque cardiovasculaire selon l’équation SCORE En France, nous devons utiliser la formule des pays à bas risque cardiovasculaire et un grand nombre de voisins nous rejoigne : le Danemark, la Finlande, la Norvège, la Suède, le Royaume-Uni, l’Irlande, l’Allemagne et les Pays-Bas. Les nouvelles catégories du risque cardiovasculaire Les quatre grandes catégories de risque sont redéfinies et une sous-catégorie est introduite (tableau 3) : – les sujets à bas risque ; – les sujets à risque modéré ; – les sujets à haut risque ; – les sujets à très haut risque ; et – les sujets à très haut risque avec une maladie cardiovasculaire agressive : les patients ayant présenté une rechute cardiovasculaire dans les 2 ans alors qu’ils étaient sous traitement par statines à la dose maximale. Les objectifs thérapeutiques lipidiques Les nouveaux objectifs thérapeutiques lipidiques correspondent à l’accumulation des résultats des essais thérapeutiques depuis 2016 (tableau 4 et figure 2). Figure 2. Stratégies d’intervention en fonction du niveau du risque cardiovasculaire et des valeurs de LDL-cholestérol de base. Ce sont les conséquences les résultats des études IMPROVE-IT, FOURIER et ODYSSEY. Chez les sujets à bas risque, l’objectif pour le LDL-cholestérol reste identique à 1,16 g/l soit 3 mmol/l. Chez les sujets à risque modéré pour lesquels le LDL-cholestérol doit être à 1 g/l soit 2,6 mmol/l. Chez les sujets à haut risque, l’objectif thérapeutique est à 0,70 g/l pour le LDL-cholestérol soit 1,8 mmol/l et une baisse d’au moins 50 % du LDL-cholestérol. Chez les sujets à très haut risque, l’objectif thérapeutique devient beaucoup plus exigeant puisque le LDL-cholestérol doit être inférieur à 0,55 g/l soit 1,4 mmol/l et une baisse d’au moins 50 % du LDL-cholestérol. Chez les sujets à très haut risque avec une maladie cardiovasculaire agressive, le LDL-cholestérol doit être inférieur à 0,4 g/l soit 1 mmol/l. Les objectifs thérapeutiques complémentaires liés au non HDL-cholestérol et à l’apolipo-protéine B Chez les sujets à risque modéré, le non-HDL-cholestérol doit être inférieur à 1,30 g/l et l’apolipoprotéine B doit être inférieure à 1 g/l. Si les sujets à haut risque, le non-HDL-cholestérol doit être inférieur à 1 g/l et l’apolipoprotéine B doit être inférieure à 0,8 g/l. Si les sujets à très haut risque, le non-HDL-cholestérol doit être inférieur à 0,85 g/l et l’apolipoprotéine B doit être inférieure à 0,65 g/l. Les objectifs thérapeutiques complémentaires de prévention cardiovasculaire (tableau 5) L’activité physique soutenue doit être pratiquée pendant 3,5 à 7 heures par semaine ou pendant 30 à 60 minutes tous les jours. L’indice de masse corporelle doit être entre 20 et 25 kg/m2 de surface corporelle et le tour de taille doit être inférieur à 94 cm chez les hommes et inférieur à 80 cm chez la femme. La pression artérielle doit être inférieure à 140 mm de mercure pour la systolique et 90 mm de mercure pour la diastolique. Les triglycérides doivent être inférieurs à 1,50 g/l ; si les triglycérides dépassent 2 g/l, un traitement médicamenteux doit être envisagé chez le sujet à haut risque (classe I) et la mise en route d’une association statine et fénofibrate doit être envisagée si le risque cardiovasculaire est élevé (classe IIb). L’hémoglobine A1c doit être < 7 %. Les patients qui ne sont pas à l’objectif thérapeutique pour le LDL-cholestérol La première attitude est de prescrire une statine à la dose la plus forte possible ou celle qui est tolérée (classe I). Si l’objectif de LDL-cholestérol n’est pas atteint avec une statine seule, une association avec un inhibiteur de l’absorption du cholestérol est recommandée (classe I). Pour les patients à très haut risque, alors qu’ils sont à une dose maximale tolérée de statines et sous un inhibiteur de l’absorption du cholestérol, l’association thérapeutique avec des anticorps monoclonaux anti-PSCK9 est recommandée (classe I) (tableau 6, figures 3 et 4). Figure 3. Bénéfices cliniques attendus des stratégies hypocholestérolémiantes. Figure 4. Objectifs pour le LDL-cholestérol en fonction des catégories du risque cardiovasculaire global. Le traitement des patients porteurs d’une hypertriglycéridémie (tableau 7) La prise en charge des patients porteurs d’une hypercholestérolémie familiale hétérozygote (tableau 8) La prise en charge des patients porteurs d’un diabète (tableau 9) La prise en charge des patients porteurs d’un syndrome coronaire aigu (tableau 10) En pratique La nouvelle recommandation de 2019 intensifie le dépistage de manière appropriée, propose des déterminations supplémentaires pour le risque lipidique, c’est-à-dire l’évaluation du non-HDL-cholestérol, l’évaluation de l’apolipoprotéine B et la mesure de la lipoprotéine (a). Sur le plan des objectifs thérapeutiques, le LDL-cholestérol est révisé en particulier pour les sujets à très haut risque, le LDL-cholestérol doit être inférieur à 0,55 g/l et pour les sujets à très haut risque avec une maladie cardiovasculaire agressive, le LDL-cholestérol doit être inférieur à 0,4 g/l. Sur le plan de l’escalade thérapeutique hypolipidémiante, la séquence suivante est proposée : statines à fortes doses puis ézétimibe et enfin anticorps monoclonaux de prescription large si les objectifs de LDL-cholestérol ne sont pas atteints. Cette position est très éloignée des recommandations de la HAS qui propose une ASMR V dans ces mêmes situations…

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