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Valvulopathies

Publié le 01 sep 2021Lecture 4 min

Embolie pulmonaire ambulatoire - Comment sélectionner et organiser le parcours de soins du patient ?

Benjamin PLANQUETTE, service de pneumologie et de soins intensifs, Hôpital européen Georges Pompidou, APHP, université de Paris ; Inserm UMRS-1140 Innovations thérapeutiques en hémostase ; Réseau F-CRIN INNOVTE

La prise en charge thérapeutique de l’embolie pulmonaire (EP) a connu des évolutions importantes au cours de la dernière décennie. De nombreux progrès ont été faits tant sur le plan pharmacologique, avec l’avènement des anticoagulants oraux directs qui ont simplifié les schémas thérapeutiques, que sur le plan de notre capacité à identifier des patients dont l’EP n’impacte pas le pronostic vital immédiat, c’est-à-dire à un mois, chez qui naturellement la question d’un traitement ambulatoire rapide (moins de 24 heures d’hospitalisation) s’est posée. Ainsi, s’appuyant sur un niveau de preuve scientifique robuste, les recommandations françaises de 2019(1) et européennes(2), dès 2014, ont proposé des conditions de prise en charge et de suivi ambulatoires dont le respect semble primordial pour la sécurité des patients. Une révolution conceptuelle loin de l’image dramatique de l’EP maladie grave stigmatisée par la vieille pédagogie de la maladie décrivant le malaise avec arrêt cardiaque lors du lever d’une post-parturiente...

• Pourquoi le traitement ambulatoire est-il aujourd’hui recommandé ? Ce sont les équipes hollandaises qui ont les premières rapporté la sécurité d’un traitement ambulatoire proposé à certains de leurs patients. Ainsi en 2007 et 2008, parmi 532 patients chez qui le diagnostic d’EP était fait au service des urgences, 260 (56 %) se sont vus proposer un retour à domicile dans les 24 heures du diagnostic si la SpO2 était supérieure à 92 % en air ambiant, si la PAS était supérieure à 100 mmHg et en l’absence de contre-indications aux héparines de bas poids moléculaire ou de comorbidités justifiant une hospitalisation. À 3 mois de la sortie, 13 décès (5 %), aucun étant attribuable à l’EP, et 4 hémorragies majeures (1,5 %) étaient survenus, soit beaucoup moins fréquemment que chez les patients hospitalisés (respectivement 12,7 % et 6,1 %)(3). D’autres cohortes et plusieurs essais randomisés confirmeront ces résultats et feront l’objet d’une métaanalyse montrant l’absence de majoration de risque de complications (récidive, décès et saignement majeur) chez les patients sortis de l’hôpital dans les 24 heures après le diagnostic d’EP(4). • Comment sélectionner les patients éligibles au traitement ambulatoire ? Pour proposer un traitement ambulatoire de l’EP à un patient, trois conditions sont requises : le patient est éligible, le patient donne son accord, le parcours de soins est organisé dès le retour à domicile. Deux stratégies ont émergé pour identifier les patients éligibles : basée sur l’évaluation du pronostic pour la première proposée dès 2014 par les recommandations européennes de l’ESC, pragmatique pour la seconde développée par les équipes d’experts en EP en Hollande. L’évaluation du pronostic d’une EP doit être systématique après en avoir posé le diagnostic(1,2) et repose successivement sur l’identification des patients en état de choc (5 %) puis chez les patients normotendus le calcul du score de sPESI (simplified Pulmonary Embolism Severity Index) (tableau 1) qui, en l’absence de dilatation des cavités droites sur l’angioscanner ou l’échographie cardiaque, identifie des patients à très faible risque de mortalité à 1 mois (1 %) chez qui se pose la question légitime d’un traitement ambulatoire. En effet, une métaanalyse récente a montré que la présence d’une dysfonction du ventricule droit dégradait le pronostic des patients considérés à faible risque car avec un score sPESI à 0(6). La seconde méthode réunit 11 critères sous forme de questions pragmatiques (critères HESTIA, figure 1) : si la réponse à chacune des questions est négative, le patient est éligible pour un traitement ambulatoire. Chacun des deux outils a été utilisé indépendamment dans des études et ils ont ensuite été comparés dans un essai randomisé européen, l’étude HOME-PE très récemment publiée(5). Dans cette étude, les patients normotendus atteints d’EP ont été randomisés pour l’une des deux règles HESTIA ou sPESI afin de se voir proposer un traitement à domicile si le médecin responsable, en tenant compte de l’avis du patient, ne considérait pas une hospitalisation nécessaire. Le critère de jugement principal à 30 jours était composite et réunissait les récidives, les hémorragies majeures et la mortalité toutes causes confondues. De janvier 2017 à juillet 2019, 1 975 patients ont été inclus : la fréquence du critère de jugement principal était comparable dans les groupes HESTIA (3,82 %) et sPESI (3,57 %, p = 0,004 pour la non-infériorité). Les proportions de patients traités à domicile étaient aussi comparables dans les bras de l’étude, respectivement 38,4 % et 36,6 %. Aucune récidive d’EP ou d’EP fatale n’est survenue dans les deux groupes de traitement à domicile. Les deux stratégies HESTIA ou sPESI ont donc une sécurité et une efficacité équivalentes. Il est intéressant de souligner qu’aucun biomarqueur (BNP ou troponine) n’est nécessaire ou utile pour évaluer l’éligibilité pour un retour à domicile précoce. Il faut noter que les recommandations françaises précisent que le diagnostic d’EP reste un diagnostic hospitalier pour le moment. • Comment organiser le parcours de soins du patient ? Une fois le patient sélectionné, il est indispensable de s’assurer de l’accord du patient pour un traitement ambulatoire. Si celuici est obtenu, la sortie n’est envisageable que si elle se fait de façon structurée définissant un parcours de soins qui permet d’assurer la sécurité du patient. Ainsi, dans la majorité des études de la métaanalyse de Zondag, et plus récemment dans l’essai HOME-PE(4,5), les patients recevaient une éducation thérapeutique minimale et une information écrite sur leur maladie et traitement avant le retour à domicile. Dans ce parcours spécialisé, les patients doivent disposer d’un numéro de téléphone spécifique joignable en continu : dans notre expérience locale, l’infirmière dédiée à la gestion de ces patients reçoit au moins un appel de plus d’un tiers des patients. Le dernier point de sécurité est assuré par une consultation physique entre le 3e et le 8e jour du diagnostic, qui permet de vérifier le diagnostic en relisant l’angioscanner, reprendre avec le patient l’éducation au traitement anticoagulant, répondre aux questions inhérentes à un diagnostic anxiogène et décider de la stratégie du diagnostic étiologique (figure 2). La suite de ce parcours de soins est plus classique et peut impliquer le médecin traitant avec une consultation à 1 mois, 3 mois et 6 mois pour les patients chez qui le traitement a été maintenu. En conclusion, la prise en charge ambulatoire de patients présentant une embolie pulmonaire aiguë est un changement conceptuel majeur de prise en charge. Cette option s’appuie sur l’identification des patients éligibles, leurs accords et bonne compréhension des enjeux thérapeutiques. Une prise en charge ambulatoire nécessite une organisation au préalable dédiée à cette filière de patients permettant d’assurer la sécurité de cette stratégie et le suivi régulier des patients. La possibilité d’initier d’emblée un traitement par anticoagulants oraux directs simplifie aussi la prise en charge pharmacologique ambulatoire des embolies pulmonaires.

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