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Valvulopathies

Publié le 18 jan 2022Lecture 6 min

La bicuspidie aortique - Vers une maturité du TAVI dans cette indication

Didier TCHÉTCHÉ, Clinique Pasteur, Toulouse

Les 10 dernières années ont été le témoin d’un essor fabuleux de l’implantation transcathéter de valve aortique (TAVI). L’adoption mondiale rapide du TAVI a favorisé l’optimisation continuelle des différents aspects de cette thérapie. Nous parlons volontiers, à l’heure actuelle, d’âge de maturité, notamment en raison d’une standardisation de la procédure et du caractère reproductible des résultats, dans différentes indications cliniques et spécificités anatomiques(1). Cependant, certains aspects cliniques et procéduraux restent débattus, parmi lesquels la bicuspidie aortique, pour laquelle des zones d’ombre subsistent.

La bicuspidie est en effet l’anomalie valvulaire congénitale la plus fréquente au monde, touchant environ 1 à 2 % de la population et concernant des patients souvent jeunes. Un registre récent, mené dans 6 centres européens et colligeant toutes les sténoses aortiques redevables d’un traitement, a estimé la fréquence des bicuspidies à 17 % des patients symptomatiques(2). Il existe d’importantes différences anatomiques par rapport aux patients ayant une valve tricuspide. La bicuspidie touche souvent des sujets jeunes, est associée à un anneau aortique souvent plus large que celui des patients tricuspides, mais globalement circulaire. Dans la plupart des bicuspidies les feuillets valvulaires sont de longueur et surface inégales, avec des calcifications importantes et diffuses de la racine aortique, une ouverture asymétrique et ovalaire de l’orifice aortique, une dilatation des sinus de Valsalva ou de l’aorte ascendante ainsi qu'une orientation parfois anormale des ostia coronaires (figure 1). Du fait de ces caractéristiques cliniques, exposant à des difficultés techniques procédurales et une incertitude des résultats cliniques, la bicuspidie a longtemps été un critère d’exclusion des différentes études randomisées ayant permis d’élargir les indications du TAVI. De nombreux registres ont néanmoins permis d’approfondir nos connaissances dans des populations de patients restant globalement sélectionnés. La faisabilité du TAVI dans la bicuspidie a ainsi été rapidement démontrée avec des prothèses de première génération. Les registres contemporains, utilisant des prothèses de seconde génération, ont confirmé l’équivalence des résultats cliniques du TAVI dans des populations bicuspides sélectionnées et tricuspides tout venant, à court et moyen terme(3). • Sélection des patients bicuspides en vue d'un TAVI Les recommandations européennes récentes (ESC/ECACTS) autorisent le TAVI, après discussion pluridisciplinaire, chez les patients de 75 ans et plus. Outre un âge < 75 ans, quels sont les facteurs pouvant contre-indiquer le TAVI dans la bicuspidie ? Il s’agit essentiellement de facteurs anatomiques, notamment la présence d’une dilatation de l’aorte ascendante (diamètre > 45 mm), une coronaropathie sévère associée, une valvulopathie coexistante nécessitant un traitement, mais surtout, une distribution du calcium jugée dangereuse pour une technique transcathéter. En effet, S.H. Yoon et al. ont montré dans un registre collaboratif que la coexistence de calcifications sévères des feuillets valvulaires et d’un raphé calcifié, expose le patient à un risque accru de complications procédurales et une surmortalité à 2 ans(4). Quoi qu’il en soit, il est important d’insister encore une fois sur le caractère très sélectionné des patients bicuspides inclus dans la plupart de ce type de registres. • Méthodes de diagnostic de la bicuspidie La confirmation du diagnostic de bicuspidie aortique reste complexe et répond à la combinaison d’une échocardiographie (transthoracique ou transœsophagienne) et d’un scanner de la racine aortique. L’examen de référence est rapidement devenu le scanner. Celui-ci devra être bien injecté, couplé à l’électrocardiogramme et contenir des coupes suffisamment fines pour une analyse morphologique précise de l’appareil valvulaire aortique. La technique utilisée est celle du CT-scroll, consistant à faire un balayage anatomique depuis la chambre de chasse ventriculaire jusqu’à l’aorte ascendante, afin d’identifier la distribution des feuillets valvulaires, le nombre de commissures, la présence d’un raphé et la morphologie des calcifications. La classification anatomique la plus populaire est celle de Sievers et Schmidtke, basée sur des constatations chirurgicales et distinguant : – le type 0 : absence de raphé ; – le type I : un seul raphé identifiable ; – le type II : 2 raphés identifiables (figure 2). Le type I LR (connexion des sigmoïdes coronaires) représente environ 70-75 % des bicuspidies traitées en Europe et aux États-Unis. Le type 0 est plus fréquent en Asie. Le type II est plus rare à travers le monde. Une classification scanographique, basée sur le nombre de commissures et la présence de raphé, a également été proposée mais reste moins utilisée que la précédente. • Règles de sizing dans la bicuspidie Le sizing avant TAVI est très délicat et encore débattu, mais semble reposer dans 90 % des cas sur la mesure du diamètre annulaire aortique. L’analyse de la zone supra-annulaire est indispensable pour identifier les formes coniques (ou « volcan »). Le registre collaboratif BAVARD a ainsi proposé l’intégration du diamètre annulaire aortique moyen (dérivé du périmètre) et de la distance intercommissurale 4 mm au-dessus du plan de l’anneau, la plus petite mesure servant de base pour le choix de la taille de prothèse(5). • Pour les formes tubulaires (anneau aortique moyen proche de la distance intercommissurale) ou évasées (distance intercommissurale plus grande que l’anneau aortique moyen), soit environ 90 % des cas, la mesure annulaire servira de référence pour le choix de prothèse. • Dans les formes coniques (diamètre annulaire moyen supérieur à la distance intercommissurale), un oversizing important sera évité pour ne pas créer de lésion de la racine aortique (figure 3). De manière simplifiée, alors que dans une anatomie tricuspide, en zone grise, entre deux tailles de prothèses, le choix se portera souvent sur la taille la plus grande, dans une configuration bicuspide, la plus petite taille sera choisie. • Une autre méthode de sizing est celle du tracé supra-annulaire, visant à représenter l’ouverture orificielle aortique en systole. La standardisation et la reproductibilité de cette technique ne sont pas encore validées. Notre équipe a cependant observé que cette trace supraannulaire, effectuée 4 mm audessus du plan de l’anneau était fortement corrélée au diamètre moyen de la prothèse TAVI une fois déployée (comparaison de scanners pré et postprocéduraux) (figure 4). • L’angiographie sus-sigmoïdienne est régulièrement utilisée dans la bicuspidie et est effectuée au cours d’une valvuloplastie aortique. Il s’agit d’une méthode peu précise pour déterminer la taille de prothèse nécessaire mais elle apporte des informations importantes comme le mouvement des calcifications valvulaires, notamment pour évaluer le risque d’occlusion coronaire ou de lésion des sinus de Valsalva. Il s’agit donc plutôt d’une méthode complémentaire et d’anticipation des risques du TAVI chez un patient donné, que d’une méthode de sizing à part entière. • Une dernière méthode de sizing a récemment été introduite pour les prothèses serties sur ballon : la méthode du cercle. Le principe est de superposer aux coupes de scanner un cercle de diamètre correspondant à la prothèse que l’on souhaite utiliser chez un patient donné. Cette méthode est utile pour éviter d’utiliser des prothèses trop larges pour une racine aortique donnée et ainsi limiter le risque de séquestration de sinus et de lésion de la racine aortique (figure 5). • Principales étapes procédurales Les deux types de prothèses qui concentrent l’expérience pour la bicuspidie restent SAPIEN 3™, sertie sur ballon (Edwards), et Evolut™ PRO, auto-expansive à fonctionnement supra-annulaire (Medtronic). Un déploiement assez haut sera adopté pour ces deux prothèses : déploiement en mettant la ligne radiotransparente à l’anneau pour la SAPIEN 3™ et maintien de la prothèse 0 à 3 mm sous le plan de l’anneau pour Evolut ™ PRO (figure 6). Dans les deux cas, un déploiement lent sera de mise afin de respecter au mieux les structures adjacentes. La prédilatation au ballon prend toute sa place dans le cadre de la bicuspidie, du fait des calcifications valvulaires souvent majeures. Elle est fortement recommandée pour les prothèses auto-expansives, notamment en cas de calcifications sévères. Une postdilatation pourra être nécessaire en cas d’expansion asymétrique de la prothèse. Le choix du ballon de prédilatation sera guidé par le diamètre minimal de l’anneau aortique, afin de limiter le risque de complications au niveau de la racine aortique tandis que la taille du ballon de postdilatation n’excèdera pas le diamètre annulaire moyen, dérivé du périmètre, par exemple. Le registre BAVARD a montré qu’un degré de circularité proche de celui obtenu chez les patients tricuspides, pouvait être atteint après traitement des patients bicuspides avec des prothèses de seconde génération. Une bonne circularité et une taille de prothèse adaptée (pas trop grande) pourraient favoriser une meilleure circulation sanguine dans les sinus de Valsalva et autour des feuillets valvulaires. Ceci pourrait limiter les phénomènes de thrombose de feuillets et promouvoir la durabilité des prothèses TAVI utilisées. Publié dans Cath'Lab

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