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Cardiologie interventionnelle

Publié le 15 fév 2022Lecture 5 min

Le cardiologue doit-il interpréter seul le coroscanner ?

Julien SANCHEZ, Samia BOUSSOUAR, Sarkis TAIFOUR, CIMOP, Clinique Bizet, Paris

Dans la pratique clinique quotidienne, le coroscanner est une technique non invasive devenue incontournable dans l'étude de la pathologie cardiaque et se positionne de plus en plus clairement comme check point de l’indication de la coronarographie(1). Ainsi, comme pour l’échographie cardiaque et l’artériographie coronaire, le cardiologue s'investit de plus en plus dans le coroscanner et tente de se l’approprier. Pour autant, le cardiologue doit-il interpréter seul le coroscanner ?

• Le scanner cardiaque Il a connu un essor rapide au cours des dernières années, principalement lié aux progrès techniques réalisés, qui limitent l’irradiation et améliorent les performances diagnostiques de l’examen. De nombreuses publications ont permis de mieux préciser sa place avec l’élaboration de recommandations sur les indications reconnues et les non-indications, l’encadrement médicotechnique, la réalisation et l’interprétation des données. Ses indications principales Ce sont la stratification du risque cardiovasculaire (score calcique), l’analyse des coronaires (naissance, athérome, stents) et le contrôle des pontages coronaires(2). Le scanner cardiaque permet également l’étude des valves cardiaques, le bilan avant TAVI ou fermeture de l’auricule gauche, le bilan avant prothèse mitrale percutanée ou ablation de FA, le bilan avant resynchronisation, ou l’étude des thrombus et des masses cardiaques. La technique d’acquisition Elle s’est nettement améliorée avec des images acquises au cours d’une apnée et d’un à deux cycles cardiaques. Deux modes d’acquisition sont courants : le mode prospectif avec une acquisition des images uniquement dans une courte période du cycle RR, habituellement 70 % du cycle RR pour l’analyse des artères coronaires et le mode rétrospectif avec une acquisition continue des images tout au long du cycle RR. Le mode rétrospectif permet une analyse de la cinétique des structures cardiaques mais aux dépens d’une dose d’irradiation souvent 3 à 4 fois supérieure que le mode prospectif. Les doses sont maintenant plus basses que la coronarographie (coronarographie diagnostique : 3 à 10 mSv vs 1 mSv avec certains constructeurs). La résolution spatiale est de l’ordre de 0,5 mm, et la résolution temporelle autour de 150 ms, suffisante pour analyser la cinétique segmentaire, et l’analyse de la mobilité des valves cardiaques, des prothèses valvulaires cardiaques. La réussite de l’examen dépend de plusieurs paramètres importants qui doivent être pris en considération. Le radiologue est sensibilisé à la problématique d’irradiation, à la technique d’acquisition. Il est fréquent d’utiliser un dérivé nitré en spray associé à une injection intraveineuse de bêtabloquants ou de bradycardisants pour obtenir une qualité d’image optimale. Les cardiologues sont plus à l’aise dans la gestion des médicaments. • L'interprétation des images incluant l'ensemble du volume d'acquisition Le scanner cardiaque inclut dans le même champ d’irradiation en plus du cœur, de multiples structures anatomiques à l’étage thoracique mais aussi quelques coupes de l’étage sus-mésocolique. Il est nécessaire de n’interpréter que des images de bonne qualité, ce qui doit être précisé dans le compte rendu. L’étude cardiaque Elle est largement assistée par les consoles, qui varient selon les constructeurs mais qui procèdent toujours sur un mode volumique pour l’anatomie globale avant de reconstruire en 3D l’arbre coronaire et d’analyser chaque vaisseau notamment en mode curvilinéaire. Il est nécessaire de retravailler les fenêtres, de faire de nombreux plans de reconstructions après la lecture des coupes natives. La fonction des ventricules (volumes, cinétiques segmentaire et globale), les valves, l’aorte et le péricarde sont également analysés. Un radiologue sera plus à l’aise dans l’utilisation des logiciels et la gestion des différents filtres comme dans l’analyse des stents pour lequel un filtre mou est meilleure pour la lumière coronaire native et un filtre dur meilleur pour apprécier la lumière à l’intérieur du stent. Sans cette connaissance technique, la fiabilité du coroscanner décroît significativement avec des possibles erreurs de quantification lésionnelle. Le radiologue est également plus sensible aussi aux difficultés d’interprétation liées aux problèmes techniques même s’il est vrai que le cardiologue apprend aussi de ces difficultés comme les artefacts de scintillement dans la veine cave supérieure liés aux produits de contraste, la mauvaise fiabilité des quantifications automatisées pour les vaisseaux de petite taille (< 1 mm) liés à la résolution spatiale ou le blooming effect secondaire aux calcifications coronaires importantes. Bien interpréter un coroscanner nécessite de limiter au maximum les artefacts cinétiques (troubles du rythme, respiration, choix de la phase à analyser). Le radiologue et le cardiologue sont aussi compétents pour limiter ces artefacts et décider en amont de l’acquisition optimale (mode prospectif vs rétrospectif ). En cas de mode rétrospectif, le médecin doit sélectionner la phase de remplissage maximal des coronaires et d’immobilité des structures cardiaques. L’étude extracardiaque Elle est bien entendu indispensable et la lecture des scanners et doit être réalisée en fenêtres médiastinale, parenchymateuse et osseuse pour étudier l’ensemble des structures anatomiques dans le champ d’acquisition (médiastin, plèvre, parenchyme pulmonaire, structures osseuse, aires mammaires, surrénales, etc.). La découverte d’une pathologie concomitante à une lésion coronarienne n’est pas rare, puisque de multiples pathologies, essentiellement pulmonaires (néoplasies et emphysème) partagent plusieurs facteurs de risque avec la maladie coronaire (en particulier le tabagisme mais aussi l’âge et le sexe masculin). Dans la littérature, la prévalence de ces anomalies extracoronariennes est variable selon les auteurs, allant de 7,8 à 76 %(3-5). Ces anomalies peuvent être classées en majeures impliquant une modification immédiate de la prise en charge du patient ou un complément d’exploration clinique et/ou radiologique et, mineures, n’impliquant pas de modification dans la prise en charge du patient. Parmi les lésions majeures, les nodules et masses pulmonaires sont les plus fréquentes(6). Sur cet aspect-là, seul le radiologue est compétent. Aussi parfaite soit l’analyse des coronaires ou des valves cardiaques par le cardiologue, il serait dommage que le patient ne puisse avoir l’expertise d’un radiologue pour l’analyse extracardiaque et ne pas méconnaître un cancer du poumon, une dysmorphie hépatique ou une pneumopathie interstitielle fibrosante. La découverte d’une hernie hiatale pouvant expliquer une dyspnée et/ou des douleurs thoraciques est également fréquente. La courbe d’apprentissage des anomalies extracardiaques est lente et laborieuse et si distinguer le normal du pathologique semble aisé, les variantes anatomiques sont nombreuses, les gammes diagnostiques tout aussi variées et il ne faudrait pas prendre un angiome vertébral pour une métastase osseuse ou inversement. • Impact sur la prise en charge La grande plus-value du cardiologue est la connaissance de l’orientation de la prise en charge du patient en fonction des anomalies retrouvées sur l’imagerie. Le risque étant aussi que le cardiologue, interprétant les images de son patient, soit biaisé dans son analyse par les résultats qu’il en attend, là où le radiologue, ne disposant pas de l’ensemble du dossier clinique/ fonctionnel/biologique sera moins biaisé. Dans tous les cas, le coroscanner reste un examen purement anatomique qui devra s’intégrer dans une discussion médicale. La classification CAD-RADS permet de standardiser la prise en charge. Figure 4. Découverte fortuite d’un nodule du lobe moyen chez un patient de 77 ans. Publié dans Cath'Lab

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