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Thrombose

Publié le 15 mar 2022Lecture 5 min

Comment prendre en charge un thrombus intra-auriculaire gauche ?

Nicolas LELLOUCHE*, Fabien PICARD**, *Hôpital Henri Mondor, service de cardiologie, Créteil, **Hôpital Cochin, service de cardiologie, Paris

La fibrillation atriale (FA) est e trouble du rythme cardiaque le plus fréquent, touchant approximativement 1 % de la population totale en France.

• Introduction La fibrillation atriale (FA) est e trouble du rythme cardiaque le plus fréquent, touchant approximativement 1 % de la population totale en France. Il s’agit d’un problème de santé publique important, sachant qu’il existe une prévision d’augmentation exponentielle de la prévalence de la FA dans les prochaines décennies. En effet, les données épidémiologiques prévoient une multiplication par 2,5 du nombre de patients atteints de cette pathologie en Europe et aux États-Unis au niveau des années 2030(1). La FA est associée à une augmentation du risque d’insuffisance cardiaque mais aussi d’accidents thrombo-emboliques artériels, notamment d’accident vasculaire cérébral (AVC), ce qui fait toute la gravité de cette pathologie. Le score de CHA2DS2-VASc est recommandé par la Société européenne de cardiologie (ESC) pour guider l’indication du traitement anticoagulant au long cours chez les patients souffrant de FA(1). L’anticoagulation orale, particulièrement avec les anticoagulants oraux directs (AOD), est la pierre angulaire de la prévention thrombo-embolique au cours de cette pathologie. L’auricule gauche est la structure où se forment la plupart des thrombi au cours de la FA (90 % des cas). Par ailleurs, la présence d’un thrombus atrial en dehors de l’auricule gauche est possible mais très rare au cours de la FA non valvulaire et quand il y en a un, il existe souvent un thrombus dans l’auricule gauche associé. La présence d’un thrombus intra-auriculaire gauche (TAG) contre-indique la réalisation de plusieurs gestes thérapeutiques dans le cadre de la prise en charge de la FA : ablation de FA, choc électrique externe (CEE) ou fermeture percutanée de l’auricule gauche. • Épidémiologie et diagnostic Le taux de prévalence de TAG chez les patients présentant une FA a été évalué dans de nombreuses études. Ces études ont été faites chez des patients non traités par anticoagulants ou traités par antivitamine K (AVK) ou AOD. Particulièrement, Schaeffer et coll.(2) ont montré de manière prospective que le taux de thrombus avant CEE était globalement de 4,7 % avec un taux plus faible chez les patients trai- tés par AOD par rapport aux AVK (2,5 % vs 5,3 %, p = 0,02). Quand on étudie seulement les patients ayant une anticoagulation efficace connue (INR dans la fourchette thérapeutique ou pas d’oubli de prise de dose d’AOD) le taux de thrombus diminue encore à 2,7 %, cette fois-ci sans différence entre les AVK et les AOD, soulignant l’importance d’une anticoagulation efficace continue. Une récente métaanalyse de 35 études chez des patients se présentant pour un CEE pour FA ou flutter sous anticoagulants a retrouvé un taux de TAG diagnostiqué en échographie transœsophagienne (ETO) de 2,73 % sans différence significative entre un traitement par AVK ou AOD(3). Le diagnostic de TAG est fait le plus souvent en ETO (figure 1A) dans le cadre d’un bilan effectué avant une procédure de type ablation de FA, CEE ou fermeture de l’auricule gauche, mais d’autres examens peuvent être effectués pour faire le diagnostic de thrombus comme le scanner ou l’IRM cardiaque. Le scanner cardiaque a une spécificité et sensibilité de 98 % et 100 % respectivement pour le diagnostic de TAG par rapport à l’ETO qui reste le gold standard (figure 1B). De plus, l’IRM a une valeur diagnostique sensiblement identique au scanner. Plusieurs facteurs de risque de TAG ont été identifiés : le score de CHA2DS2-VASc, le type de FA 22 avec une prévalence plus élevée au cours de la FA permanente par rapport à la FA paroxystique, l’efficacité du traitement anticoagulant, la taille de l’OG, la morphologie de l’auricule gauche, la présence d’anomalie de flux dans l’auricule gauche : faible vitesse de vidange, contraste spontané ou l’élévation de biomarqueurs comme le BNP ou les D-dimères. • Prise en charge thérapeutique Le traitement anticoagulant correspond à la pierre angulaire du traitement du TAG. En effet, chez des patients non anticoagulés, le taux de résolution du TAG est de 80-90 % sous traitement anticoagulant par AVK à dose efficace. Quelques études ont été effectuées pour évaluer l’intérêt d’un traitement par AOD dans la prise en charge du TAG. L’étude X-TRA a montré que la mise sous rivaroxaban chez des patients avec TAG et traités de manière inadéquate par AVK, permettait une résolution complète du TAG dans 41,5 % des cas et une diminution de la taille du TAG dans 19 % des cas(4). Des résultats similaires ont été retrouvés avec le dabigatran. Les raisons expliquant l’effet variable des anticoagulants sur le TAG ne sont pas clairement élucidées mais des facteurs de risque comme l’ancienneté, la structure du TAG ou la présence de comorbidités induisant des troubles de l’hémostase ont été évoqués. Si après une modification du traitement anticoagulant le TAG persiste, d’autres stratégies sont possibles : ajouter un traitement antiagrégant en gardant à l’esprit le risque hémorragique chez les patients les plus à risque, changer d’AOD, changer l’AOD par un traitement AVK avec des INR plus élevés entre 2,5 et 3,5 ou utiliser des héparines de bas poids moléculaire sur des périodes de 3-4 semaines pour tenter de faire disparaître le thrombus. Néanmoins, il n’existe pas d’étude randomisée sur la meilleure stratégie à adopter en cas de persistance d’un TAG sous traitement anticoagulant. La décision thérapeutique se fait donc au cas par cas. Quelles que soient les modifications thérapeutiques, il est conseillé de refaire une imagerie de l’auricule gauche entre 1 et 3 mois après la modification thérapeutique pour établir l’évolution du TAG. Par ailleurs, il a récemment été proposé une nouvelle option thérapeutique dans la prise en charge de ces TAG persistants, qui consiste en une fermeture percutanée de l’auricule gauche. Même si cette technique est théoriquement contre-indiquée en cas de TAG, il est possible dans certaines circonstances de réaliser une fermeture de l’auricule gauche qui permet probablement de réduire le risque d’embolie artérielle systémique et surtout de pouvoir réaliser une ablation de FA ou un CEE. Plusieurs petites séries de patients ont été publiées à ce sujet, avec des résultats immédiats satisfaisants et un taux de complications acceptable. Pour réaliser cette procédure, il faut que le TAG représente moins de 50 % de la surface de l’auricule gauche et qu’il soit placé de manière distale dans l’auricule gauche. Cette technique consiste à placer la prothèse à l’entrée de l’auricule gauche en évitant de manipuler des guides ou cathéters dans l’auricule gauche pendant la procédure (technique du thrombus trapping)(5). Enfin, la résection chirurgicale du thrombus avec exclusion de l’auricule gauche est possible, mais compte tenu du taux élevé de complications potentielles, cette option n’est réservée qu’aux patients ayant une indication à une chirurgie cardiaque associée(6). Conflits d’intérêts : NL : présentation orale, board avec Bayer, BMS-Pfizer, Abbott, Boston Scientific ; FP : Consultant et/ou orateur pour BBraun Medical, Biotronik, Boston Scientific, AstraZeneca, Bayer, Bristol-Myers Squibb, Pfizer et Sanofi.

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