Publié le 15 avr 2022Lecture 5 min
Maladie rénale chronique : dépister et freiner sa dégradation
Michèle DEKER, Neuilly
Malgré l’optimisation des traitements actuels du diabète, les patients gardent un risque cardiovasculaire et rénal élevé, d’où l’intérêt de thérapeutiques complémentaires pour renforcer la néphroprotection. Un nouvel acteur est arrivé dans la maladie rénale chronique (MRC) avec la finérénone. En s’aidant des marqueurs disponibles pour caractériser la maladie, il est possible aujourd’hui de personnaliser le soin.
La néphropathie diabétique est caractérisée par des lésions structurales majeures dont le marqueur direct est le développement d’une albuminurie, étroitement associée au risque de dégradation de la fonction rénale et cardiovasculaire, y compris d’insuffisance cardiaque. L’albuminurie procède d’une dysfonction endothéliale, d’une altération des podocytes glomérulaires et d’une diminution de la néphrine. Des modifications hémodynamiques interviennent : une hyperfiltration, présente dès les premiers stades du diabète et qui contribue à augmenter l’hypertension intraglomérulaire ; la dilatation de l’artère afférente ; l’augmentation de la pression intraglomérulaire. La barrière d’hyperfiltra-ion glomérulaire — associant les cellules endothéliales, la membrane basale, hypertrophiée aux stades précoces du diabète, et les podocytes — est altérée, laissant passer davantage d’albumine dans les urines
Par ailleurs, un rôle délétère de l’aldostérone et de la liaison aux récepteurs des minéralocorticoïdes a été démontré dans l’apoptose des podocytes, ce qui suggère l’intérêt de bloquer ces récepteurs pour limiter cette dégradation.
L’albuminurie n’est pas seulement un marqueur mais une cible thérapeutique. Il est recommandé de doser l’albuminurie et d’obtenir une réduction d’au moins 30 % au stade de macro-albuminurie (> 300 mg/g) afin de freiner la progression vers la MRC, sans hésiter à titrer les thérapeutiques.
• ARM non stéroïdiens : un nouveau profil d’antagoniste
La diminution du débit de filtration glomérulaire et l’augmentation du rapport albumine/créatinine (RAC) sont associées à une augmentation de la mortalité cardiovasculaire et de l’insuffisance cardiaque dès 75 mL/min. Les antagonistes des récepteurs minéralocorticoïdes (ARM) stéroïdiens ont été largement évalués dans la MRC ; ils améliorent la protéinurie, la pression artérielle systolique, mais dans la moitié des cas, ils entraînent une dégradation de la fonction rénale et une hyperkaliémie.
Les récepteurs minéralocorticoïdes (RM) peuvent fixer l’aldostérone ou le cortisol ; leur activation se traduit par une cascade enzymatique avec une augmentation du stress oxydatif, générant une augmentation des protéines inflammatoires et au niveau rénal de protéines profibrotiques. Les ARM stéroïdiens ont montré des bénéfices dans l’insuffisance cardiaque, malgré un risque d’hyperkaliémie.
Comparativement à la spironolactone qui a une très forte activité pour les RM, l’éplérénone a une affinité plus faible malgré une sélectivité plus importante. La finérénone se distingue à la fois par une forte sélectivité et affinité, l’absence d’effets secondaires sexuels et d’hyperkaliémie. La finérénone bloque la suractivation des RM et inhibe l’inflammation et la fibrose, au niveau du rein et du système cardiovasculaire.
Le programme de phase 3 de la finérénone comprend notamment les études FIDELIO-DKD et FIGARO-DKD, chez des patients traités à dose maximale tolérée d’IEC ou ARA2 depuis au moins 4 semaines, qui ont été randomisés sous finérénone 10 mg ou 20 mg versus placebo. Dans FIDELIO, le critère principal d’efficacité comprend un critère composite rénal — insuffisance rénale, diminution durable du DFG de > 40 % ou décès d’origine rénale ; dans FIGARO, le critère principal est un critère composite de décès cardiovasculaire, IDM ou AVC non fatal, hospitalisation pour insuffisance cardiaque. Les critères d’inclusion sont différents. Dans FIDELIO, 87,4 % des patients avaient une macroalbuminurie, contre 51 % dans FIGARO ; un pourcentage important de patients avait une insuffisance rénale (11,6 % et 61,7 % avec un DFG > 60 ml/min dans ces deux études respectivement). Le critère composite rénal est positif (-18 %) de même que le critère composite cardiovasculaire (-14 %). À 4 mois, la diminution de 30 % du RAC -30 % est obtenue versus placebo. Les hyperkaliémies sont plus fréquentes sous placebo mais n’ont conduit à un arrêt de traitement que chez 2,3 % des patients. Ces résultats de FIDELIO-DKD ont conduit à l’octroi d’une AMM européenne le 16 février 2022 dans le traitement de la MRC stades 3 et 4 avec albuminurie. Dans FIGARO-DKD, où les patients étaient moins albuminuriques ; pour 60 % des patients avec MRC albuminurique, la fonction rénale était préservée (DFG > 60 mL/min), une réduction très significative du critère principal a été observée, tirée principalement par la baisse des hospitalisations pour insuffisance cardiaque.
Les deux études ont été combinées dans le cadre de FIDELITY, réunissant 13 000 patients (en moyenne 65 ans, HbA1c 7,7 %, tous sous IEC/ARA2, 72 % sous statine et 6-7 % sous iSGLT2). Les bénéfices sont marqués sur le critère cardiovasculaire (-14 %), tirés principalement par les hospitalisations pour insuffisance cardiaque, et sur le critère rénal (-23 %), tirés par la réduction de l’évolution vers la dialyse et la greffe rénale (-20 %) et la réduction de 57 % du doublement de la créatinine.
La prise en charge des patients dans les études FIDELIO et FIGARO a conduit à faire des propositions de gestion du potassium pour minimiser l’impact de l’hyperkaliémie (KDIGO 2022) : interruption de la finérénone si K+ > 5,5 mmol/L, ajustement des thérapeutiques et reprise du traitement à 10 mg/j une fois le K+ ≤ 5 mmol/L.
• Quand adresser un patient au néphrologue ?
Trente pour cent des patients qui débutent une dialyse le font en urgence mais il serait impossible pour les néphrologues de suivre la totalité des patients avec MRC. La HAS a récemment proposé une liste de situations dans lesquelles le médecin devrait adresser un patient en néphrologie, situations correspondant à un stade déjà très avancé de la maladie rénale où les possibilités thérapeutiques sont dépassées.
La MRC est classée selon le stade CGA : cause, DFG (de G1 ≥ 90 mL/min à G5 < 15 mL/min), albuminurie (A1 < 30, A2 30- 300, A3 > 300 mg/g). Cette classification permet de stratifier les patients en termes de pronostic rénal et de mortalité, et de visualiser les indications des nouvelles molécules (gliflozines et finérénone) indiquées dans la néphropathie diabétique. Le score de risque rénal (SRR ou KFRE pour les Anglo-Saxons) est calculé à partir de 4 paramètres : âge (-20 %/10 ans), sexe masculin (+40 %), DFGe (+60 % pour toute diminution de 5 mL/min) et RAC (+60 % pour toute augmentation du log RAC). Les trois néphropathies pour lesquelles le score est le plus fiable sont les néphropathies diabétique, vasculaire et glomérulaire. Le score SRR permet de faire le tri des patients ; un malade ayant un score faible peut être suivi par le médecin généraliste. En pratique, le suivi néphrologique nécessite un dosage de l’albuminurie (et non de la protéinurie) et le calcul du RAC (pas systématiquement fourni par les laboratoires). Un SRR > 5 % et un RAC > 600 mg/g représentent le meilleur compromis pour définir le risque rénal et adresser les patients au néphrologue.
D’après un symposium organisé avec la collaboration du laboratoire Bayer et la participation de S. Hadjadj, F. Bonnet, B. Guerci et T. Hannedouche
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