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Explorations-Imagerie

Publié le 01 juin 2022Lecture 7 min

État des lieux et dernières actualités en imagerie structurelle et valvulaire

Augustin COISNE, service explorations fonctionnelles cardiovasculaires, Centre des valvulopathies, CHU de Lille Research Fellow – Cardiovascular Research Foundation, New York, États-Unis

L’imagerie interventionnelle en cardiologie structurelle a connu un essor important ces dernières années, accompagnant ainsi les différentes avancées technologiques dans cette thématique. L’imageur interventionnel fait partie intégrante de la Heart Team à toutes les étapes, que ce soit pour le screening des patients en apportant un choix éclairé sur la meilleure solution thérapeutique, pendant la procédure afin de guider l’opérateur et prévenir la survenue de complications, ou encore dans le suivi des patients à distance de l’intervention. Cette nouvelle surspécialité a d’ailleurs fait l’objet de recommandations récentes de l’European Society of Cardiovascular Imaging (EACVI)(1). Une bonne connaissance des dernières actualités et des derniers outils disponibles en imagerie dans les cardiopathies structurelles est donc indispensable.

• Insuffisance mitrale La prise en charge de l’insuffisance mitrale (IM) a été bouleversée ces dernières années par la technique de réparation percutanée dite « bord à bord ». Néanmoins les études sont contradictoires sur l’intérêt de cette technique dans l’IM dite « secondaire »(2,3). Plusieurs raisons ont été proposées pour expliquer ces disparités : maladie ventriculaire plus évoluée et fuite moins sévère dans l’étude Mitra-FR, différences dans le traitement médical ou encore fuite résiduelle plus importante dans Mitra-FR. Le concept d’IM dite « disproportionnée » au degré d’atteinte ventriculaire a été également proposé(4). Récemment, les données de vraie vie du registre EuroSMR basé sur 1 022 patients stratifiés selon les critères d’éligibilité de COAPT et Mitra-FR ont confirmé les résultats des études randomisées(5). Si la réparation percutanée bord à bord semble donc avoir fait ses preuves, l’objectif des études récentes a été de trouver le profil de patient qui pourrait bénéficier de cette technique. Un paramètre intéressant serait de rapporter la sévérité de la fuite au degré de dilation ventriculaire. Ainsi, Namazi et coll.(6) ont récemment montré que le rapport entre le volume régurgité (VR) et le volume télédiastolique du ventricule gauche (VTDVG) semblait être un paramètre pertinent pour stratifier le risque de cette population avant la prise en charge (figure 1A). De même, Orban et coll. ont mis en évidence que le rapport entre la surface de l’orifice régurgitant (SOR) et le VTDVG permettait de prédire la mortalité après la réparation bord à bord(7). Par ailleurs, l’équipe de Leiden a montré que le travail myocardique, un nouvel outil échocardiographie permettant de quantifier la performance myocardique à partir de courbes pression-strain, était indépendamment associé à la mortalité chez les patients porteurs d’une IM secondaire ≥ modérée(8). Figure 1. Dernières actualités dans l’IM. (A) Association entre le rapport du volume régurgité sur le VTDVG et la mortalité toutes causes chez les patients porteurs d’une IM secondaire, d’après Namazi et al.(6). Si la littérature portant sur le ventricule gauche a été riche, il ne faut pas oublier le ventricule droit pour autant. Il a été ainsi montré qu’une diminution du couplage ventriculo-artériel du ventricule droit évalué en échocardiographie était associée à une augmentation de la mortalité après réparation bord à bord dans le registre EuroSMR(9) (figure 1B) et dans l’étude COAPT(10).   Figure 1. Dernières actualités dans l’IM. (B) Courbe de Kaplan-Meier montrant la survie après réparation bord à bord chez les patients porteurs d’une IM secondaire en fonction du couplage ventriculo-arteriel du VD, d’après Karam et al.(9). Par ailleurs, un intérêt particulier a été porté à l’anneau et la valve mitrale dans l’IM secondaire. Hirasawa et coll. ont mis en évidence qu’un remodelage insuffisant des feuillets valvulaires mitraux défini par une diminution du rapport entre la surface valvulaire totale et la surface de l’anneau mitral évalué en ETO-3D était plus fréquemment associé à une fuite résiduelle significative après la réparation bord à bord(11). De même, un nouveau paramètre d’analyse de la valve mitrale appelé strain valvulaire a été proposé pour améliorer la caractérisation des propriétés biomécaniques de la valve et pourrait ainsi avoir un intérêt pronostique chez les patients porteurs d’une IM, avec ou sans intervention (figure 1C)(12,13). Figure 1. Dernières actualités dans l’IM. (C) Concept de strain valvulaire, d’après El-Tallawi et al.(13). La notion d’IM fonctionnelle atriale est apparue ces dernières années même si elle reste mal caractérisée. Uno et coll. ont récemment montré que cette IM fonctionnelle atriale était associée à un remodelage valvulaire et un tethering moins importants que l’IM fonctionnelle dite ventriculaire(14). Mesi et coll. ont également mis en évidence que l’IM fonctionnelle atriale constituait un groupe avec de nombreuses comorbidités, des options thérapeutiques limitées et étaient à haut risque de décès et d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque(15). Enfin, en utilisant une approche en clusters de patients insuffisants cardiaques stables avec un traitement médical optimisé, Bartko et coll. ont montré que l’association entre IM secondaire et mortalité pourrait être plus importante en cas de VG de petite taille, renforçant le concept d’IM disproportionné et attribuant un rôle potentiel à la composante atriale (figure 1D)(16). Figure 1. Dernières actualités dans l’IM. (D) Principales composantes « morphomiques » de l’IM secondaire, d’après Bartko et al.(16) • Insuffisance tricuspide De nombreuses nouveautés ont également concerné l’insuffisance tricuspide (IT). Afin d’utiliser un langage commun, Hahn et coll. ont proposé une nouvelle nomenclature permettant d’identifier 6 types de morphologie de valve tricuspide (figure 2A)(17). Des études sont en cours pour évaluer l’intérêt pronostique de cette classification dans la prise en charge thérapeutique. Figure 2. Dernières actualités dans l’IT. (A) Proposition d’une nouvelle nomenclature des morphologies de la valve tricuspide, d’après Hahn et al.(17). Si des études sont en cours pour évaluer l’impact de la réparation bord à bord dans l’IT secondaire (Triluminate pivotal et TriFr), le remplacement valvulaire percutané est en train de faire son apparition dans l’arsenal thérapeutique à disposition avec de premiers résultats à 30 jours intéressants pour le système EVOQUE(18). Des études se sont également intéressées à la fonction ventriculaire droite dans la réparation bord à bord, notamment en utilisant les derniers outils en échocardiographie 3D(19). Les derniers mois ont également été marqués par la publication de nombreux scores afin de stratifier le risque dans cette population, que ce soit pour prédire la mortalité à un an des patients porteurs d’une IT isolée (figure 2B)(20), le risque de progression(21), ou la mortalité intrahospitalière après une chirurgie isolée de la valve tricuspide (figure 2C)(22). Figure 2. Dernières actualités dans l’IT. (B) Score pour prédire la mortalité de l’IT isolée, d’après Wang et al.(20). (C) Tri-Score : score pour prédire la mortalité intrahospitalière après une chirurgie isolée de la valve tricuspide, d’après Dreyfus et al.(22). • Nouveaux outils Afin d’aider le cardiologue spécialisé en imagerie cardiovascu-aire ainsi que l’ensemble de la Heart Team, de nombreux outils ont été récemment développés. 4D-ICE L’échocardiographie intracardiaque (ICE) est disponible depuis quelques années et a commencé à trouver sa place, notamment en rythmologie pour les ponctions transseptales et l’occlusion d’auricule gauche. L’absence d’imagerie 3D rendait son utilisation limitée en imagerie valvulaire. Mais l’arrivée très récemment de cathéters 4D en train d’étendre son champ d’ut lisation, que ce soit pour l’occlusion d’auricule ou la prise en charge de valvulopathies mitrales ou tricuspides(23-25) (figure 3). L’absence d’ETO prolongée, permettant d’éviter des lésions œsophagiennes et de se passer d’anesthésie générale pour certaines procédures pourrait être un « game changer » dans les années à venir même si de nombreuses questions vont se poser notamment celles de la formation, du prix du cathéter (à usage unique), et de l’opérateur qui manipulera la sonde et/ou les images. Imagerie de fusion L’approche en imagerie structu-elle est définitivement multi-modale, utilisant majoritaire- ment l’échographie cardiaque 2 et 3D, la fluoroscopie et le scanner cardiaque. Il est donc extrêmement intéressant de pouvoir bénéficier d’outils fusionnant ces différentes modalités en live lors des procédures : EchoNavigator® (fusion de la fluoroscopie et de l’échographie), Echo-CT Fusion® (fusion de l’échographie et du scanner) ou encore Valve Assist® (fusion du scanner et de la fluoroscopie). Des exemples d’imagerie de fusion sont fournis dans la figure 4. Réalité virtuelle et réalité augmentée La réalité virtuelle et la réalité augmentée commencent à faire leur apparition dans la palette d’outils disponibles(26). En plus d’être un outil pédagogique complémentaire pour les patients et les professionnels de santé, ils peuvent permettre de planifier et réaliser des procédures structurelles complexes tout en intégrant différentes modalités d’imagerie. Il est possible par exemple que le cardiologue interventionnel ou le chirurgien cardiaque puisse combiner les informations de fluoroscopie projetées sur le corps du patient avec des données dérivées de l’imagerie préopératoire. Cet outil aura bien sûr plusieurs défis techniques à relever comme celui de l’harmonisation du flux de données et des interfaces et de l’adaptation en environnement réel afin que nos patients puissent en tirer un vrai bénéfice. Impression 3D, modélisation informatique et intelligence artificielle L’impression 3D, la modélisation informatique et l’intelligence artificielle seront probablement des outils indispensables pour les cardiopathies structurelles dans le futur afin de planifier, simuler et prédire les résultats d’une procédure(27) (figure 5). Figure 5. (A) Principe de l’impression 3D, et (B) Intégration de l’impression 3D physique et virtuelle, y compris la simulation de la procédure, la modélisation des fluides et l’intelligence artificielle dans les interventions par cathéter, d’après Wang et al.(27). L’utilisation de l’impression 3D dans les soins cliniques et la planification procédurale a déjà démontré une réduction de la courbe d’apprentissage des opérateurs. L’intégration de la modélisation informatique à l’impression 3D a accéléré la compréhension de la recherche et du développement de la mécanique des fluides dans les tests des dispositifs. Ces différents outils apportent une compréhension approfondie de la physiopathologie cardiaque et des interactions entre les dispositifs que ne permettent pas les outils d’imagerie traditionnels.   Références sur demande à la redaction : biblio@axis-sante.com

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