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Études-Consensus-Recommandations

Publié le 15 oct 2022Lecture 5 min

Nouvelles recommandations pour le diagnostic et le traitement de l’hypertension pulmonaire : que doit savoir le cardiologue en pratique ?

Charles FAUVEL*, Théo PEZEL**, *Columbus, Ohio ; Rouen, France ,**Hôpital Lariboisière, APHP, Paris

Même si l’hypertension pulmonaire (HTP) est souvent affaire de spécialiste, elle n’en demeure pas moins une pathologie très fréquemment rencontrée en cardiologie et cela pour au moins deux raisons. Premièrement, puisque le dépistage (tous groupes confondus) passe majoritairement par l’échocardiographie transthoracique, et deuxièmement puisque la première cause d’HTP est celle liée aux pathologies cardiaques gauches (groupe 2)(1,2). Selon les registres, on estime qu’environ 1 patient insuffisant cardiaque sur 2 développe une HTP et le vieillissement de la population ne va faire qu’en augmenter sa prévalence(1,2).
En tout, la prévalence de l’HTP est estimée à environ 1 % de la population mondiale et ne doit pas être confondue avec l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP, groupe 1) qui n’est qu’une sous-entité à part entière avec une prévalence de 6 à 55 cas/million d’habitants, ainsi considérée comme une maladie rare.
À travers ces quelques lignes, on tente d’extraire les points clés des dernières recommandations, présentées lors du congrès de l’ESC 2022, résultat d’une collaboration entre les Sociétés européennes de cardiologie et de pneumologie (ESC et ERS)(1,2).

• Une nouvelle définition   Comme en 2015(3), le diagnostic d’HTP nécessite la réalisation d’un cathétérisme cardiaque droit de repos, en condition stable. Néanmoins, les seuils de pression artérielle pulmonaire moyenne (PAPm) et de résistances vasculaires pulmonaires (RVP) ont été abaissés, tenant mieux compte des valeurs retrouvées en population saine (tableau 1). Il faut garder en tête qu’avoir une HTP ne représente qu’un « symptôme » d’une maladie complexe sous-jacente qu’il est important d’identifier précisément via un bilan exhaustif (détaillé ci-après) en se rapportant à la classification de l’HTP en 5 groupes, qui elle, ne change pas (tableau 2). Par ailleurs, même si les seuils ont été modifiés, il n’est pas recommandé faute de preuve, de débuter un traitement spécifique, si indiqué, lorsque la PAPm est < 25 mmHg et les RVP < 3 UW. On remarque aussi que les gradients transpulmonaires et diastoliques ont été abandonnés au profit des RVP dans l’HTP postcapillaires du fait de données contradictoires(4). Enfin, et c’est important, un niveau de PAPm à lui seul ne suffit pas et il convient d’y ajouter un niveau de RVP pour différencier les patients avec une réelle maladie vasculaire pulmonaire des situations d’hyperdébit (hyperthyroïdie, cardiopathie congénitale, hépatopathie…).   • Stratégie de dépistage : l’échocardiographie reste en première ligne Après un examen clinique rigoureux et la recherche de facteurs de risque (sclérodermie et connectivites, antécédents familiaux d’HTAP, exposition à des toxiques, anorexigènes, antécédents d’embolie pulmonaire, infection par le VIH…) faisant suspecter une HTP, le dépistage passe par l’échocardiographie. Celle-ci doit être la plus complète possible, s’intéressant au cœur gauche et droit dans son ensemble. À noter que l’algorithme de détection (figure 1), n’a pas changé par rapport à 2015. Celui-ci se base en premier lieu sur la vitesse maximale du flux d’insuffisance tricuspide, suivi de la recherche de signes « évocateurs » d’HTP. Deux nouveaux signes ont été ajoutés : i) le rapport TAPSE/PAPs avec le seuil de 0,55 mm/mmHg (paramètre évaluant approximativement le couplage ventriculo-artériel droit)(5-7) ; ii) le diamètre de l’artère pulmonaire supérieur au diamètre de l’aorte. N’oublions pas que c’est la présence d’au moins deux signes dans deux colonnes différentes du tableau 3 qui permet d’affirmer la présence de signes « évocateurs ». En cas de probabilité intermédiaire à élevée, un cathétérisme cardiaque droit en centre de référence est recommandé pour confirmation de l’HTP (classe I). L’algorithme diagnostique proposé par les nouvelles guidelines est résumé au niveau de la figure 2). Outre les examens paracliniques de base (ECG, EFR, gaz du sang, échocardiographie, radiographie thoracique), il sera nécessaire de compléter le bilan par au moins : une scintigraphie de ventilation/perfusion, un scanner thoracique injecté, un bilan biologique comprenant : BNP ou NT-proBNP, hémoglobine, fonction rénale et bilan électrolytique, acide urique, fonction hépatique, bilan martial, sérologies hépatites et VIH, anticorps antinucléaires, anti-centromères et anti-Ro, recherche d’un SAPL (si une forme postembolique chronique est suspectée), TSH et enfin, une échographie abdominale à la recherche d’hypertension portale et/ou argument pour une hépatopathie. Une classification clinique correcte est fondamentale puisqu’elle conditionne le traitement à débuter et la stratégie de suivi à mettre en place.   • Quoi de neuf dans l’hypertension pulmonaire postcapillaire ? (groupe 2)   Même si c’est la forme la plus fréquente d’HTP (65 à 80 % des cas) et que de nombreux progrès physiopathologiques ont été faits au cours de la dernière décennie, la prise en charge reste décevante. Pour ce groupe, l’algorithme diagnostique ne diffère pas de celui présenté précédemment. Néanmoins, compte tenu de la prévalence en forte augmentation, les recommandations insistent sur le fait qu’un cathétérisme cardiaque droit est recommandé uniquement s’il aide à la prise en charge des patients (classe I, C) ou en cas d’insuffisance tricuspide sévère avant une prise en charge chirurgicale ou percutanée (classe I, C). En pratique, le traitement de l’HTP postcapillaire passe avant tout par l’optimisation des traitements de l’insuffisance cardiaque gauche, qu’elle soit à FEVG altérée ou préservée. On notera aussi que : • En cas de cardiopathie gauche connue, mais avec des signes évocateurs d’HTP précapillaire et/ou de dysfonction ventriculaire droite, l’adressage à un centre de référence d’HTP pour bilan complémentaire est recommandé (classe I, C). • En cas de cardiopathie gauche connue, mais avec une HTP postcapillaire combinée sévère (RVP > 5 UW), un spécifique traitement au cas par cas en centre de référence de la maladie vasculaire pulmonaire peut être indiqué (classe I, C). • En cas de facteurs de risque pour une cardiopathie gauche avec une PAPO normale au repos et traité par des traitements spécifiques de l’HTAP, un suivi rapproché est recommandé (classe I, C). • En cas de PAPO borderline à 13-15 mmHg et des caractéristiques d’IC à FEVG préservée, un test de remplissage est nécessaire afin de démasquer une HTP postcapillaire (classe IIb, C). • Les traitements de l’HTAP ne sont pas recommandés en cas d’HTP du groupe 2 (classe III, A).   • Quoi de neuf dans l’hypertension pulmonaire post-embolique chronique (groupe 4) ?   La figure 4 résume la prise en charge diagnostique et thérapeutique recommandée dans ce cas. En plus, on peut noter que la recherche d’un syndrome des antiphospholipides est recommandée chez les patients avec une HTP post-embolique chronique (classe I, C) et que le traitement médical à adopter est le riociguat (stimulateur de la guanylate cyclase). Là encore, le bilan d’opérabilité et la stratégie thérapeutique à adopter sont discutés en centre expert, lors de réunions pluridisciplinaires.   • Quoi de neuf en hypertension artérielle pulmonaire (groupe 1) ?   Après avoir fait le diagnostic d’HTAP en centre de référence, la prise en charge est basée sur la stratification du risque (classe I,B), c’est-à-dire le risque de mortalité dans l’année. Celle-ci est fondamentale, car elle conditionne i) le pronostic à court terme ; ii) la stratégie thérapeutique à adopter, iii) le suivi à organiser. Les guidelines retiennent une stratification en 3 strates, basée sur une évaluation multiparamétrique (tableau 4) : - risque faible (< 5 %) ; - risque intermédiaire (5 à 20 %, contre 10 % en 2015) ; - risque élevé (> 20 %). Il est important d’insister sur le fait qu’atteindre ou maintenir un profil « risque faible » est un objectif thérapeutique à atteindre et que tout doit être mis en œuvre pour y arriver. La stratification du risque doit être faite avant introduction des traitements, puis à chaque visite. Pour les visites de suivi, une version simplifiée, non invasive, peut être utilisée (tableau 5)(8,9). Cette étape est fondamentale puisqu’en découle la stratégie thérapeutique à adopter, résumée sur la figure 3. Figure 3. Diagnostic et prise en charge de l’HTP post-embolique chronique, d’après Humbert et al.   À noter qu’en cas de positivité au test de vasoréactivité (baisse de la PAPm ≥ 10 mmHg afin d’atteindre une PAPm ≤ 40 mmHg avec augmentation ou stabilisation du débit cardiaque), un traitement par forte dose d’inhibiteurs calciques est recommandé (classe I, C), accompagné d’un suivi rapproché tous les 3-4 mois (classe I, C). Cela concerne environ 10 % des patients HTAP d’origine idiopathique, familiale, associée à la prise de drogues et toxics.

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