Publié le 15 mar 2023Lecture 10 min
Best of de l’imagerie cardiovasculaire aux JESFC 2023
Catherine SPORTOUCH, Cardiologue, Clinique du Millénaire, Montpellier
Les 33es Journées européennes de la Société française de cardiologie ont été un réel succès avec le retour d’un congrès 100 % présentiel. Elles ont été comme chaque année un moment de partage et d’échanges, notamment en imagerie cardiovasculaire. En 2022, la littérature a été comme toujours très riche dans le domaine de l’imagerie et j’ai souhaité vous présenter certains travaux qui m’ont semblé novateurs et/ou avec un impact direct sur notre pratique quotidienne. Bonne lecture !
La maladie coronaire : rôle du coroscanner dans la caractérisation de la plaque ?
De multiples articles ont été publiés cette année concernant l’analyse de la plaque. Soulignons la pertinence de l’étude randomisée DISCHARGE(1) comparant le coroscanner à la coronarographie dans l’angor stable chez les patients qui ont une probabilité prétest intermédiaire. Le risque d’événements majeurs cardiovasculaires était similaire dans le groupe coroscanner par rapport au groupe coronarographie. La fréquence des complications en rapport avec la procédure était plus faible dans le groupe bénéficiant d’un coroscanner en 1re intention. Cette étude nous incite à être probablement moins invasifs dans la prise en charge de ces patients.
Cependant, le vrai problème consiste à repérer les patients à risque de présenter un événement aigu. La compréhension de l’athérosclérose et de ses risques passe par la compréhension de la composante inflammatoire de la plaque et donc du rôle des macrophages. Des essais cliniques récents ont démontré une réduction des événements cardiovasculaires majeurs avec certains traitements anti-inflammatoires (comme la colchicine). La revue de Reece Parry(2) décrit les différentes méthodes d’appréciation de la plaque à risque en imagerie fonctionnelle. Des développements récents indiquent que la tomodensitométrie peut détecter indirectement l’inflammation en examinant la graisse périvasculaire avec un impact pronostique. De la même façon, le PET-scan au fluorure de sodium permet d’identifier des plaques à haut risque.
La dysplasie arythmogène du ventricule droit : intérêt de l’imagerie multimodale ?
La revue de Malik(3) s’attache à valoriser l’imagerie multimodale dans le diagnostic de la dysplasie arythmogène du ventricule droit. Celui-ci s’établit à partir des critères de la Task Force de 2010 basée sur l’échographie et l’IRM. Il retient des critères de dilatation des cavités droites, d’altération de la fonction ventriculaire droite globale et segmentaire. Cette revue détaille les différents critères échocardiographiques de fonction VD pertinents avec notamment l’intérêt du strain de la paroi libre du ventricule droit et du 3D. Il souligne l’intérêt de l’IRM dans la mise en évidence d’une participation ventriculaire gauche éventuelle, avec une bonne valeur prédictive négative et fournit une évaluation structurelle reproductible du ventricule droit. Dans cette revue, la signification pronostique d’une imagerie multimodale est mise en avant incluant la valeur supplémentaire du scanner et de l’imagerie nucléaire dans le diagnostic de cette dysplasie arythmogène du ventricule droit.
L’amylose cardiaque : quel effet du tafamidis sur le strain myocardique ?
Ce papier de Rettl(4) s’intéresse à l’effet du tafamidis sur la fonction contractile longitudinale du ventricule gauche et de l’oreillette gauche des patients atteints d’amylose cardiaque à transthyrétine (ATTR-CM). Dans cette étude monocentrique chez 138 patients ATTR-CM, le tafamidis retarde la détérioration de la fonction contractile longitudinale du ventricule gauche et de l’oreillette gauche à 10,5 mois évaluée par le strain global longitudinal du VG et le strain réservoir de l’OG (figure 1). Cette stabilisation du strain est associée à un bénéfice clinique significatif évalué sur le test de marche de 6 minutes comparé aux patients naïfs de traitement. Ce travail souligne l’intérêt de « monitorer le strain » des patients atteints d’amylose cardiaque à transthyrétine sous traitement par tafamidis.
Sélection des patients pour une resynchronisation cardiaque : encore une place pour l’échographie cardiaque ?
La sélection précise des patients candidats à la resynchronisation cardiaque améliore grandement le nombre de répondeurs. Des progrès ont été faits notamment dans l’évaluation de la désynchronisation électrique utilisant l’aire du QRS. Concernant la désynchronisation mécanique, plusieurs paramètres ont été évalués, mais aucun ne fait actuellement partie des recommandations. L’étude de l’étirement « stretch » qui suit le rebond systolique du septum (SRSsept) serait un marqueur de désynchronisation mécanique. Une étude prospective regroupant six centres a étudié 240 patients bénéficiant de resynchronisation cardiaque. La combinaison d’un SRSsept ≥ 2,5 % et l’aire du QRS ≥ 120 μV seconde est associée à une augmentation du remodelage inverse (défini par une diminution de plus de 15 % du volume télésystolique du ventricule gauche indexé) comparée au seul critère électrique (figure 2). Effectivement 92 % des patients porteurs d’un bloc de branche gauche qui présentaient à la fois une désynchronisation mécanique et électrique selon ces critères, présentaient une réponse volumétrique soutenue à 12 mois de suivi contre seulement 51 % des patients avec une désynchronisation électrique isolée(5).
Intérêt de l’échographie cardiaque en cardio-oncologie
Les recommandations en cardiooncologie(6) publiées récemment soulignent l’intérêt majeur de l’échographie cardiaque transthoracique à tous les stades de la prise en charge d’un patient atteint de cancer. L’évaluation notamment de la fonction ventriculaire gauche avant tout traitement est fondamentale et doit faire intervenir les modalités 3D et strain global longitudinal (indication de classe I). L’IRM cardiaque sera programmée en 2e intention si l’échographie cardia que transthoracique n’assure pas le diagnostic (indication de classe IIa). La scintigraphie myocardique quant à elle n’arrive qu’en 3e intention (indication de classe IIB) lorsque les deux examens précédents ne sont pas disponibles. Les protocoles de suivi en échographie cardiaque devront être adaptés en fonction du type de cancer et du traitement engagé afin de détecter les complications cardiovasculaires éventuelles (comme la dysfonction ventriculaire gauche, les myocardites, les atteintes valvulaires, les masses intracardiaques, la toxicité vasculaire, l’athérosclérose…).
Une revue complète sur l’imagerie multimodale en cardio-oncologie a également été publiée en 2022 et permet de faire un point sur l’apport de toutes les techniques d’imagerie à notre disposition(7).
Bicuspidie et racine aortique : quelles difficultés de mesure ?
La bicuspidie aortique est associée à une asymétrie de la racine aortique, ce qui induit une difficulté de mesure de son diamètre. L’asymétrie de la racine aortique et son orientation dans le thorax dépendent du phénotype de la bicuspidie aortique. Le plus grand diamètre de la racine est perpendiculaire à l’orientation de l’ouverture valvulaire. Par conséquent, dans la bicuspidie L/R, le plus grand diamètre est parfaitement aligné avec le faisceau ultrasonore et permet une évaluation correcte du diamètre de la racine aortique. En revanche, dans la bicuspidie N/R, le diamètre maximal de la racine aortique est perpendiculaire au faisceau ultrasonore et est sous-estimé par l’échographie cardiaque transthoracique en parasternal grand axe(8) (figure 3). La reconstruction multiplanaire en échographie peut être un outil intéressant dans l’évaluation de ces paramètres.
Les techniques percutanées : rôle croissant de l’imagerie… ?
L’échographie interventionnelle : un nouveau métier ?
La revue d’Agricola(9) propose un état de l’art du guidage échocardiographique pour les techniques percutanées structurelles. Elle souligne le rôle fondamental de l’échographie dans la prise de décision de ces techniques, la stratégie thérapeutique, le guidage per-procédure et le suivi post-procédure. L’échographie intervient effectivement dans sa forme transœsophagienne pour la ponction transseptale, la fermeture de l’auricule gauche, toutes les techniques percutanées de traitement de la valve mitrale (MitraClip, annuloplastie, remplacement valvulaire mitral percutané…), de traitement percutané de la valve tricuspide (TriClip, autres techniques de plastie et remplacement valvulaire tricuspide), de fermeture percutanée de fuite périprothétique, de fermeture de FOP, de CIA…
L’essor de toutes ces techniques de traitement percutané a été favorisé ces dernières années par le développement de nouvelles prothèses, et de nouvelles techniques d’imagerie de plus en plus performantes avec de nouveaux logiciels de quantification notamment. Une formation spécifique de l’échographiste à ces techniques ainsi que la prise en compte du risque d’irradiation de ce nouvel acteur sont un important challenge pour les prochaines années ! Un nouveau métier est en marche… Celui d’échographiste interventionnel !
La régurgitation tricuspide : une meilleure connaissance de la « valve oubliée »…
Une revue récente publiée par Rebecca Hahn(10) précise les avancées dans la compréhension de la pathophysiologie, de la sévérité, de la quantification de la fuite tricuspide (figure 4).
Une nouvelle classification des régurgitations tricuspides répertorie outre la fuite tricuspide primaire, la fuite tricuspide secondaire avec distinction en fuite tricuspide atriale et fuite tricuspide ventriculaire et un 3e type correspondant aux fuites tricuspides induites par les sondes de pacemaker ou de défibrillateur (à la fois organique et fonctionnelle). Une nouvelle nomenclature fait état de la diversité de l’anatomie valvulaire tricuspide avec notamment la fréquence du type IIIB comportant un dédoublement du feuillet postérieur P1 P2 en plus du feuillet septal et du feuillet antérieur. La caractérisation anatomique valvulaire tricuspide est fondamentale pour évaluer la faisabilité d’un geste de plastie tricuspide percutanée et pour définir la stratégie thérapeutique.
Une nouvelle méthode de quantification a également été décrite par la même équipe. Elle comporte maintenant six grades de sévérité (figure 5).
La fuite tricuspide est considérée comme sévère au-delà de 40 mm2 de SOR, 45 ml de volume régurgité, 7 mm de vena contracta massive pour un SOR > 60 mm2, un VR > 60 ml et une vena contracta > 14 mm et torrentielle pour un SOR > 80 mm2, un VR > 75 ml et une vena contracta > 21 mm. L’efficacité des techniques percutanées est basée sur la perte d’un grade de sévérité définie par cette nouvelle classification.
Cette revue valorise également le rôle de l’imagerie multimodale dans la quantification de la fuite tricuspide comportant échocardiographie, IRM, scanner. Ces différents examens permettent également l’évaluation de la morphologie et de la fonction du ventricule droit.
Cette mise au point complète permet d’optimiser la prise en charge de nos patients porteurs d’une fuite tricuspide et bénéficiant d’un geste percutané actuellement en pleine expansion et en cours de validation chez les patients contre-indiqués à la chirurgie.
Couplage ventriculo-artériel pulmonaire dans les techniques percutanées : facteur pronostique ?
L’étude du couplage ventriculoartériel pulmonaire correspond à la réponse contractile du ventricule droit à des variations de la postcharge. L’étude de ce couplage ventriculo-artériel de 444 patients participant au registre Trivalve (patients bénéficiant de techniques de plastie ou remplacement valvulaire tricuspide percutanées) a été réalisée en échographie en divisant le TAPSE par la PAPs avant la procédure et 30 jours après le geste(11). Le critère primaire de l’étude était la mortalité toutes causes à un an de suivi. Les patients qui présentaient avant la procédure un rapport TAPSE/ PAPs > 0,406 avaient une diminution du critère primaire par rapport à ceux dont le rapport était bas. Le couplage ventriculo-artériel pulmonaire est donc un puissant facteur pronostique indépendant de mortalité toutes causes chez les patients porteurs d’une fuite tricuspide et bénéficiant d’une technique percutanée. Il peut être un élément déterminant dans la sélection et dans l’évaluation du pronostic des patients devant bénéficier d’un traitement percutané tricuspide.
Le rôle pronostique d’une altération du couplage ventriculoartériel pulmonaire a également été démontré chez les patients porteurs d’une sténose aortique sévère symptomatique à faible risque et bénéficiant d’un remplacement valvulaire aortique soit percutané, soit chirurgical (PARTNER 3 Trial). Un rapport TAPSE/PAPs ≤ à 0,55 était associé à de mauvais résultats cliniques à deux ans, incluant mortalité toutes causes, mortalité cardiovasculaire et réhospitalisations(12).
TAVI et HALT ?
L’étude en scanner des TAVI a permis de mettre en évidence des HALT (Hypoattenuating Leaflet Thickening). Ces HALT ont été associés aux risques d’AVC, d’AIT, de thrombose valvulaire, de réduction de la durabilité de la prothèse à long terme. Une étude prospective réalisée chez 565 patients, publiée dans Circulation, évalue les HALT à 30 jours après la mise en place du TAVI(13). Un déploiement non uniforme de la prothèse induit une déformation, une asymétrie valvulaire et des néo-sinus de petit volume qui favorisent l’apparition de HALT (figure 6). Les HALT sont présents chez 20 % des patients bénéficiant d’un TAVI, quels que soient la taille ou le type de prothèse (ballon expansible SAPIEN 3 ou auto-expansible EVOLUT). Bien que ces HALT ne soient pas associés à des changements hémodynamiques de la prothèse, leur présence augmente le risque de mortalité à un an.
Le présent et l’avenir en imagerie cardiaque ?
L’intelligence artificielle (voire le Machine Learning ou le Deep Learning) fait maintenant partie intégrante de notre pratique en imagerie cardiaque. Elle peut intervenir à différents niveaux dans l’évaluation échographique : l’acquisition ou l’interprétation des images (par exemple la fraction d’éjection ventriculaire gauche automatique, le strain automatique), l’interprétation des mesures, le diagnostic, le pronostic. L’intelligence artificielle en automatisant les mesures, permet de standardiser les analyses et de réduire la variabilité. Elle peut être particulièrement utile dans le suivi des patients en cardiooncologie. Elle permet de classer des populations de patients à partir d’un algorithme prédéfini comme cela a été réalisé dans le travail de Kobayashi publié dans le JACC. Celui-ci utilise un algorithme e’VM (respectivement fonction diastolique, volume et masse ventriculaire gauche[14]). Trois phénotypes de patient sont ainsi définis en échocardiographie parmi des patients asymptomatiques : phénotype normal, changement diastolique, changement diastolique avec remodelage structurel. Ces trois populations présentent des différences significatives à la fois sur des biomarqueurs circulants et sur les événements cliniques (risque d’insuffisance cardiaque et/ou de décès cardiovasculaires à huit ans). L’existence d’une dysfonction diastolique et d’un remodelage structurel multiplie par cinq ce risque par rapport aux patients dits normaux. Ces résultats portent un nouvel éclairage sur notre compréhension de la dysfonction cardiaque asymptomatique et pourraient avoir des implications cliniques importantes dans la conception de stratégies de prévention de l’insuffisance cardiaque à grande échelle.
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