Études-Consensus-Recommandations
Publié le 15 mai 2023Lecture 6 min
Best of des études 2022 ayant un impact sur la prise en charge des patients en USIC
Étienne PUYMIRAT, département de cardiologie, Hôpital européen Georges-Pompidou, Paris
L’année 2022 a été particulièrement riche en études s’intéressant aux patients hospitalisés en unité de soins intensifs. Voici les principales pouvant influencer la prise en charge de ces patients dans deux thématiques (insuffisance cardiaque aiguë et infarctus du myocarde).
Insuffisance cardiaque aiguë
La prise en charge de l’insuffisance cardiaque aiguë n’a pas beaucoup évolué au cours des dernières années. Les dernières recommandations de la Société européenne de cardiologie (ESC) ont simplement : encouragé l’utilisation de l’association diurétique de l’anse – diurétique thiazidique en cas de congestion réfractaire (niveau de recommandation IIB –> IIA) ; et réduit la place des traitements vasodilatateurs intraveineux (niveau de recommandation IIA –> IIB)(1).
Plusieurs essais suggèrent toutefois la place de nouvelles stratégies ou thérapeutiques.
ADVOR
ADVOR est un essai clinique qui a évalué la place de l’acétazolamide (Diamox®) dans la prise en charge de l’insuffisance cardiaque aiguë(2). L’acétazolamide est inhibiteur de l’anhydrase carbonique qui a un effet diurétique synergique des autres molécules de cette classe (en augmentant l’élimination de l’eau et des bicarbonates) et qui diminue la pression intracérébrale et intraoculaire. Dans cet essai, 519 patients hospitalisés pour une insuffisance cardiaque aiguë (et sous diurétiques per os depuis au moins un mois) ont été randomisés : acétazolamide versus placebo. L’âge moyen était de 78 ans (avec 68 % d’hommes) ; la FEVG moyenne était de 43 % et le NT-proBNP médian de 6 173 pg/mL à l’admission.
Les résultats montrent une diminution des signes congestifs après 3 jours de traitement avec l’acétazolamide (évalué avec un score de congestion), ainsi qu’une diminution de la durée d’hospitalisation (8,8 vs 9,9 jours) (figure 1). Pas de différence observée sur la survenue des événements CV majeurs (décès toutes causes et/ou réhospitalisations pour insuffisance cardiaque à 3 mois : 27,8 % vs 29,7 %) et pas de différence non plus sur la survenue d’effets indésirables graves (avec toutefois un peu plus de dialyse, d’hypotension artérielle et d’hypokaliémie chez les patients traités avec l’acétazolamide).
Cet essai montre donc que l’acétazolamide en association avec les diurétiques de l’anse permet de réduire les signes congestifs à 3 jours sans effets indésirables majeurs associés. Il s’agit d’une thérapeutique peu onéreuse (pour une fois) qui pourrait trouver sa place chez les patients hospitalisés pour un épisode de décompensation cardiaque ne répondant pas correctement aux diurétiques de l’anse.
STRONG AH
STRONG AH est une étude de stratégie d’optimisation thérapeutique au décours d’une hospitalisation pour insuffisance cardiaque aiguë(3).
Il s’agit d’une étude internationale, randomisée, réalisée en ouvert comparant deux stratégies d’optimisation thérapeutique : titration et optimisation rapide versus prise en charge standard (figure 2).
La moyenne d’âge des patients était de 63 ans (avec 62 % d’hommes et 29 % de diabétiques). La proportion de patients avec une FEVG ≤ 40 % était de 68 %.
Les principaux résultats montrent que les patients randomisés dans le groupe expérimental ont une titration plus rapide et un meilleur suivi des recommandations, mais surtout une réduction à 80 jours des décès toutes causes et/ou des réhospitalisations pour insuffisance cardiaque (15,2 % vs 23,3 %) (figure 3).
Cet essai démontre qu’un programme d’intensification thérapeutique permet de réduire les événements CV majeurs à court terme. La réalisation en pratique reste complexe, mais pourrait être facilitée en France avec les infirmiers en pratique avancée (IPA).
EMPULSE
EMPULSE est un essai ayant évalué l’introduction précoce de l’empagliflozine chez des patients insuffisants cardiaques « stabilisés » (figure 4), définis par 4 critères(4) :
– une pression artérielle systolique ≥ 100 mmHg et l’absence de symptômes d’hypotension au cours des 6 dernières heures avant la randomisation ;
– pas d’augmentation des diurétiques IV au cours des 6 dernières heures avant la randomisation ;
– pas d’utilisation de traitements vasodilatateurs (y compris les dérivés nitrés) au cours des 6 dernières heures avant la randomisation ;
– et, pas d’utilisation d’inotropes au cours des 24 heures avant la randomisation.
Dans cet essai, 530 patients ont été randomisés : empagliflozine versus placebo. L’âge moyen de la population était de 71 ans (avec 65 % d’hommes et 45 % de patients diabétiques). Le NT-proBNP médian était de 3 200 pg/mL et la proportion de patients avec une FEVG ≤ 40 % d’environ 66 %. Dans 1/3 des cas, les patients étaient hospitalisés pour un premier épisode d’insuffisance cardiaque.
Les résultats montrent un bénéfice net évalué à l’aide d’un win ratio (qui consiste a comparé les patients des deux groupes par paires sur des critères préalablement définis avec une analyse hiérarchique) en faveur de l’empagliflozine, et ce quelles que soient la FEVG et l’ancienneté de la cardiopathie (premier épisode d’insuffisance cardiaque aiguë ou nouvelle décompensation) (figure 5). À noter également une réduction du nombre de décès et d’hospitalisations pour insuffisance cardiaque ainsi qu’une amélioration de la qualité de vie chez les patients traités par empagliflozine. Enfin, aucun effet indésirable grave n’a été rapporté dans cette étude en rapport avec une introduction précoce d’empagliflozine. Cet essai montre donc que l’introduction de l’empagliflozine au décours de la prise en charge d’une insuffisance cardiaque aiguë chez des patients stabilisés peut être faite sans risque et permet d’améliorer leur pronostic.
Infarctus du myocarde
EMMY
EMMY trial est un essai ayant évalué l’impact de l’empagliflozine sur la valeur du NT-proBNP et sur des paramètres échocardiographiques du remodelage ventriculaire chez les patients hospitalisés pour un infarctus du myocarde(5). Dans cet essai, 476 patients ont été randomisés dans les 72 heures suivant l’angioplastie coronaire : empagliflozine versus placebo. La moyenne d’âge était de 57 ans (avec 13 % de patients diabétiques). La valeur médiane du NTproBNP à l’admission était de 1 294 pg/mL.
Les résultats montrent une réduction après ajustement du NT-proBNP de 15 % à 26 semaines chez les patients traités par empagliflozine (par rapport au placebo). En outre, il a été observé chez ces patients une augmentation modeste de la FEVG (+1,5 %) ; une diminution du rapport E/e’ (-6,8 %) et des volumes du ventricule gauche en fin de systole (-7,5 mL) et en fin de diastole (-9,7 mL) (figure 6).
Cet essai traduit donc un bénéfice de l’empagliflozine sur la réduction de la valeur du NT-proBNP et sur les paramètres de remodelage ventriculaire à court terme, ce qui permettra d’expliquer (du moins en partie) les résultats des essais de morbi-mortalité en cours (DAPA MI, EMPACT MI).
CTS-AMI
CTS-AMI est un essai chinois ayant évalué l’impact du tongxinluo chez des patients hospitalisés pour un infarctus du myocarde avec sus-décalage ST(6). Le tongxinluo est un « remède chinois » composé d’herbes médicinales et d’insectes ayant comme effet pharmacologique de protéger les cellules endothéliales de l’absence de reflux myocardique et des lésions d’ischémie-reperfusion avec des effets anti-inflammatoires, antioxydants, et antiapoptotiques limitant l’oedème cellulaire myocardique.
Dans cet essai 3 793 patients avec un infarctus avec sus-décalage ST ont été randomisés dans les 24 heures suivant leur prise en charge et chez qui une angioplastie primaire a été réalisée dans 94 % des cas.
Les résultats montrent une réduction des événements CV majeurs à 30 jours (décès d’origine cardiaque, récidive d’infarctus, AVC et/ou revascularisation myocardique) chez les patients traités avec le tongxinluo. En outre, ces résultats perdurent à 1 an et n’ont pas été associés à une augmentation des effets indésirables et notamment des saignements (figure 7).
Cet essai suggère donc un bénéfice CV du tongxinluo sur le pronostic des patients avec un infarctus avec sus- décalage. La reproductibilité de ces résultats dans d’autres populations pose toutefois question.
BRIGHT-4
BRIGHT-4 est un essai ayant évalué la bivalirudine chez des patients pris en charge pour un infarctus du myocarde avec sus-décalage ST avec une angioplastie primaire(7). Il s’agit d’un nouvel essai sur la bivalirudine réalisé dans un environnement « plus moderne » de revascularisation myocardique que les études précédentes qui avaient montré des résultats contradictoires.
Dans cet essai, 6 000 patients avec un infarctus avec sus-décalage ont été randomisés (bivalirudine vs héparine). La moyenne d’âge était de 60,5 ans (avec 78 % d’hommes et 22 % de patients diabétiques). La voie radiale a été utilisée dans 93 % des cas et 66 % des patients ont reçu du ticagrélor (ce qui tranche avec les essais précédents). L’administration de la bivalirudine a été réalisée avec un délai médian de 3 heures.
Les résultats montrent une réduction des décès et des saignements (BARC 3-5) chez les patients traités avec la bivalirudine. En outre, une réduction des décès, des thromboses de stent, des récidives d’infarctus et des événements CV majeurs ont également été rapportés (figure 8).
Cet essai montre donc des résultats très favorables en faveur de la bivalirudine qui reste toutefois une drogue très peu utilisée en France en raison de son coût et de ses conditions d’administration (bolus, variations des vitesses de perfusion…).
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