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Valvulopathies

Publié le 25 mar 2024Lecture 6 min

L’essentiel de 2023 sur les valvulopathies

Erwan DONAL, CHU de Rennes

Dans le domaine des valvulopathies, l’avènement des techniques interventionnelles et les progrès de l’imagerie ont apporté beaucoup encore cette année. Il nous faut mieux diagnostiquer les valvulopathies, mais aussi plus tôt. D’où l’importance de l’imagerie et de la prise en compte des conséquences myocardiques de ces valvulopathies (taille et fonction des cavités cardiaques).
La prise en charge des valvulopathies s’appuie toujours plus sur des équipes pluridisciplinaires à même de proposer le meilleur diagnostic pour définir la meilleure stratégie. Cette stratégie amènera à définir le moment où les thérapeutiques chirurgicales et interventionnelles devront être proposées.

Les insuffisances tricuspides   Elles ne doivent plus être oubliées. Les patients sont sans doute encore proposés à des stades trop avancés de leur maladie. Le registre Trigistry, à propos de 2 413 patients, montre que les patients les plus graves sont ceux qui tirent le moins bénéfice des interventions. N’attendons pas que le Tri-score soit à ≥ 6 pour envisager l’intervention (figure 1)(1) ! Figure 1. Importance des fuites tricuspides : mauvais pronostic, importance de les diagnostiquer pour un traitement plus précoce.   Le registre Trivalve, à propos de 556 patients, laisse espérer un impact du traitement de la fuite tricuspide sur le risque de réhospitalisation et sur le risque de décès(2). La prothèse Evoque en position tricuspide est la première à avoir démontré qu’il était possible de corriger la fuite tricuspide par prothèse percutanée quand la chirurgie ou le clip ne sont pas envisagés. Pour autant, la première étude randomisée Triluminate, est en faveur du traitement par TriClip des fuites tricuspides, mais ceci est, à un an de suivi, surtout grâce à l’impact du traitement sur les symptômes et la qualité de vie(3). Après un an de suivi, Triluminate n’a pas démontré de réduction significative du risque de décès ou d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque. L’impact sur la qualité de vie est cependant très marqué et il est corrélé au degré de réduction de la fuite tricuspide. Le TriClip permet de réduire de massive à torrentielle 87 % des fuites aux grades minime ou moyen après traitement. Il y a encore beaucoup à apprendre au sujet des fuites tricuspides et il faut certainement être très précis dans la caractérisation de ces fuites qui répondent à différents phénotypes. Les fuites ventriculaires liées à un remodelage du ventricule droit, les fuites atriales en lien avec la dilatation de l’oreillette droite ne répondent pas aux mêmes caractéristiques et sans doute pas au même pronostic. Les fuites liées aux sondes franchissant la valve tricuspide ont récemment fait l’objet d’un consensus du « PCR tricuspid focus group » (cardiologues et chirurgiens les plus impliqués dans la prise en charge des fuites tricuspides). Il devient recommandé d’avoir une attention toute particulière, à l’échocardiographie, avant, mais aussi après la pose d’un stimulateur cardiaque (figure 2). Il faut documenter la présence, et éventuellement l’aggravation d’une fuite tricuspide qui par les interactions entre la sonde et les feuillets de la valve risque de s’aggraver. Jusqu’à 30 % de fuite tricuspide significative ont été rapportées chez les patients ayant un stimulateur cardiaque(4). Figure 2. Exemple d’une fuite tricuspide associée à une sonde : importance de l’imagerie.   Les insuffisances mitrales   D’abord, un consensus a été publié en 2023 sur les caractéristiques et les modalités de prise en charge des patient(e)s ayant un prolapsus mitral avec une disjonction annulaire marquée, des extrasystoles ventriculaires et un électrocardiogramme mettant en évidence des ondes T négatives en inféro-latéral(5). Ces prolapsus, plus fréquents chez la femme jeune, sont à risque de mort subite. Cet événement rythmique est heureusement très rare, mais une démarche diagnostique rigoureuse peut conduire à proposer la pose d’un défibrillateur implantable pour un petit nombre de ces jeunes patient(e)s (figure 3). Figure 3. Exemple de prolapsus mitral avec disjonction annulaire.   Concernant le traitement des fuites mitrales primaire ou secondaire, après plus d’une décade d’expérience, le traitement par clip est désormais éprouvé. Le COAPT-registry montre qu’aux USA, à propos de 5 000 patients, le traitement de l’insuffisance mitrale secondaire est efficace dans 97,7 % des cas et fait intéressant, le risque d’événement dans l’année qui suit l’intervention est deux fois inférieur à ce qu’il était dans Mitra.fr et COAPT(6). Lorsque les patients sont analysés selon les critères de ces deux études, là où dans Mitra.fr 48,7 % des patients étaient hospitalisés pour insuffisance cardiaque à un an, ce ne sont plus que 28,7 % en 2023. Pour les patients répondant aux critères COAPT, ce n’est plus que 19 %. Les progrès dans l’usage du clip et dans l’utilisation des autres traitements laissent donc penser que le pronostic des patients ayant une fuite mitrale secondaire est désormais bien meilleur. Pour ce qui concerne les anatomies mitrales complexes, le traitement par clip était initialement contre-indiqué. Récemment, pour des patients inaccessibles à quelque autre traitement, des résultats très satisfaisants pour 92,4 % des patients ont été rapportés.   Les insuffisances aortiques   En 2021, la classification des bicuspidies valvulaires aortiques a évolué (figure 4). En 2023, les connaissances sur l’histoire naturelle de la bicuspidie ont été actualisées. La probabilité d’avoir un événement lié à la bicuspidie avant l’âge de 90 % est très forte(7). À côté de la fuite aortique sévère, de la sténose aortique, la complication la plus fréquente n’est pas en lien avec l’anévrisme de l’aorte ascendante. La complication à redouter, et peut-être encore insuffisamment prévenue, est l’endocardite infectieuse. Figure 4. Classification des bicuspidies.   Indépendamment de la bicuspidie, la fuite aortique est une pathologie encore trop mal diagnostiquée et trop tardivement déférée pour une correction de la valvulopathie. Pensons à indexer à la surface corporelle les diamètres télésystoliques ! En IRM, il est retrouvé que les seuils d’intervention devraient être : une fraction de régurgitation ≥ 43 %, un volume régurgitant ≥ 47 mL ; un volume télésystolique du ventricule gauche indexé ≥ 43 mL/m2 ou un diamètre indexé télésystolique de 20 mm/m2. Chez la femme et en particulier après 60 ans, ce pourrait être 27 mL/m2. Il est en tout cas très important de savoir que le remodelage du ventricule gauche est moins marqué chez le sujet de plus de 60 ans et ce d’autant plus chez la femme. Il faut donc sans doute référer plus tôt les fuites aortiques pour, au besoin opérer plus tôt. Le traitement percutané n’est pas encore proposé en « routine », mais des prothèses dédiées arrivent et pourraient modifier nos stratégies actuelles(8).   Les rétrécissements aortiques   Là encore, nous référons sans doute trop tard les patients ayant une sténose aortique. Le travail de Genereux et coll. sur les conséquences myocardiques associées au rétrécissement aortique montre qu’au-delà de l’hypertrophie ventriculaire, quand le patient a des conséquences atriales gauches (dilatation, fibrillation atriale) et qui plus est, sur le cœur droit (hypertension artérielle pulmonaire ou fuite tricuspide), le pronostic post-traitement percutané de la sténose est impacté. Dans les études PARTNER, 51,4 % des patients ont été traités du rétrécissement aortique alors qu’ils étaient en stade 2 (retentissement sur l’oreillette gauche ou la valve mitrale) ; 20,9 % l’ont été au stade 3 (hypertension pulmonaire ≥ 60 mmHg ou fuite tricuspide) ; 7,1 % au stade 4 (dysfonction ventriculaire droite). Après un an de suivi, 57,9 % des patients n’ont pas de remodelage inverse et 26,5 % ont même un remodelage défavorable qui s’accentue(9). Cette absence de remodelage inverse est corrélée à la qualité de vie des patients. Nous aurons donc tout intérêt à opérer les patients au stade 0 ou au plus tard 1 quand seul le ventricule gauche est impacté par la sténose aortique pour améliorer le pronostic fonctionnel de nos patients après correction de la sténose aortique. PARTNER-3 a été publié, et cette étude comparant chirurgie et TAVI chez des patients à bas risque et suivis 5 ans ne montre pas de supériorité des deux approches de remplacement de la valve aortique(10). Nous attendons les résultats des essais testant le traitement plus précoce des sténoses aortiques. Celui-ci pourra peut-être être proposé à des patients ayant des cardiopathies associées. Pour partager au sujet des valvulopathies, rejoignez la communauté et son actualité : https://www.sfcardio.fr/-valvulopathies   EN PRATIQUE   Ne pas attendre et référer les patients moins tardivement pour planifier l’intervention. La fuite tricuspide : important retentissement fonctionnel et pronostique : ne pas attendre, car cela altère le bénéfice des traitements interventionnels. Importance de l’imagerie et de la quantification de la valvulopathie, mais au-delà des conséquences myocardiques de celle-là. Attention à l’endocardite ! En particulier dans la bicuspidie valvulaire aortique.  Attention à bien caractériser (look at the valve!) le phénotype de la valvulopathie, qu’elle soit mitrale, tricuspide ou aortique !

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