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Coronaires

Publié le 17 sep 2024Lecture 9 min

Le réducteur du sinus coronaire (REDUCER), un dispositif innovant : principes et intérêts cliniques

Paul GUIRAUD-CHAUMEIL*, Clément SERVOZ**, *Interne des Hôpitaux de Paris, service de cardiologie, hôpital Lariboisière, APHP, **Praticien Hospitalier (PH), service de cardiologie, hôpital Rangueil, CHU de Toulouse

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Introduction et définitions   L’angor, ou angine de poitrine est une affection courante secondaire à une inadéquation entre les apports et les besoins en oxygène du myocarde. La douleur est préférentiellement localisée au niveau thoracique avec une irradiation possible dans les bras et la mâchoire. Il est important de noter que la symptomatologie est fréquemment atypique avec par exemple des manifestations à type de dyspnée ou asthénie d’effort. Le traitement de l’angor repose sur une association de traitements médicamenteux et d’une revascularisation coronaire, par angioplastie ou pontages aorto-coronaires. Bien que de nombreuses avancées aient été réalisées dans les différents traitements, certains patients présentent une forme résistante d’angor connue sous le nom d’angor réfractaire. Selon les recommandations 2019 de la Société européenne de cardiologie (ESC) : « L’angor réfractaire fait référence à des symptômes de longue durée (plus de 3 mois) dus à une ischémie réversible établie en présence d’une coronaropathie obstructive, qui ne peut pas être contrôlée par une thérapie médicale accrue utilisant des agents pharmacologiques de deuxième et troisième lignes, un pontage aorto-coronaire, ou l’implantation d’un ou plusieurs stents, y compris une intervention coronarienne percutanée sur une occlusion coronaire totale chronique (CTO) »(1). Pour ces patients présentant un angor réfractaire, un dispositif appelé le réducteur du sinus coronaire est maintenant disponible. Il s’inspire d’une technique chirurgicale de réduction du sinus coronaire inventée par le Pr Schaeffer Beck (1894-1971) dans les années 1950. Il avait été montré à l’époque chez l’animal puis chez l’homme qu’une ligature partielle du sinus coronaire permettait l’amélioration de la perfusion myocardique et l’amélioration des symptômes angineux. Parla suite, cette technique chirurgicale a été supplantée par l’avènement des pontages coronaires. C’est en s’inspirant de cette chirurgie que le réducteur du sinus coronaire, également appelé Reducer, a été développé. Il crée une sténose au sein du sinus coronaire obstruant partiellement le flux sanguin. Les premières implantations chez l’homme datent de 2007 et le Reducer a depuis émergé comme une solution innovante pour le traitement des patients souffrant d’angor réfractaire. Cet article a pour but de présenter une vue d’ensemble du réducteur du sinus coronaire, en explorant : son mécanisme d’action, les aspects techniques de la procédure, les données cliniques actuelles de son efficacité, les considérations relatives à la sélection des patients, et enfin, les perspectives.   Principe physiopathologique et mécanisme d’action   Le principe du dispositif consiste en une redistribution du flux artériel coronaire, des zones perfusées, vers les zones les moins perfusées du myocarde chez les patients présentant une ischémie myocardique, conséquence de la maladie athéromateuse obstructive (figure 1)(1,2). Figure 1. Mécanisme d’action du réducteur de sinus coronaire. Du fait de l’obstruction épicardique, le débit sanguin parvenant aux capillaires en aval des lésions épicardiques est réduit. L’augmentation de la pression veineuse entraîne une redistribution du flux vers ces zones moins perfusées (Extrait de : Ielasi A et al. Coronary Sinus Reducer System™: a new therapeutic option in refractory angina patients unsuitable for revascularization. Int J Cardiol 2016 ; 209 : 122-30)(2).   Après l’implantation du Reducer, la lésion endothéliale qu’il engendre va contribuer à son endothélialisation (1 à 3 mois). Le Reducer crée alors un obstacle responsable d’une augmentation de pression dans le système veineux qui se répercute sur les capillaires coronaires en diminuant les résistances microvasculaires(2). Cette augmentation de pression entraîne une redistribution du flux sanguin depuis les territoires sous-épicardiques, superficiels, les moins ischémiques vers les territoires sous-endocardiques les plus ischémiques. Certaines études ont rapporté une amélioration de la fonction systolique(3) et de la fonction diastolique(4) ventriculaire gauche ce qui pourrait expliquer une partie du bénéfice clinique. Après implantation, l’amélioration des symptômes sera maximale au bout de plusieurs semaines à plusieurs mois, le temps nécessaire pour avoir une endothélialisation complète du maillage en forme de sablier, phénomène indispensable à son efficacité.   Aspects procéduraux   Le réducteur du sinus coronaire (figure 2) est mis en place au cours d’une procédure percutanée, sous anesthésie locale, en prenant comme voie d’abord préférentielle la veine jugulaire interne droite. La procédure nécessite 2 opérateurs et un abord cutané 9 French. Figure 2. Endoprothèse de réduction du sinus coronaire et trajet veineux emprunté lors de la procédure de mise en place (Extrait de : Verheye S et al. N Engl J Med 2015 ; 372(6) : 519-27)(5). Le système complet pour le dispositif de réduction du sinus coronaire comprend un stent métallique serti sur un ballon en forme de sablier. L'implantation du dispositif dans le sinus coronaire entraîne une perturbation locale du flux et une réaction vasculaire qui conduisent à une réponse hyperplasique de la paroi vasculaire. Cela aboutit à l'occlusion des mailles métalliques qui génère l'apparition d’un gradient de pression conduisant à la redistribution du flux sanguin de l’épicarde vers l’endocarde ischémique.   La figure 3 détaille les principales étapes de la procédure. Une sonde est utilisée pour cathétériser le sinus coronaire, puis une angiographie est réalisée afin d’apprécier la taille du sinus coronaire qui conditionnera celle donnée à la prothèse par l’inflation du ballon (A) et la zone d’implantation. L’emplacement idéal se situe entre 2 à 4 cm en aval de l’ostium du sinus coronaire. Un guide est ensuite positionné en distalité du sinus coronaire (B) afin d’acheminer la prothèse qui est montée sur un ballon. Figure 3. Images angiographiques d’une procédure de mise en place de réducteur du sinus coronaire (Extrait de : Giannini F et al. EuroIntervention 2020 ; 15(14) : 1269-77)(6). A. Angiographie veineuse en vue antérieure gauche (30°) avec le cathéter en position distale dans le sinus coronaire. B. Le guide J 0,035 est avancé distalement au fond du sinus coronaire. C. Avancement du système du Reducer avec le dispositif dépassant de quelques millimètres du cathéter-guide. D. Le réducteur est déployé en gonflant le ballon à une pression de 4 à 6 ATM. E. Le cathéter est retiré grâce au support simultané du cathéter-guide 9 F. F. Angiographie finale pour confirmer la position correcte du dispositif et exclure toute complication éventuelle.   La prothèse est ensuite mise en place en retirant la gaine et en inflatant le ballon sur lequel elle est sertie (D). Afin d’épouser au mieux la forme du sinus coronaire, le diamètre proximal du Reducer est plus important que le diamètre distal. La taille finale de l’endoprothèse varie en fonction de la pression administrée lors de l’inflation du ballon. Une angiographie finale est réalisée afin de contrôler le bon positionnement de la prothèse (F). L’intervention dure environ de 30 à 60 minutes et la quantité d’iode injectée est en moyenne de 10 à 30 ml(6). Bien que rares (< 2 %)(6), certaines complications peuvent survenir, telles que la migration ou la thrombose de la prothèse ou encore la dissection ou la perforation du sinus coronaire. De façon empirique et selon les pratiques des centres experts, les patients seront mis sous double anti-agrégation plaquettaire par aspirine et clopidogrel avant l’intervention et pour une durée de 6 mois(6,7), et un bolus d’anticoagulant est réalisé au moment de la procédure.   Données et résultats des essais cliniques   Plusieurs études ont évalué la faisabilité, la sécurité et enfin l’efficacité de ce dispositif de réduction du sinus coronaire. Les premières implantations chez l’Homme datent de 2007 et celles-ci ont permis de confirmer la faisabilité et la sécurité de l’implantation du dispositif(8). L’étude COSIRA(5) (figure 4) publiée en 2015 dans le New England Journal of Medicine, était une étude de phase II, internationale, contrôlée et randomisée, réalisée en double aveugle avec une procédure factice dans le groupe contrôle, qui a inclus 104 patients, avec un suivi à 6 mois. Figure 4. Amélioration des symptômes observée dans l’étude COSIRA(5) (Extrait de Verheye S et al. Efficacy of a device to narrow the coronary sinus in refractory angina. N Engl J Med 2015 ; 372(6) : 519-27)(5).   Cette étude a observé une amélioration d’au moins une classe de symptôme CCS chez 71 % des patients du groupe traitement contre 42 % dans le groupe contrôle (p = 0,003) (figure 4). Les résultats ne mettaient pas de différence entre les deux groupes concernant les critères de sécurité. L’étude REDUCER-I(9), toujours en cours, est une étude observationnelle, multicentrique, avec collecte prospective et rétrospective des données. Un rapport intermédiaire portant sur 260 patients rapporte un taux du succès technique à 99 %, et une amélioration d’au moins 1 classe d’angor pour 82 % des patients. Une méta-analyse récente a étudié les résultats de 9 essais conduits entre 2007 et 2020, avec 846 patients au total. Il a été mis en évidence que 76 % des patients ont bénéficié d’une amélioration de leurs symptômes, correspondant au gain d’au moins 1 classe d’angor selon la classification CCS, et 40 % d’au moins 2 classes CCS. Le taux de réussite technique de la procédure était de 98 %. Certains patients répondent cependant moins bien à l’implantation du réducteur du sinus coronaire. Dans l’essai randomisé et contrôlé COSIRA(5), il apparaît que 70 à 80 % des patients atteints d’angor réfractaire ressentent une amélioration des symptômes après l’intervention. Plusieurs facteurs, liés à la sélection du patient, à l’anatomie du sinus et des coronaires et physiopathologie, pourraient expliquer le taux de non-réponse de 20 à 30 %. Ces facteurs seraient : l’angine de poitrine due à une ischémie provenant du territoire de l’artère coronaire droite, un essoufflement à l’effort secondaire à une insuffisance cardiaque et non à une ischémie, un drainage veineux alternatif bien développé par le myocarde dans le ventricule droit ou enfin, des douleurs thoraciques non angineuses(10).   Indications actuelles et perspectives   À la lumière des résultats des études cliniques, le réducteur du sinus coronaire a obtenu le remboursement transitoire auprès de la Haute Autorité de santé (HAS) depuis novembre 2021. Les patients doivent présenter les critères d’éligibilité suivants : être symptomatique d’un angor classe III ou IV (CCS), malgré un traitement médical bien conduit, chez des patients contre-indiqués ou à haut risque de revascularisation par pontage aortocoronaire ou par angioplastie, avoir une preuve d’ischémie (IRM, ETT, scintigraphie) et une FEVG > 30 %. Le registre France Reducer conduit par la Société française de cardiologie (SFC) permettra d’obtenir des données importantes en vue d’une demande de remboursement définitif. La mise en place d’un réducteur du sinus coronaire dans l’angor réfractaire bénéficie d’une indication de rang IIb-B, dans les recommandations de la Société européenne de cardiologie de 2019(1). La figure 5 rappelle les effets physiologiques induits par la prothèse ainsi que les indications dans lesquelles elle a été validée, ou est en cours d’évaluation. Figure 5. Réducteur du sinus coronaire : mécanisme d’actions et indications (Extrait de : Dimitriadis K et al. Cardiovasc Revasc Med 2023)(7). L’indication est validée dans l’angor réfractaire, en cours d’étude pour a maladie microvasculaire, et pourrait constituer une piste intéressante dans la prise en charge des symptômes des patients insuffisants cardiaques.   Le dispositif est également à l’essai pour une utilisation clinique dans la dysfonction microvasculaire, avec plusieurs études en cours. Par son mode d’action et à la lumière des premiers résultats, le Reducer pourrait s’avérer efficace dans cette indication. Dans l’insuffisance cardiaque à FEVG réduite (HFrEF) ainsi qu’à FEVG préservée (HFpEF) les données sur l’efficacité du Reducer restent très limitées. Certaines publications à partir de cas rapportés ont émis l’hypothèse d’une efficacité, mais des études à plus grande échelle seront nécessaires afin d’évaluer l’efficacité du dispositif dans cette indication.   EN PRATIQUE   Le réducteur du sinus coronaire est un nouvel outil thérapeutique, validé et actuellement remboursé dans la prise en charge des patients présentant un angor réfractaire. Le dispositif a montré de bons résultats en termes de sécurité et d’efficacité. Le mode d’action du Reducer en fait une thérapeutique prometteuse dans la prise en charge de l’angor microvasculaire dans laquelle il est en cours d’évaluation.

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