Publié le 25 sep 2024Lecture 8 min
Le foramen ovale perméable
Benjamin SCHURR, Docteur junior d’imagerie cardiovasculaire, département de cardiologie, Hôpital européen Georges-Pompidou, Paris
Le foramen ovale perméable (FOP) est une particularité congénitale retrouvée chez 25 % de la population adulte. Il est généralement considéré comme une affection bénigne résultant du défaut d’accolement des membranes du septum primum et secundum à la naissance. Ce shunt, naturellement présent durant la vie intra-utérine, disparaît habituellement lors des premiers jours de vie à la suite de l’inversion des régimes de pression OD-OG liée à l’établissement de la circulation pulmonaire.
Cette inversion de pression permet l’accolement des membranes et donc la fermeture du FOP.
Le foramen ovale perméable est à différencier d’une communication inter-atriale (CIA) consistant en un défect de la cloison inter-atriale responsable d’un shunt permanent gauche-droite. Un shunt au Doppler couleur signe généralement la présence d’une CIA et non d’un FOP, hormis en cas de FOP forcé spontanément ouvert.
Le FOP suscite un intérêt particulier en raison de son association avec les AVC, les embolies paradoxales, les syndromes de platypnée-orthodéoxie, les migraines avec aura et les accidents de décompression.
Chez qui rechercher un FOP ?
Il doit être recherché en échocardiographie en cas d’accident vasculaire cérébral chez l’adulte jeune (AVC/AIT).
Le bilan minimal des infarctus cérébraux du sujet jeune comprend ainsi la réalisation :
– d’une IRM cérébrale (DWI, FLAIR, T2*) ;
– d’un bilan artériel extra- et intracrânien :
• écho-Doppler des TSA et transcrânien,
• angiographie par résonance magnétique des troncs supraaortiques et du polygone de Willis ou angioscanner des troncs supraaortiques avec exploration extraet intracrânienne ;
– explorations biologiques : numération formule sanguine, numération plaquettaire, glycémie à jeun, bilan hydro- électrolytique, CRP, bilan lipidique, clairance de la créatinine, recherche de protéinurie à la bandelette urinaire, TP, TCA, fibrinogène, troponine, ASAT, ALAT, gamma GT ;
– bilan cardiologique :
• ETT avec contraste,
• ETO avec contraste,
• ECG,
• télémétrie à la phase aiguë,
• holter-ECG : recherche d’un trouble du rythme emboligène,
• un holter implantable est également recommandé dès 55 ans si facteurs de risque de fibrillation atriale (HTA, diabète, cardiopathie sous-jacente, obésité, pathologie pulmonaire ou thyroïdienne).
La recherche du FOP est également justifiée en cas de syndrome de platypnée-orthodéoxie. Il peut aussi être recherché en cas d’accident de décompression chez le plongeur.
Comment faire le diagnostic ?
Son diagnostic repose sur l’échocardiographie transthoracique (ETT) et/ou transœsophagienne (ETO). Il repose sur la mise en évidence d’un shunt droite-gauche après injection intraveineuse de microbulles (figure 1).
Figure 1. Test aux bulles positif en ETO (incidence bicavale).
Il est indispensable de re chercher préalablement toute contre-indication à l’ETO :
– pathologies œsophagiennes sévères (dont les varices œsophagiennes) ;
– chirurgie œsophagienne récente ;
– pathologie cervicale sévère ;
– trouble majeur de l’hémostase ;
– antécédent d’irradiation médiastinale ;
– instabilité hémodynamique ou respiratoire ;
– dysphagie non explorée ;
– troubles de la conscience ;
– encombrement bronchique.
Étapes
Utilisation d’une voie veineuse de gros calibre à l’avant-bras (voie ulnaire droite généralement).
Réalisation du contraste par mélange de 9 mL de sérum physiologique (ou substance colloïde) et de 1 mL d’air au moyen d’un dispositif comprenant 2 robinets à 3 voies branchées directement sur le cathlon.
Le passage des bulles doit être recherché au repos (en respiration spontanée) et après manœuvre de Valsalva, en ETT et en ETO.
La manœuvre de Valsalva doit être expliquée au patient avant l’injection du produit de contraste. Le patient doit effectuer un effort de poussée de 5 secondes, glotte fermée. Lorsque l’OD est collabée, et que la courbure septale est inversée, le produit de contraste est injecté. On demande ensuite au patient de relâcher subitement l’effort de pression à l’arrivée du produit de contraste dans l’OD.
Cette manœuvre permet de sensibiliser le diagnostic en augmentant la pression dans les cavités cardiaques droites, favorisant ainsi le passage des microbulles d’air de l’OD vers l’OG.
L’incidence échographique optimale doit être celle permettant de visualiser au mieux la fosse ovale et les deux oreillettes. En échocardiographie transthoracique (ETT), l’incidence apicale à quatre cavités est généralement privilégiée. En échocardiographie transthoracique (ETO), l’incidence bicavale, entre 100° et 120°, est souvent préférée. L’usage du Xplan (incidences orthogonales) peut également être envisagé.
Le diagnostic de FOP repose sur le passage d’au moins 3 microbulles dans les cavités gauches, au cours des 3 premiers cycles qui suivent l’arrivée des microbulles dans les cavités droites.
Il est également pertinent de mesurer en ETO la hauteur et la longueur du chenal, de même que la hauteur jusqu’au toit de l’OG, qui conditionneront la taille de la prothèse (figure 2).
Figure 2. Évaluation de la longueur et hauteur du chenal de FOP en ETO (incidence bicavale).
Il est recommandé de quantifier l’importance du shunt :
– shunt minime : passage de 3 à 10 microbulles dans les 3 à 5 premiers cycles suivant l’opacification complète de l’OD ;
– shunt modéré : entre 10 et 20 microbulles ;
– shunt important : > 20 microbulles.
Il faudra préciser si le shunt est spontané ou uniquement après manœuvre de Valsalva.
ASIA
Nous devons également rechercher la présence d’un anévrisme du septum inter-atrial (ASIA), défini par un mouvement anormal du septum inter-atrial. Sa prévalence varie de 4 à 10 % en ETO selon les critères diagnostiques. On observe un bombement anévrismal vers l’OD, l’OG, ou les deux (excursion biphasique). Le diagnostic est confirmé si l’on retrouve une protrusion de plus de 10 mm du septum inter-atrial dans l’une et/ou l’autre oreillette avec une base de l’anévrisme d’au moins 15 mm. En cas d’excursion unilatérale, la mesure doit se faire en échographie bidimensionnelle à partir du plan du septum passant par la fosse ovale au cours du même cycle cardiaque. Si excursion bilatérale, il faut sommer chaque excursion de part et d’autre du septum (figure 3).
Figure 3. Anévrisme du septum inter-atrial en ETT (incidence apicale).
À qui proposer une fermeture de FOP ?
La problématique réside dans la fréquence élevée de FOP en population générale, et donc chez les individus jeunes (< 60 ans) ayant eu un infarctus cérébral, où ce dernier est retrouvé dans 30 % des cas. On s’attache ainsi à rechercher les individus pour lesquels le FOP est considéré à haut risque de récidive d’AVC. Ces FOP à haut risque tireront un bénéfice plus important d’une fermeture (RR = 0,27, IC95 % = 0,11-0,70 vs RR = 0,80, IC95 % = 0,43-1,47). La présence d’un ASIA ou d’un shunt large (> 20 microbulles) permet de classer le FOP comme étant à haut risque.
Les recommandations de l’European Stroke Organisation (ESO) publiées en mai 2024 préconisent la fermeture de FOP chez les patients âgés de 18 à 60 ans avec AVC récent (< 6 mois) dont l’association au FOP est considérée comme « PROBABLE » ou « POSSIBLE », selon la classification de Pascal. En pratique clinique, cette classification sert d’outil d’aide à la décision lors des réunions de concertation pluridisciplinaires neuro-cardiologiques. Elle permet d’évaluer la causalité du foramen ovale perméable par rapport aux autres causes potentielles d’accident vasculaire cérébral identifiées au bilan.
La classification de Pascal (tableau 1) repose sur le score de RoPE (tableau 2) et la présence d’un shunt large (> 20 microbulles en ETO) ou d’un ASIA. À noter que l’on peut proposer une fermeture de FOP en cas de syndrome de platypnéeortho déoxie. Cela peut également être envisagé en cas de migraine avec aura (uniquement essai clinique ou à usage compassionnel) ou en cas d’accident de décompression (non recommandé en routine clinique, indication pouvant être posée à l’issue d’une décision collégiale soulignant le manque de preuve).
Déroulé de l’intervention
L’intervention est généralement considérée comme simple et sûre. Le guidage est fluoroscopique et échographique (ETO), sous anesthésie générale, ou locale (sonde pédiatrique ou échographie intracardiaque ICE). Un guidage ETO est associé à un moindre taux de complications et de shunts résiduels. Il est classique d’interrompre en péri-opératoire un éventuel traitement anticoagulant, et d’effectuer une prophylaxie d’endocardite infectieuse par C1G, C2G ou vancomycine si allergie.
Le déroulé de l’intervention est assez standardisé, avec un abord veineux fémoral (droit en général), héparinisation, franchissement du FOP par le guide, chargement, montée et délivrance du système de fermeture, contrôle de la stabilité par des manœuvres de poussée et traction puis largage de la prothèse (figure 4). Toutes ces étapes sont guidées par l’échographiste interventionnel.
Figure 4. Prothèse de fermeture de FOP Amplatzer Talisman.
Une ETT est recommandée avant la sortie du patient pour s’assurer du bon positionnement de la prothèse, de l’absence de thrombose, ou d’épanchement péricardique.
Complications
L’intervention est généralement peu risquée.
Des complications post procédure ont été rapportées dans 3 % des cas :
– essentiellement hématomes au point de ponction (prise en charge chirurgicale dans 2 % des cas) ;
– fibrillation atriale postopératoire (5 %), quel que soit le type de prothèse implantée, par mécanisme d’irritation atriale via le dispositif médical. Ce risque est souvent transitoire, survenant principalement dans les jours ou les semaines suivant la procédure.
Le traitement anticoagulant doit être discuté au cas par cas ;
– migration de prothèse (0,7 %) ;
– thrombose de prothèse (rare) ;
– endocardite sur prothèse (antibiothérapie et retrait chirurgical de la prothèse) ;
– persistance d’un shunt résiduel, rare, diminuant avec le temps par endothélialisation ;
– troubles de repolarisation transitoires ;
– décès (0,1 %) ;
– AIT ou AVC ;
– risque très rare d’érosion ou de perforation cardiaque (0,018 %).
Traitements et surveillance
Après fermeture du FOP, une biantiagrégation plaquettaire est recommandée par aspirine (75 mg/j) et clopidogrel (75 mg/j) pendant 3 mois selon la SFC (entre 1 et 6 mois selon l’ESC), puis monoAAP pendant au moins 5 ans.
Une surveillance par échocardiographie de contraste est recommandée à 3-6 mois et 12 mois, à la recherche d’un shunt résiduel.
En pratique
Le FOP est une particularité anatomique congénitale présente chez un quart de la population.
Sa recherche est recommandée chez les sujets jeunes ayant subi un AVC, grâce à un test aux bulles réalisé en échocardiographie transthoracique et/ou transœsophagienne.
Si le FOP est considéré comme à haut risque, c’est-àd-ire que son imputabilité dans la survenue de l’AVC/AIT est considérée comme « possible » ou « probable » selon la classification de Pascal, un geste interventionnel de fermeture peut être proposé sous anesthésie générale ou locale. Un traitement par biantiagrégation plaquettaire est généralement prescrit pendant 3 mois, suivi d’une monothérapie d’au moins 5 ans.
Pour en savoir plus
• Vizzari G et al. Patent foramen ovale: anatomical complexity and long-tunnel morphology related issues. Am J Cardiovasc Dis 2021 ; 11(3) : 316-29.
• Carroll JD et al. Closure of patent foramen ovale versus medical therapy after cryptogenic stroke. N Engl J Med 2013 ; 368(12) : 1092 100.
• Caso V et al. European Stroke Organisation (ESO) Guidelines on the diagnosis and management of patent foramen ovale (PFO) after stroke. Eur Stroke J 2024 May 16.
• Silvestry FE et al. Guidelines for the Echocardiographic Assessment of Atrial Septal Defect and Patent Foramen Ovale: from the American Society of Echocardiography and Society for Cardiac Angiography and Interventions. J Am Soc Echocardiogr 2015 ; 28(8) : 910 58.
• Saver JL et al. Long-term outcomes of patent foramen ovale closure or medical therapy after stroke. N Engl J Med 2017 ; 377(11) : 1022 32.
• Mas JL et al. Patent foramen ovale closure or anticoagulation vs. antiplatelets after stroke. N Engl J Med 2017 ; 377(11) : 1011 21.
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