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Explorations-Imagerie

Publié le 02 sep 2012Lecture 6 min

L’index de pression systolique (IPS) : un marqueur vasculaire pour l’évaluation du risque

V. ABOYANS, CHU de Limoges

L’index de pression systolique (IPS) est le plus ancien des marqueurs vasculaires paracliniques, et présente la particularité d’avoir été tout d’abord imaginé et utilisé à titre diagnostique avant la découverte de son intérêt pronostique. Plus de 40 ans après sa description dans sa forme actuelle (non invasive par Doppler), l’IPS (ou rapport cheville/bras) fait aujourd’hui partie intégrante de l’exploration artérielle des membres inférieurs.

Rappels physiopathologiques   La pression systolique est de 20 à 30 % supérieure dans une artère distale par rapport à la racine aortique. L’augmentation progressive de la pression systolique de l’aorte vers la distalité de ses branches est en rapport avec une amplification de l’onde de pression due à la réflexion de l’onde pulsatile au niveau des artères périphériques. Chez un sujet jeune et sain, la pression systolique de la cheville est supérieure à celle du bras, en raison d’une plus grande distance entre la cheville et le cœur. L’IPS est donc normalement entre 1,10 et 1,30. Il tend à diminuer essentiellement en cas d’obstacle au flux artériel au niveau des membres inférieurs, mais également en cas de perte de compliance artérielle centrale. À ces deux titres, l’IPS est un marqueur d’athérosclérose généralisée.   Méthodes de mesure et de calcul Le recueil du signal est obtenu à l’aide d’un Doppler (figure 1). La mesure à l’aide d’un brassard et un appareil Doppler a été validée après comparaison aux explorations sanglantes. Un appareil Doppler « de poche » à faible coût (environ 400 €) suffit. À la cheville, la pression est mesurée au niveau de l’artère tibiale postérieure et pédieuse de chaque membre. Certains auteurs ont évalué l’IPS à l’aide d’appareils de mesure automatisée, essentiellement basée sur la méthode oscillométrique, avec des résultats contradictoires quant à sa fiabilité et reproductibilité.   Figure 1. Mesure de pression à la cheville pour calculer l’IPS. Le mode de calcul de l’IPS a été récemment mis en cause, certains auteurs proposant de prendre l’artère de cheville ayant la pression la plus faible comme numérateur pour une plus grande sensibilité. Cependant, l’intérêt pronostique de l’IPS est basé sur des études utilisant majoritairement la pression la plus haute entre les deux artères. Dans tous les cas, une fois l’IPS de chaque cheville déterminé, l’IPS du sujet correspond à celui de la cheville ayant la valeur la plus faible, puisqu’il suffit qu’un membre soit anormal pour considérer le sujet comme « malade » ou « à haut risque ». Index de pression systolique et risque cardiovasculaire   La première publication ouvrant la voie au dépistage de l’AOMI asymptomatique remonte à plus de 25 ans : en suivant une cohorte de plus de 500 sujets ayant eu des explorations non invasives, Criqui et al. Ont démontré que le sujet atteint d’une AOMI est à haut risque de mortalité, et ceci non seulement chez le sujet symptomatique, mais aussi en cas d’atteinte asymptomatique. Depuis, près d’une vingtaine de cohortes issues de la population générale ont été étudiées ; invariablement l’IPS, classiquement < 0,90, est associé à une augmentation du risque de mortalité cardiovasculaire et totale, ainsi qu’à des événements non fatals (infarctus, AVC). L’ensemble des données individuelles des participants de 16 cohortes de population a été colligé dans la métaanalyse ABI Collaboration, regroupant ainsi les paramètres de 24 955 hommes et 23 339 femmes. Sur un suivi de 480 325 patients-années, ce travail a permis de confirmer le caractère prédictif de l’IPS indépendamment des facteurs de risque cardiovasculaire. À 10 ans, le risque de décès est multiplié par 4,2 chez l’homme et 3,5 chez la femme lorsque l’IPS est ≤ 0,90.   Le risque de décès est globalement inversement proportionnel à la valeur de l’IPS, même si une relation en « J – inversé » a été retrouvée entre les valeurs de l’IPS et le risque de mortalité totale (figure 2). Ce risque augmente en fait dès un IPS < 1,10, même s’il devient plus conséquent à partir de 0,90. Si le risque de décès est au plus bas entre 1,10 et 1,40, il augmente de nouveau pour des valeurs > 1,40. Figure 2. IPS et mortalité : métaanalyse ABI collaboration (d’après Fowkes et al. JAMA 2008). Un IPS très élevé est en rapport avec une rigidité anormale des artères jambières, résistant à la compression du brassard. Dans la situation extrême, l’artère peut ne pas se comprimer même pour des pressions à 300 mmHg (il est en général conseillé de ne pas aller au-dessus de 250 pour des raisons d’inconfort). Cette situation est la plus fréquemment observée chez les sujets très âgés et/ou diabétiques ou dialysés, liée au développement de la médiacalcose, entité histologique différente de l’athérosclérose. Les sujets ayant un IPS > 1,40 sont à risque CV élevé car dans plus de la moitié des cas, une atteinte oblitérante est associée, même si celle-ci ne peut être dépistée par l’IPS. Le recours à la mesure de la pression d’orteil ou l’analyse de la courbe Doppler permet d’identifier la coexistence d’une atteinte athéromateuse lors d’un IPS > 1,40. Dans une série de patients diabétiques, la présence d’une médiacalcose isolée n’était pas prédictive de morbi-mortalité CV, et seuls les patients ayant une atteinte mixte (IPS > 1,40 mais courbes Doppler amorties) avaient un pronostic plus sombre (figure 3). Figure 3. Mortalité des diabétiques selon l’état artériel des membres inférieurs évalué par l’IPS et l’évaluation des courbes Doppler des artères jambières (d’après Aboyans et al. J Vasc Surg 2011).  Dans la métaanalyse, l’IPS semble présenter une valeur prédictive additive au score de Framingham, et le recours à l’IPS chez les patients à risque intermédiaire permettrait de reclasser le niveau de risque de 1 homme sur 5 et de 1 femme sur 3. L’ensemble de ces données soulignent l’intérêt de l’IPS pour mieux stratifier le risque cardiovasculaire d’un individu, en identifiant une atteinte athéromateuse le plus souvent asymptomatique. Comme tout autre marqueur vasculaire, le recours à l’IPS est particulièrement intéressant chez le sujet considéré à risque intermédiaire, dont l’intensité de la prise en charge préventive est actuellement discutée. À ce titre, en 2010 les recommandations publiées par l’ACC/AHA classent l’IPS parmi les marqueurs ayant le plus de preuves quant à son utilité pour identifier le sujet à risque. Ces recommandations proposent donc le recours à l’IPS avec un grade IIA et un niveau d’évidence B. Parmi les autres marqueurs tissulaires d’athérosclérose, seule l’épaisseur intima-média carotidienne présente un niveau de recommandation équivalent, même si cette dernière nécessite des outils et une technicité plus lourds pour un dépistage de masse, inaccessible encore en soins primaires. Si aujourd’hui aucune étude randomisée n’a prouvé l’intérêt du dépistage par IPS (vs nondépistage) pour améliorer le pronostic cardiovasculaire à l’échelle de la population, une étude épidémiologique récente est en faveur du recours aux traitements de prévention secondaire (soit la trithérapie statines-IEC-antiplaquettaires) pour réduire le risque cardiovasculaire des sujets ayant un IPS < 0,90 : dans la cohorte NHANES aux États-Unis, dans une analyse multivariée tenant compte de facteurs confondants, les sujets ayant un IPS < 0,90 et bénéficiantde cette trithérapie avaient une réduction de 65 % de la mortalité totale, comparativement à ceux ayant un IPS < 0,90 mais ne bénéficiant pas de cette trithérapie.   En pratique   À l’échelle de la santé publique, l’IPS semble être un marqueur de risque idéal pour la prévention cardiovasculaire. Sa mesure est très accessible, de faible niveau matériel et de technicité, même si cette dernière ne doit pas être négligée. Malgré les problèmes de standardisation évoqués, ce marqueur est largement validé. Enfin, à l’opposé des autres marqueurs de risque connus, un IPS bas n’a pas seulement une valeur pronostique, mais il définit une entité pathologique reconnue : l’AOMI. Ainsi, à l’inverse des autres marqueurs cherchant encore à être validés en pratique clinique, des recommandations précises concernant la prise en charge d’un sujet (asymptomatique) à IPS < 0,90 sont déjà disponibles. Bien qu’issue d’accord professionnel (et nécessitant encore sa validation par des études), la HAS recommande, compte tenu de leur risque cardiovasculaire élevé, la prescription d’une statine et d’un antiagrégant plaquettaire chez les sujets ayant un IPS < 0,90. Les données récentes publiées aux États-Unis sont en faveur de la prescription de la trithérapie (statines– IEC – antiplaquettaire) en cas d’IPS anormal. "Publié dans Diabétologie Pratique"

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