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Valvulopathies

Publié le 13 mar 2012Lecture 8 min

Place des plasties aortiques

E. LANSAC, Institut Mutualiste Montsouris, Paris, et I. DI CENTA, Hôpital Foch, Suresnes


Journées européennes de la SFC (II)
La plastie aortique a été le premier traitement des insuffisances aortiques, rapidement supplantée par la mise au point des valves prothétiques(1). La supériorité de la plastie mitrale par rapport au remplacement valvulaire, ainsi qu’une meilleure connaissance de la pathologie valvulaire aortique ont restauré l’intérêt de ces procédures(2-4). Elles s’adressent aux patients porteurs d’une dystrophie de l’aorte ascendante à valves souples bicuspides ou tricuspides, incluant les anévrismes et les insuffisances aortiques isolées(2-4). La plastie aortique évite les inconvénients de l’implantation d’un matériel prothétique dans cette population jeune (risque de dégénérescence précoce des bioprothèses, complications des anticoagulants oraux, endocardites), dont l’espérance et la qualité de vie doivent être prises en compte dans le choix des modalités thérapeutiques(4).

Indications opératoires Les indications opératoires des anévrismes de l’aorte ascendante ont été précisées récemment, basées sur le diamètre aortique maximal. En présence d’un syndrome de Marfan ou d’une bicuspidie, le seuil d’intervention est de 50 mm de diamètre. Dans les formes idiopathiques, la valeur seuil recommandée est de 55 mm, sauf si la croissance anévrismale est > 3-5 mm/an, ou en présence de facteur de risque (antécédents familiaux d’anévrysme, dissection, mort subite, coarctation)(5). Pour les insuffisances aortiques isolées, l’indication chirurgicale est liée à la présence de symptômes et/ou à une altération de la fonction ventriculaire gauche (FEVG au repos < 50 à 55 % ou diamètre télésystolique VG > 50 mm [25 mm/m2] ou diamètre télédiastolique non indexé VG > 70 mm)(4-5).   De l’analyse échocardiographique à la plastie aortique Le bilan échographique d’une racine aortique repose sur : – la mesure des 4 diamètres caractéristiques de l’aorte ascendante (base de l’anneau aortique, sinus de Valsalva, jonction sino-tubulaire et aorte sus-coronaire), – l’analyse du nombre de cuspides, – la mesure de la coaptation valvulaire (figure 1). Figure 1. a) Analyse échographique de l’aorte ascendante : mesure standardisée des 4 diamètres aortiques (1) Anneau aortique : diamètre interne, du bord de fuite au bord d’attaque ; (2) Sinus de Valsalva : du bord d’attaque au bord d’attaque ; (3) Jonction sino-tubulaire : du bord d’attaque au bord d’attaque ; (4) Aorte sus-coronaire : du bord d’attaque au bord d’attaque ; b) Mesure de la hauteur de coaptation valvulaire (Hc), et de la hauteur effective de coaptation (He : distance entre la base de l’anneau aortique et le sommet de la coaptation valvulaire. Deux diamètres sont essentiels au bon fonctionnement valvulaire : celui de la base de l’anneau aortique (22,6 ± 1,4 mm) et celui plus large de la jonction sinotubulaire (27,4 ± 2,2 mm), pour un ratio de 1,2. Les dystrophies de la racine aortique sont caractérisées par une dilatation des diamètres fonctionnels (base de l’anneau > 25 mm et jonction sino-tubulaire > 35 mm), plus ou moins associée à une lésion valvulaire. On distingue 3 phénotypes en fonction du diamètre des sinus de Valsalva : – les anévrismes de la racine aortique (sinus de Valsalva ≥ 45 mm), – les anévrismes sus-coronaires, – les insuffisances aortiques isolées (sinus de Valsalva < 40 mm) (figure 2)(4). Figure 2. a) Dystrophies de la racine aortique : une maladie des diamètres de la racine regroupant 3 phénotypes en fonction du diamètre des sinus de Valsalva : anévrismes de la racine aortique, anévrisme de l’aorte sus-coronaire et insuffisance aortique isolée ; b) Analyse des mouvements valvulaires : normaux, prolapsus et rétraction ; c) Approche chirurgicale standardisée de plastie aortique en fonction des phénotypes de la racine aortique. L’analyse valvulaire en petit axe précise le nombre de cuspides et l’origine du jet de l’insuffisance aortique. La présence d’un raphé entre 2 cuspides est caractéristique d’une bicuspidie dont on précisera le type en fonction des cuspides fusionnées et du nombre de raphés (exemple : bicuspidie type I coronaire droite-coronaire gauche)(4) (figure 3). Le positionnement des commissures peut aider au diagnostic. En cas de valve tricuspide les 3 commissures sont à 120°, avec une ouverture des feuillets jusqu’à la commissure. En cas de valve bicuspide, l’angulation des commissures varie entre 120 et 180° ; en regard du raphé, l’ouverture des feuillets valvulaires n’atteint pas la commissure. Le point de départ du jet peut être central, commissural ou s’étendre sur toute la coaptation. Ces deux derniers cas font rechercher une anomalie commissurale. Figure 3. Analyse petit axe de la valve aortique : recherche d’une bicuspidie et analyse de la position commissurale. Le caractère central ou excentré d’une fuite aortique se définit en coupe grand axe. La présence d’un jet excentré signe une lésion valvulaire. En cas de prolapsus, le jet sera opposé à la cuspide prolabée ; en cas de rétraction il sera homolatéral. L’évaluation de la coaptation valvulaire se décompose en 2 paramètres (figure 1) : la hauteur de coaptation (Hc) mesurée à l’endroit où le jet est maximal et la hauteur effective (He) correspondant à la distance entre le plan de l’anneau et le sommet de la coaptation valvulaire.   Principes de la plastie aortique Les plasties aortiques visent à rétablir la coaptation valvulaire, en conservant ou réparant la valve native. En cas d’anévrisme de la racine aortique, le remodeling et la réimplantation sont les interventions de conservation valvulaire les plus fréquemment réalisées. Le remodeling décrit par Yacoub et coll. en 1983 réalise un remplacement de la racine aortique au moyen d’un tube en Dacron festonné en trois néo-sinus, dans lesquels seront réimplantés les ostia coronaires(2). De nombreuses études in vitro et in vivo ont montré que le remodeling procure une reconstruction physiologique de la racine avec des mouvements valvulaires proches de la normale, mais cette technique ne traite pas la dilatation de l’anneau aortique(4). À l’inverse, la technique de la réimplantation décrite par David et coll. réalise une inclusion de la valve dans un tube en Dacron, ancré en position sous-valvulaire(3). Cette procédure traite la dilatation de l’anneau aortique, mais fixe la valve dans un tube inexpansible altérant la dynamique valvulaire(4). De nombreuses variantes techniques ont été décrites, visant à associer la préservation de la dynamique de la racine avec le traitement de la dilatation de l’anneau aortique natif(4). Il en résulte un manque de standardisation qui limite la diffusion de ces procédures. Nous proposons une approche standardisée et physiologique de la réparation valvulaire aortique, qui associe les avantages de la technique du remodeling à ceux de la réimplantation, par l’association d’un remodelage de la racine aortique à une annuloplastie sous-valvulaire aortique externe afin d’augmenter la hauteur de coaptation valvulaire (technique CAVIAAR)(4,6). Cette approche physiologique utilise un anneau aortique prothétique expansible. À l’instar de l’annuloplastie mitrale, l’annuloplastie aortique traite la dilatation de l’anneau natif et augmente la surface de coaptation des cuspides protégeant la réparation valvulaire. En cas d’insuffisance aortique isolée et/ou associée à un anévrisme sus-coronaire, nous proposons d’associer une annuloplastie sous-valvulaire aortique externe à la correction des lésions valvulaires et au remplacement de l’aorte sus-coronaire si nécessaire. Le principe de la réparation des lésions valvulaires consiste à effectuer une resuspension du bord libre de chaque cuspide afin d’obtenir chirurgicalement une hauteur effective > 9 mm (figure 2)(7). L’échographie transœsophagienne peropératoire est indispensable pour évaluer le résultat final de la réparation valvulaire après déclampage. Ce résultat est jugé satisfaisant si l’insuffisance aortique résiduelle est inférieure ou égale à un grade 1 centrale(8). Un reclampage aortique pour réparation complémentaire ou conversion pour un remplacement prothétique est nécessaire en présence d’une fuite résiduelle supérieure à grade 1, surtout si elle est excentrée, ce qui traduit soit un prolapsus résiduel (direction du jet identique au jet préopératoire) soit une restriction par excès de correction (direction du jet inversée par rapport au jet préopératoire).   Évaluation des plasties aortiques Malgré l’absence d’étude randomisée établissant la supériorité de la réparation valvulaire sur l’intervention de Bentall, la réparation valvulaire aortique est apparue dans les recommandations des sociétés savantes, certaines positionnant l’intervention de Bentall en deuxième intention, en tant qu’alternative lorsque la valve aortique native n’est pas réparable(5). La plupart des publications sont rétrospectives, monocentriques, utilisant diverses techniques de réparation valvulaire au cours de différentes périodes opératoires et incluant les courbes d’apprentissage. Les résultats d’une métaanalyse récente de 7 études (930 patients) comparant les résultats des réparations valvulaires à ceux des Bentall mettent en évidence des taux de complications thromboemboliques, hémorragiques et d’endocardites plus importants après un remplacement prothétique et un taux de réopération un peu plus élevé après une réparation valvulaire aortique (tableau 1 (10)). Les plasties aortiques sont associées à moins d’altérations de la qualité de vie que le remplacement valvulaire mécanique(9). Références du tableau 1 (en plus de la référence(10)) • Bassano C, De Matteis GM, Nardi P, et al. Eur J Cardiothorac Surg 2001;19(5):601-5. • de Oliveira NC, David TE, Ivanov J, et al. J Thorac Cardiovasc Surg. 2003;125(4):789-96. • Karck M, Kallenbach K, Hagl C, et al. J Thorac Cardiovasc Surg. 2004;127(2): 391-8. • Zehr KJ, Orszulak TA, Mullany CJ, et al. Circulation 2004;110(11):1364-1371. • Patel ND, Weiss ES, Alejo DE, et al. Ann Thorac Surg. 2008;85(6):2003-10; discussion 2010-1. • Franke UF, Isecke A, Nagib R, et al. Ann Thorac Surg. 2010;90(6):1869-75. Les résultats de l’étude préliminaire sur 187 patients opérés d’un remodeling avec une annuloplastie aortique prothétique ont été rapportés récemment(6). Neuf patients ont été réopérés au cours du suivi dont 2 pour endocardite et 7 pour prolapsus valvulaire. Une analyse par sous-groupe a montré qu’aucun des patients réopérés n’avaient eu de resuspension de la hauteur effective des cuspides. Un patient a présenté un accident ischémique transitoire au 2e mois postopératoire. Il n’y a eu aucun accident hémorragique. Dans tous les cas, la réduction du diamètre de la base de l’anneau aortique est restée stable au cours du suivi, sans gradient transvalvulaire (7,5 ± 4 mmHg (1,1-16)). Un seul registre prospectif multicentrique compare l’intervention de Bentall à la réparation valvulaire aortique dans une population de Marfan, en utilisant différentes techniques de conservations valvulaires, dont l’analyse des résultats périopératoires ne montre pas de différence entre les deux techniques(10). L’étude CAVIAAR (Conservation Aortique Valvulaire dans les Insuffisances Aortiques et les Anévrismes de la Racine) est une étude de supériorité prospective multicentrique qui compare la technique standardisée CAVIAAR de plastie aortique au remplacement valvulaire mécanique. Elle inclut les patients non sélectionnés porteurs d’un anévrisme à valve bicuspide ou tricuspide quel que soit le grade de l’insuffisance aortique. Les résultats opératoires, à 3 ans et à 10 ans, de 130 patients opérés d’une plastie aortique et de 130 patients opérés d’une intervention de Bentall seront analysés.   En pratique   Les plasties aortiques ont pour objectif de réduire la morbi-mortalité liée à la valve par rapport au remplacement valvulaire prothétique. Elles se positionnent en choix thérapeutique de première intention pour la prise en charge des dystrophies de la racine aortique à valves bicuspides ou tricuspides. Une évaluation rigoureuse des résultats à long terme reste indispensable pour définir leur place dans la stratégie de prise en charge chirurgicale de ces patients.

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