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Coronaires

Publié le 20 mar 2012Lecture 5 min

Le journal au cœur même du métier de cardiologue - Bilan d’un quart de siècle de pathologie coronaire

S. WEBER, Hôpital Cochin, Paris

Pendant ce premier quart de siècle d’existence et de développement de Cardiologie Pratique, la maladie coronaire est restée la maladie « principale » des cardiologues, aussi bien à l’hôpital qu’en médecine de ville. Le nombre de patients coronariens pris en charge a significativement augmenté. Cela ne signifie pourtant pas, bien au contraire, que la cardiologie soit tenue en échec par la maladie athéromateuse ! La prévalence de la maladie, ajustée sur l’âge de début des symptômes a assez nettement diminué ; parallèlement, la mortalité imputable à cette maladie a spectaculairement régressé. La place de cette pathologie reste cependant prépondérante car l’espérance de vie augmente et l’âge reste le principal facteur de risque de l’athérome. En outre, la très nette amélioration d’espérance de survie des coronariens augmente d’autant la population de patients concernés.

Quelques mois avant ce numéro 1 000 de Cardiologie Pratique, le New England Journal of Medicine fêtait sa 200e année. À cette occasion, un passionnant article de revue et de réflexions sur la maladie coronaire était rédigé par Elisabeth Nabel et Eugène Braunwald. La figure (NEJM 2012, 366 : 55) confronte, sur le même graphique, l’évolution de la mortalité coronaire à la date de découverte (suivie quelques années plus tard de la mise en pratique) des principales avancées thérapeutiques : médicamenteuses, instrumentales et chirurgicales. Déclin de la mortalité cardiovasculaire et avancées thérapeutiques. La date de naissance de Cardiologie Pratique se situe en plein milieu de la partie descendante de la courbe. C’est-à-dire au moment où les bénéfices des importantes innovations des années 60 (bêtabloquant, aspirine, pontage) avaient déjà sérieusement infléchi le taux de mortalité coronaire et au moment où de nombreuses nouvelles avancées se dessinaient, montaient en puissance, et rendaient compte de la poursuite quasi régulière depuis 1970 de la décrue de la mortalité coronaire. Pendant ce quart de siècle, la revue a dû et a su déceler les idées innovantes, aussi bien en termes de physiopathologie que d’innovations thérapeutiques et d’évaluation clinique, les 3 éléments de ce triptyque étant indissociables. En physiopathologie, l’innovation centrale, coïncidant à peu de chose près avec la naissance du journal, a été la compréhension réelle du rôle fondamental du phénomène de rupture de plaque et de la cascade d’événements thrombotiques et myocardiques qu’il entraîne. Une deuxième avancée, à peu près contemporaine a été la compréhension de la complexité du retentissement myocardique de l’hypoperfusion coronaire ayant permis de passer d’une loi du tout ou rien par trop simplificatrice (myocarde normal ou myocarde nécrosé) à une analyse beaucoup plus fine d’où se sont dégagés les concepts de viabilité, de sidération, d’hibernation, de préconditionnement, etc. Ces 2 avancées probablement principales ne doivent pas masquer de nombreux autres progrès physiopathologiques ayant sous-tendu les innovations thérapeutiques. Celles-ci ont été nombreuses ; leur éclosion, leurs premiers pas, l’évaluation de la faisabilité, leur évaluation contrôlée tout d’abord sur des populations très ciblées puis sur des populations plus larges et plus représentatives ont souvent constitué le « plat de résistance » de ces 1 000 numéros hebdomadaires du journal. Certaines de ces innovations, aussi bien en matière de médicaments, de techniques de cardiologie interventionnelle ou de techniques chirurgicales n’auront été qu’éphémères, car peu efficaces et/ou trop dangereuses. Aucun de ces échecs n’aura cependant été totalement stérile, les enseignements des études négatives étant souvent tout aussi fructueux que ceux des études positives permettant un retour à la case physiopathologie ou une amélioration des instruments thérapeutiques. D’autres innovations auront été triomphales, ce triomphe pouvant même, dans sa forme dévoyée, faire caresser la tentation de l’hégémonie ! Les antiplaquettaires, les statines, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion ont rejoint les bêtabloquants et l’aspirine au rang des molécules susceptibles d’économiser une quantité appréciable de décès sur de vastes populations. Une fois maitrisés certains excès (prescription indéfiniment prolongée d’une bithérapie antiplaquettaire, posologie massive de statine amenant le LDL-cholestérol aux alentours du 0 ; prescription illimitée d’IEC à des coronariens à bas risque n’en n’ayant pas besoin), ces molécules font désormais partie du club somme toute très fermé des médicaments qui, sur la longue durée, prolongent notablement la vie des patients. Ce parcours triomphal n’a cependant pas été un long fleuve tranquille. En plus de la très naturelle concurrence entre les firmes pharmaceutiques pour mettre en vedette leurs molécules phares, de nombreuses controverses d’experts, toutes plus passionnantes et agréables à lire les unes que les autres, ont été largement accueillies dans les colonnes de Cardiologie Pratique. Ce quart de siècle a également vu les débuts (ou quasiment) de l’angioplastie coronaire, sa formidable montée en puissance pendant près de 20 années consécutives, sa propension souvent justifiée à dévorer les parts de marché du pontage aorto-coronaire et depuis quelques années sa stabilisation, voire sa régression, notamment chez le coronarien chronique. Cette méthode de revascularisation a bien entendu tout de suite rencontré un maximum de sympathie auprès de notre profession puisqu’il s’agissait là d’un instrument à notre portée dont nous pouvions à la fois poser les indications et passer nous même à la réalisation. Malgré la mise en route, dès les premiers pas de la cardiologie interventionnelle, d’essais thérapeutiques contrôlés rigoureux, reconnaissons que la charrue a parfois été mise avant les bœufs ! Ces raccourcis et petites prises de liberté par rapport à la rigueur méthodologique se sont avérés très fructueux dans la prise en charge des syndromes coronaires aigus. Probablement chez le coronarien chronique, de nombreuses angioplasties programmées auraient pu être remplacées, et le sont de plus en plus maintenant, par la seule instauration d’un traitement médicamenteux optimisé assorti d’une surveillance vigilante. Ce quart de siècle nous aura cependant appris qu’il n’est pas si simple d’obtenir le maintien dans le temps d’un traitement médicamenteux et/ou de la mise en place d’une stratégie de contrôle des facteurs de risque. Cet aspect du problème n’a pas non plus été négligé par la revue. Certes, les diverses mises à jour des consensus, recommandations et autres textes solennels des sociétés savantes ont été largement mis à disposition des lecteurs… Le lectorat de la revue, dont l’esprit critique parfaitement aiguisé compte tenu de la qualité de l’enseignement qu’il a reçu pendant ce quart de siècle, n’aura pas échappé au fait que la multiplication même de ces recommandations et consensus (chaque société, chaque pays voulant le sien) en souligne bien la relative fragilité ! L’éducation du patient, l’obtention de son adhésion au projet thérapeutique est un processus difficile, exigeant et nécessitant la forte implication personnelle du praticien. Ces aspects ont largement été envisagés dans ces colonnes ; ils ne sont pas délégables à tel ou tel professionnel de santé (éducateur spécialisé) mais représentent bel et bien le cœur même du métier de cardiologue en complément incontournable de toute technicité aussi excellente soit-elle.

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