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Coronaires

Publié le 15 mar 2021Lecture 9 min

Quel suivi spécifique après TAVI ?

Benoît LATTUCA, Guillaume CAYLA, département de cardiologie, CHU Carémeau, université de Montpellier-Nîmes

Le remplacement valvulaire aortique percutané (TAVI – transcatheter aortic valve implantation) occupe aujourd’hui une place centrale dans la prise en charge des patients porteurs d’un rétrécissement aortique serré. En 2020, malgré le contexte sanitaire, près de 14 000 valves percutanées ont ainsi été implantées en France. Avec les progrès techniques des valves implantées, l’expérience des opérateurs et l’extension progressive des indications aux patients plus jeunes et présentant moins de comorbidités, l’espérance de vie après TAVI ne cesse de croître. Ainsi, un suivi cardiologique et une prise en charge spécifiques apparaissent désormais nécessaires.

• Quel traitement antithrombotique ? D’après la communication de P. Lantelme (Lyon) L’objectif du traitement antithrombotique après TAVI est de diminuer les complications thrombotiques comme les accidents vasculaires cérébraux, les infarctus et les thromboses de valve. Les thromboses de valves sont une entité assez récente, elles peuvent être infracliniques, documentées en imagerie (jusqu’à 13 % en scanner) ou plus rarement cliniques. Ces thromboses répondent bien aux traitements anticoagulants oraux. Patients n’ayant pas d’indication de traitement anticoagulant Pour les patients sans indication d’anticoagulant, l’étude POPULAR TAVI cohort A(1) qui a porté sur 331 patients a montré que la stratégie minimaliste par aspirine seule était supérieure à la bithérapie aspirine + clopidogrel pendant 3 mois sur la réduction des événements hémorragiques d’environ 40 % avec parallèlement une non-infériorité sur un critère combiné d’éléments ischémiques. Les résultats de cette étude sont très importants, ils modifient déjà la pratique et devraient aussi modifier les recommandations en proposant l’aspirine seule comme stratégie par défaut après TAVI sauf pour les patients ayant eu une angioplastie coronaire récente. Toujours chez les patients sans indication d’anticoagulant, la question d’un traitement anticoagulant en remplacement de la bithérapie aspirine + clopidogrel a été posée par l’étude GALILEO. Dans cette étude qui a porté sur 1 520 patients ; la stratégie rivaroxaban 10 mg en comparaison à la stratégie aspirine + clopidogrel 3 mois, puis aspirine seule s’est accompagnée d’une surmortalité significative avec une tendance à plus d’hémorragie majeure. L’étude ATLANTIS (JP Collet - ACC 2021) avec l’apixaban devrait permettre d’avoir des résultats complémentaires. Patients ayant une indication de traitement anticoagulant En attendant les résultats des études randomisées ATLANTIS avec l’apixaban et ENVISAGE TAVI avec l’edoxaban, les données observationnelles sont plutôt en faveur de l’utilisation préférentielle des AOD après TAVI par rapport aux AVK. L’étude POPULAR TAVI cohort B qui a porté sur 326 patients(2) a montré que la stratégie par anticoagulant seul était supérieure à la stratégie anticoagulant + clopidogrel pendant 3 mois sur la réduction des événements hémorragiques d’environ 40 % avec parallèlement une non-infériorité sur un critère combiné d’événements ischémiques. Interprétation et conclusions Les résultats des premières études randomisées sont en faveur de stratégies assez minimalistes par aspirine seule pour les patients sans indication d’anticoagulant et anticoagulant sans clopidogrel pour les patients avec indication d’anticoagulant. La place du clopidogrel n’est réservée qu’aux patients ayant une angioplastie coronaire très récente. L’étude française ATLANTIS prochainement présentée devrait apporter de nouveaux éléments sur cette thématique. • Le gradient valvulaire augmente : que faire ? D’après la communication d’H. Eltchaninoff (Rouen) Habituellement, après implantation d’une valve aortique percutanée, il n’y a pas de gradient hémodynamique avec en échographie un gradient moyen qui est inférieur à 10 mmHg. Bien qu’anormale, l’élévation du gradient peut survenir immédiatement après implantation ou tardivement. Lorsque l’élévation du gradient transvalvulaire est immédiate, cela évoque un mismatch qui traduit une surface aortique effective post-implantation plus petite que ne le voudrait la surface corporelle du patient avec création d’un gradient transvalvulaire anormal. Le mismatch est défini par une surface effective de l’orifice aortique < 0,85 cm2/m2 (modérée entre 0,65 et 0,85 et sévère si < 0,65). Lorsque le gradient transvalvulaire s’élève tardivement, cela doit faire évoquer 3 diagnostics : la thrombose de valve, l’endocardite et la détérioration de la valve. La thrombose de valve reste une complication très rare en clinique (< 1 %) des cas, mais peut être découverte au scanner (forme infraclinique pouvant atteindre 10-15 % lors des scanners systématiques) et pouvant survenir avec tous les types de valves, percutanées ou chirurgicales. Le traitement des thromboses de valve est le traitement anticoagulant oral prolongé. L’endocardite du TAVI est rare (0,3-1,2 % patients/an) et n’est pas plus fréquente qu’après bioprothèse chirurgicale. L’élévation du gradient peut être associée à une fuite et des signes d’endocardites (fièvre, insuffisance cardiaque…). Enfin, la détérioration de la valve peut se manifester par une sténose de la valve et/ou une fuite de la valve. L’échographie sera complétée par un scanner qui apportera des éléments déterminants. L’étude PARTNER 1 n’a pas mis en évidence de signal particulier de dégénérescence des valves après 5 ans de suivi avec un taux comparable aux valves chirurgicales. Dans les différentes études observationnelles avec suivi long > 5 ans, le taux de détérioration sévère reste inférieur à 4 % avec un taux de réintervention de 0 à 1,3 % des cas. Dans l’étude randomisée NOTION (TAVI vs chirurgie chez les patients à bas risque) à 8 ans présentée récemment, les taux de détérioration avec la Corevalve n’étaient pas différents que les valves chirurgicales. Interprétation et conclusions La surveillance en échographie cardiaque est absolument capitale après implantation d’une valve aortique percutanée. Il est important de connaître les différentes étiologies d’une élévation de gradient (en postimplantation ou pendant le suivi). Le scanner a un rôle central pour différencier les différentes causes d’élévation tardive du gradient. Registre FRANCE TAVI : il est capital de renseigner les informations échographiques annuellement, car ces données ne sont pas accessibles par le suivi SNDS automatisé qui est actuellement utilisé dans la nouvelle version de France TAVI. Ces informations sont précieuses pour le suivi des patients. • Quel risque infectieux ? D’après la communication de B. Iung (Paris) De nombreuses cohortes observationnelles récentes mettent en avant un risque d’endocardite après TAVI similaire à celui retrouvé au décours d’une chirurgie conventionnelle avec une incidence de l’ordre de 0,5 % à 1,5 %/an avec un risque prédominant dans les 6 mois suivant l’implantation(3-5). Il s’agit en revanche d’un diagnostic difficile sans signe clinique ou biologique spécifique et dont l’évaluation échographique n’est pas toujours aisée tout particulièrement du fait des calcifications de la valve native et des artéfacts liés à la valve prothétique. Au-delà des critères généraux en rapport avec le syndrome infectieux, une évaluation multimodale est souvent nécessaire, au centre de laquelle le PET-scanner occupe désormais une place importante en pratique clinique. Il existe par ailleurs des particularités microbiologiques avec une proportion bien plus importante d’infection à entérocoque en comparaison aux valves chirurgicales avec une possible implication de l’âge, plus avancé chez les patients pris en charge par un TAVI. Malgré ces difficultés diagnostiques, il est essentiel de systématiquement évoquer le risque d’endocardite étant donné son impact pronostique. Dans une série récente de près de 135 000 patients traités par TAVI, une endocardite est survenue chez 0,9 % des patients avec un risque de mortalité important de 18 % à 1 mois et 45 % à 1 an, sur-risque confirmé même après ajustement sur les différentes comorbidités. Pour adapter au mieux le suivi postimplantation, il apparaît ainsi nécessaire de rechercher les facteurs de risque d’endocardite dont les principaux sont l’âge croissant, le sexe masculin, une insuffisance rénale, hépatique ou pulmonaire et de manière prédominante un antécédent d’endocardite infectieuse(6). Interprétation et conclusions Par conséquent, pour limiter le risque d’endocardite, le bilan pré-procédure devrait comprendre systématiquement la recherche de foyers buccodentaires et d’un portage nasal préalablement à l’implantation. D’autre part, bien qu’il n’existe pas de schéma thérapeutique spécifique à ce jour, il apparaît recommandé de proposer une antibioprophylaxie après TAVI couvrant en particulier l’entérocoque (aminoglycosides ou glycopeptides) en cas de gestes invasifs (recommandations européennes 2015 – IIa C)(7). • Comment traiter les lésions coronaires associées ? D’après la communication de B. Chevalier (Paris) Étant donné des facteurs de risque similaires, prédominés par l’âge lui-même, rétrécissement aortique et coronaropathie sont fréquemment associés. Si l’on considère une sténose coronaire supérieure à 50 %, les données issues des essais randomisés ou des cohortes observationnelles mettent en effet en avant une incidence de coronaropathie de l’ordre de 50 à 60 %. Il apparaît néanmoins difficile de faire la part entre les symptômes liés à ces lésions et au rétrécissement aortique. L’impact d’une revascularisation coronaire systématique est ainsi controversé. Bien que de nombreuses études ne montrent aucune différence significative sur la mortalité de la présence ou non d’une coronaropathie, qu’elle soit monoou pluri-tronculaire, qu’elle implique ou non l’IVA et quel que soit le SYNTAX Score(8-10), d’autres études semblent démontrer un intérêt à une revascularisation ciblée. En effet, l’atteinte coronaire chez les patients admis pour un TAVI est souvent diffuse avec une lésion complexe dans près de 50 % associant lésions calcifiées ou lésions de bifurcation(11). Enfin, il ne semble pas exister de différence significative sur les événements cliniques en cas d’angioplastie avant ou après TAVI une fois que la décision d’angioplastie a été retenue(12). L’argument principal pour proposer une revascularisation coronaire systématique dans le cadre d’un bilan de TAVI est de limiter le risque de syndrome coronarien aigu, mais qui n’est observé que chez 10 % des patients après TAVI et chez des patients âgés avec de fréquentes comorbidités dont la maladie coronaire peut évoluer indépendamment d’un rétrécissement aortique. D’autre part, il s’agit dans la très grande majorité des cas de formes n’impliquant pas le pronostic vital ou le risque de dysfonction ventriculaire gauche avec seulement 1 % de SCA avec sus-décalage du segment ST(13). La mortalité post- TAVI reste ainsi largement dominée par des causes d’origine non cardiovasculaire tout particulièrement chez les patients âgés(14). Une seule étude randomisée à ce jour a évalué spécifiquement la question d’une revascularisation coronaire systématique, l’essai ACTIVATION récemment présenté au PCR valve en 2020. Dans cette étude, 235 patients présentant une sténose coronaire proximale de plus de 70 % ont été randomisés en excluant les patients instables et présentant une sténose du tronc commun. Après un an de suivi, il n’est pas retrouvé de différence significative sur un critère combiné décès/réhospitalisation entre revascularisation systématique et traitement médical (41,5 % vs 44,0 % respectivement, p = 0,07). On retrouvait en revanche significativement plus de complications hémorragiques, principalement mineures, chez les patients stentés (44,5 % vs 28,4 % [p = 0,02]). L’essai NOTION 3, en cours, pourra certainement nous apporter des données supplémentaires sur cette question spécifique. Deux stratégies sont en effet comparées dans cette étude randomisée : absence de revascularisation coronaire versus revascularisation guidée par FFR avant TAVI. La FFR apparaît en effet assez peu utilisée en pratique clinique à ce jour alors même que les premières données issues de cohortes observationnelles démontrent sa fiabilité chez les patients présentant un rétrécissement aortique. Interprétation et conclusions Dans l’attente de ces nouvelles données, il apparaît nécessaire d’individualiser la prise en charge pour tenir compte en plus de la symptomatologie du patient, de la localisation proximale de la lésion et du territoire vascularisé, du diamètre du vaisseau, de son éventuelle collatéralité, du taux de sténose, de sa complexité et de son accessibilité sur le plan technique. Une suggestion d’algorithme décisionnel est proposée en ce sens dans la figure 1. Enfin, bien que redoutée, la cathétérisation coronaire après implantation d’un TAVI reste possible dans la grande majorité des cas avec des succès d’angioplastie retrouvés dans près de 90 % des cas dans les séries observationnelles récentes. Plusieurs facteurs de réussite peuvent être évalués, et en particulier la hauteur entre ostia coronaires et le placement de la valve, l’alignement des commissures, la largeur des mailles en cas de valve supraannulaire, la taille des sinus de Valsalva. Des anatomies très hostiles, bien que rares, peuvent amener à discuter une revascularisation préalable pour éviter tout échec de cathétérisation secondaire. Dans tous les cas, une évaluation de la balance bénéficesrisques est indispensable. Bien qu’une revascularisation coronaire préTAVI puisse avoir un rôle sur la symptomatologie future, il apparaît primordial de le contrebalancer, tout particulièrement avec le risque d’insuffisance rénale et le risque hémorragique en rapport avec le traitement antithrombotique secondaire à l’angioplastie coronaire. D’autre part, après TAVI, le patient coronarien se doit d’être pris en charge comme tout autre patient coronarien du même âge aussi bien sur le plan du traitement médical que d’une éventuelle revascularisation. D’après les communications de P. Lantelme (Lyon), H. Eltchaninoff (Rouen), B. Iung (Paris) & B. Chevalier (Paris), lors d’une session aux eJESFC 2021

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