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Explorations-Imagerie

Publié le 11 déc 2012Lecture 6 min

Les nouvelles caméras cardiaques à semi-conducteurs - Un progrès indiscutable pour les patients

B. SONGY, M. GUERNOU, D. LUSSATO, M. QUENEAU Centre Cardiologique du Nord (CCN), Saint-Denis

La mortalité cardiovasculaire, qui était de loin la première cause de mortalité dans les pays industrialisés a baissé de plus de 50 % depuis 25 ans, du fait de la prévention (réduction du tabagisme, amélioration de l’alimentation, dépistage et traitement de l’hypertension artérielle et de l’hypercholestérolémie) mais aussi des progrès diagnostiques et thérapeutiques, tant dans le syndrome coronaire aigu que dans la prise en charge du coronarien chronique (imagerie, médicaments, angioplasties et chirurgie coronaire). La scintigraphie myocardique est devenue un examen clé pour le diagnostic de l’ischémie myocardique, la stratification du risque, la prise de décision thérapeutique et le suivi des patients.

De nombreuses études ont montré que, en dehors de l’urgence (syndrome coronaire aigu), le risque dépendait essentiellement de l’existence ou non d’une souffrance myocardique, en particulier à l’effort, et peu de l’état anatomique des artères coronaires. La scintigraphie myocardique qui visualise, grâce à l’injection d’un radiotraceur (thallium, sestaMIBI ou tétrofosmine), la perfusion du muscle cardiaque, au repos et à l’effort, et la topographie et l’étendue de l’ischémie myocardique, est un examen fonctionnel simple, non invasif et performant. Elle est devenue un examen clé pour le diagnostic de l’ischémie myocardique, la stratification du risque, la prise de décision thérapeutique et le suivi des patients.   Aux États-Unis, plus de neuf millions de scintigraphies myocardiques sont réalisées chaque année. On estime que celles-ci sont responsables de plus de 20 % de la quantité totale de rayons reçue par la population américaine. Même si aucune complication de ces irradiations n’a jamais pu être mise en évidence, cela incite à diminuer l’exposition aux rayonnements.C’est dans ce contexte que l’apparition des caméras cardiaques à semi-conducteurs trouve sa place.   Les caméras cardiaques à semi-conducteurs   Le photodétecteur est un cristal de cadmium-zinc-telluride, semiconducteur opérant à température ambiante, pixellisé et convertissant directement le photon X en un signal électrique qui crée une image numérique avec une précision de localisation de 2,5 mm (figure 1). La caméra va comporter 76 détecteurs, regroupés par 4, cernant le cœur sur 3 rangées et 180 degrés. Cette couronne de détecteurs « braquée » sur le cœur va visualiser instantanément l’ensemble du muscle cardiaque, sans mouvement de la caméra. L’acquisition scintigraphique va pouvoir être rapide, cette caméra étant 6 à 8 fois plus sensible qu’une gamma-caméra conventionnelle. Le positionnement et le confort des patients sont grandement améliorés.    Figure 1. Caméra cardiaque à semi-conducteur. 1. Cristal semiconducteur cadmium-zinc-telluride. 2. Couronne de détecteurs « braqués » sur le coeur. 3. Caméra fixe pendant l’acquisition.    Du fait de la meilleure sensibilité de détection, les activités de radiotraceurs injectées aux patients ont pu être diminuées, à moins de 2 MBq/kg avec les agents technétiés (sestaMIBI et tétrofosmine) et à 0,7 MBq/kg avec le thallium. Avec le thallium, que nous réservons au suivi des patients coronariens connus (antécédent d’infarctus du myocarde, de pontage coronaire ou d’angioplastie coronaire), la dose efficace délivrée est ainsi inférieure ou égale à 9 millisieverts, c’est-à-dire 2 à 3 fois moins qu’auparavant. Avec les agents technétiés, la dose délivrée au patient pour un examen d’effort est encore plus faible, inférieure à 1 milli-sievert dans la plupart des cas (figure 2), c’est-à-dire 3 fois moins que l’irradiation naturelle annuelle !    Figure 2. Examen normal obtenu avec moins de 1 millisievert. Il s’agissait du diagnostic de douleurs thoraciques chez un homme de 55 ans, diabétique, hypercholestérolémique, fumeur, pesant 72 kg. Réalisation d’une épreuve d’effort sur bicyclette ergométrique, injection de 120 MBq (3,2 mCi) de sestaMIBITc99m au maximum de l’effort et acquisition scintigraphique en 10 minutes. Le résultat est normal, éliminant une angine de poitrine. Le patient est reparti avec son résultat moins d’une heure après son arrivée dans le service. Les performances diagnostiques sont améliorées    Les performances diagnostiques, telles que l’accroissement de la qualité des images, une meilleure sensibilité avec une très bonne détection des territoires pathologiques peu étendus, une meilleure spécificité avec diminution du nombre d’examens équivoques (beaucoup moins d’artéfacts, en particulier dans le territoire inférieur), sont améliorées (figures 3 et 4).    Figure 3. Diminution du nombre d’examens équivoques. Exemple de deux examens successifs chez la même patiente ; CC : thallium, gamma-caméra conventionnelle ; résultat équivoque au niveau de la paroi antérieure (atténuation du rayonnement par le sein) cf. flèches. CZT : thallium, caméra CZT ; résultat normal ; la paroi antérieure est mieux visualisée. Figure 4. Diminution des artéfacts avec les caméras CZT par rapport aux caméras conventionnelles.    Pour ces raisons, la durée de l’examen a pu être réduite : acquisitions scintigraphiques plus rapides, diminution du délai requis entre deux acquisitions successives, possibilité d’enchaîner rapidement effort et repos avec deux isotopes différents du fait de la très faible dosimétrie, moindre recours à des images tardives. Dans la plupart des cas, une exploration complète de la perfusion myocardique à l’effort et au repos sera réalisée en moins de 2 heures au total (figure 5).    Figure 5. A. Protocole pour un examen diagnostique chez un patient sans antécédent coronarien. B. Protocole pour un examen de suivi d’un patient coronarien connu.    Enfin, les capacités technologiques de ces machines nous font entrevoir à assez court terme la possibilité d’une véritable quantification de la réserve coronaire. Il s’agira d’une avancée importante, d’une part, parce que la réserve coronaire est diminuée dans les formes les plus sévères de la maladie (atteintes coronaires diffuses), mais aussi, d’autre part, parce qu’elle est altérée dès les stades précoces de la maladie. Dans les cas difficiles, la fusion des données anatomiques (anatomie des artères coronaires) et fonctionnelles (perfusion du muscle cardiaque) est utile. Dans ce cas, on voit bien que le rétrécissement de l’artère coronaire droite en aval du stent (voir flèche figure 6) est responsable d’une ischémie étendue au niveau de la paroi inférieure du myocarde (voir zone bleue figure 6), imposant une nouvelle angioplastie de l’artère.    Figure 6. Diminution de la dosimétrie patient avec les nouvelles caméras CZT et les nouveaux protocoles faible-dose.    L’apparition des caméras cardiaques à semi-conducteurs constitue donc une avancée importante en imagerie cardiaque et un progrès indiscutable pour les patients : meilleur confort, examens plus rapides, diagnostics plus précis, et tout cela avec une irradiation devenue faible, voire négligeable dans bon nombre de cas : en effet, 1 millisievert délivré par un examen scintigraphique d’effort représente à peine le tiers de ce que chacun d’entre nous reçoit annuellement avec l’irradiation naturelle (figure 7).     Figure 7. Fusion scintigraphie myocardique-coroscanner. En pratique    Confort d’examen pour le patient. Acquisitions courtes. Séquences rapides effort-repos ou repos-effort. Examen sensible : meilleure détection des anomalies perfusionnelles de petite taille. Excellente spécificité : importante diminution du nombre d’artéfacts, peu d’examens équivoques. Dosimétrie faible (thallium) ou très faible (agents technétiés). Moins de 1 mSv, c’est-à-dire 3 fois moins que l’irradiation naturelle annuelle, pour une scintigraphie diagnostique normale. Remerciements au Dr Jean-Louis Sablayrolles, CCN.

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