Congrès et symposiums
Publié le 08 jan 2013Lecture 7 min
Le vieillissement vasculaire prématuré : de nouvelles perspectives
CNCH
Le vieillissement du système vasculaire intègre les effets de l’avancée en âge, qui est un facteur d’altération de la matrice extracellulaire de la média artérielle, et les effets combinés des multiples facteurs de risque cardiovasculaire, en particulier l’hypertension artérielle (HTA), les dyslipidémies, l’inflammation chronique, ou encore le diabète. Les effets cumulés de ces différents facteurs de risque accélèrent le vieillissement structural lié au temps, aboutissant au vieillissement vasculaire prématuré. Cette évolution délétère qui se traduit par une rigidification des parois artérielles, avec diminution de la compliance artérielle, devrait pouvoir être freinée par un traitement précoce et approprié des facteurs de risque.
La rigidité du système vasculaire, qui traduit une perte des propriétés élastiques des gros troncs artériels, est mesurable de plusieurs façons :
- par le calcul de la vitesse de l’onde de pouls (VOP), indice non invasif, fiable et bien validé ;
- par la mesure échographique des variations systolo-diastoliques du diamètre artériel permettant de calculer la pression pulsée (PP).
En pratique, la tonométrie d’aplanation permet une évaluation de la VOP et de la PP carotidienne ou périphérique.
Comment évaluer le vieillissement artériel prématuré ?
La rigidité artérielle est aujourd’hui considérée comme un facteur prédictif majeur du risque cardiovasculaire, et la mesure de la VOP comme le gold standard de l’évaluation de la rigidité artérielle(1-3). Des valeurs de référence de la VOP selon les classes d’âge ont été définies dans le cadre d’un projet européen : la VOP augmente progressivement avec l’âge et les valeurs sont d’autant plus éparpillées que les sujets sont plus âgés. Par ailleurs, il a été montré que l’augmentation de la rigidité artérielle avec l’âge est d’autant plus importante que les sujets sont exposés à des niveaux tensionnels élevés. La VOP peut donc être considérée comme un intégrateur des effets du temps et des facteurs de risque.
Il en est de même de l’épaisseur intima-média (EIM) carotidienne, dont l’augmentation est corrélée à l’âge et aux différents facteurs de risque cardiovasculaire. Cet indice intègre les effets de l’amplification de la pression artérielle centrale. Le vieillissement artériel accéléré peut donc être évalué grâce à ces paramètres que sont la VOP, l’EIM et la pression centrale, comparativement au vieillissement normal. Ainsi, le suivi longitudinal d’une cohorte de 483 sujets, dont 187 hypertendus traités et 296 normotendus non traités revus à 7 ans d’intervalle, a montré une progression importante de la VOP carotido-fémorale chez les sujets hypertendus, d’autant plus importante qu’ils sont âgés, contrastant avec une moindre évolution chez les normotendus(4).
Comment agir sur la rigidité artérielle ?
L’abaissement de la pression artérielle permet d’améliorer la VOP de façon passive en diminuant la sollicitation exercée sur les fibres collagènes. Cette amélioration est surtout liée à une diminution de la PAS centrale et de la PP centrale(5), qui sont elles-mêmes étroitement corrélées à la survenue des événements cardiovasculaires (coronaropathies, hypertrophie ventriculaire gauche, fonction diastolique du ventricule gauche) et à l’épaisseur intimamédia (EIM) carotidienne. A contrario, la PP périphérique est un plus mauvais indicateur de risque cardiovasculaire que la PP centrale(6).
Pour freiner la rigidité artérielle et donc le vieillissement vasculaire prématuré, tous les antihypertenseurs ne sont pas équivalents, même s’ils procurent un abaissement comparable de la pression artérielle périphérique. De toutes les classes d’antihypertenseurs, ce sont les IEC qui permettraient le mieux d’abaisser la PAS centrale, en raison de leur effet vasodilatateur qui entraîne un amortissement des ondes de réflexion de la pression artérielle(7). Cet effet bénéfique sur la rigidité artérielle a été confirmé avec le périndopril dans le cadre de l’étude Complior, qui a montré une baisse de la VOP carotido-fémorale au bout de 6 mois de traitement(8) et avec l’association amlodipine/périndopril par l’étude CAFE(9).
Autre marqueur du risque cardiovasculaire, la variabilité tensionnelle peut être appréciée par la mesure clinique de la PA, en automesure ou en mesure ambulatoire, soit au jour le jour, soit de visite en visite, soit de semaine en semaine, soit d’année en année. La variabilité tensionnelle est fonction de multiples facteurs, en particulier la rigidité artérielle, et particulièrement corrélée au risque vasculaire cérébral et à la survenue des événements coronariens, indépendamment de la PAS périphérique moyenne(10). En outre, il a été montré que le risque d’événements cardiovasculaires diminue au prorata de la variabilité tensionnelle inter-visite, ce qui sous-entend que les patients traités pour une HTA sont d’autant moins à risque qu’ils sont régulièrement à l’objectif tensionnel(11).
Tous ces éléments plaident pour une prise en charge moderne de l’HTA, facteur de risque majeur du vieillissement vasculaire prématuré, qui tienne compte des effets spécifiques des traitements antihypertenseurs sur les paramètres prédictifs du risque, à savoir la VOP, la PA centrale et la variabilité tensionnelle.
Traiter précocement et suffisamment
L’évaluation du risque cardiovasculaire pourrait tendre à minimiser le risque de vieillissement vasculaire prématuré chez les sujets encore jeunes et à retarder la mise en route d’un traitement antihypertenseur puissant qui non seulement normalise la PA mais prévient la rigidité du système artériel et ses conséquences sur les organes. Le concept de traitement précoce est né des expérimentations réalisées chez le rat spontanément hypertendu, qui ont montré qu’un traitement précoce par IEC prévient l’augmentation de la PA, contrairement à un traitement tardif, leur rigidité aortique est moindre, et le rapport élastine/collagène de leur média artérielle est similaire à celle des animaux normotendus. Les études réalisées chez l’humain corroborent le concept de traitement précoce, en montrant le bénéfice d’un contrôle précoce de la PA sur la réduction du risque cardiovasculaire, y compris chez les sujets âgés et/ou ayant des comorbidités(12,13).
Quel antihypertenseur choisir ?
Le choix de l’antihypertenseur devrait reposer sur les critères suivants :
- amélioration des paramètres hémodynamiques les plus péjoratifs ;
- effet sur l’ensemble du nycthémère ;
- absence d’effets délétères sur les autres facteurs de risque cardiovasculaire ;
- réduction de la morbi-mortalité ;
- bonne tolérance.
L’étude CAFE a apporté la démonstration que l’association amlodipine/périndopril souscrit à ce cahier des charges(9). Cette étude pionnière a, en effet, montré que l’association amlodipine/périndopril se distingue de son comparateur (aténolol/thiazide) par les effets hémodynamiques centraux, c’est-à-dire la baisse de la PAS centrale, ce qui explique la réduction du risque de morbi-mortalité cardiovasculaire pour un même niveau de PA périphérique. Le traitement par amlodipine/périndopril permet une large couverture sur les 24 heures authentifiée par la diminution de la PAS nocturne, contrairement à son comparateur, et sans abaissement de la PAD qui serait délétère, en particulier chez les coronariens(14).
Il existe une grande hétérogénéité entre les différents antihypertenseurs en termes d’effets pharmacologiques, y compris à l’intérieur d’une même classe thérapeutique, à laquelle répond une disparité des bénéfices sur la mortalité. En témoigne une récente métaanalyse des essais évaluant les inhibiteurs du système rénine-angiotensine où seuls les IEC ont fait la preuve d’une réduction de la mortalité totale(15).
L’absence d’effets délétères et la bonne tolérance de l’association sont reconnues. Enfin, la stratégie de traitement antihypertenseur associant un IEC et un calcium-bloqueur est largement recommandée.
En conclusion, il ne suffit pas d’abaisser la pression artérielle pour freiner le vieillissement du système artériel et prévenir les événements cardiovasculaires et la mortalité. Aller au-delà suppose de traiter précocement et d’employer des thérapeutiques qui ont fait la preuve de bénéfices sur les paramètres hémodynamiques.
D’après P. Boutouyrie, J.-P. Baguet et J.-J. Mourad, lors des 18es Assises du Collège National des Cardiologues des Hôpitaux
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