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Cardiologie interventionnelle

Publié le 04 mai 2010Lecture 9 min

ACC/i2 2010 et cardiologie interventionnelle : morceaux choisis

C. SPAULDING, Hôpital Cochin, Paris


ACC
Le petit frère de l’ACC consacré à la cardiologie interventionnelle est une manifestation intégrée au programme depuis 2006 pour promouvoir la cardiologie interventionnelle au sein de l’ACC. Après des débuts un peu difficiles, i2 a pris son rythme de croisière et associe des cas en direct, des sessions thématiques et, bien entendu, des présentations de travaux originaux. L’année 2010 aura été marquée par des surprises, des confirmations et des innovations.

SORT-OUT III : la sécurité du stent ENDEAVOR mise en cause Les résultats à 18 mois de SORT-OUT III ont été présentés par Michael Maeng dans le cadre d’une session « late breaking trial ». C’est dire l’importance accordée aux résultats de cette étude qui ont été publiés en même temps dans le Lancet. Dans cette étude, des patients hospitalisés pour angioplastie coronaire ont été randomisés pour recevoir soit le stent à élution de sirolimus CYPHER, premier stent actif mis sur le marché soit le stent à élution de zotarolimus ENDEAVOR. La conception de cette étude « tout venant » est particulièrement originale. Et on a inclu tous les patients hospitalisés pour une angioplastie, même en urgence ou à haut risque. Ce type d’étude sans critère d’exclusion permet d’inclure une population qui est le reflet de notre pratique courante et non pas les patients triés sur le volet d’une étude randomisée. La deuxième particularité est le suivi dans le cadre du système de santé danois. Au lieu de faire revenir les patients au centre investigateur, ces derniers sont suivis normalement par leurs cardiologue et médecin traitant et les données sont collectées dans le dossier patient commun accessible en ligne. Le centre d’investigation va donc prendre les événements dans cette banque informatique et les patients ou médecins traitants ne sont contactés qu’en cas de données manquantes ou discordantes. Cette approche simplifie largement le suivi des patients et permet également d’avoir une image réelle des événements intercurrents. Les résultats de SORT-OUT III ont surpris l’assistance. En effet, le stent CYPHER dit « de première génération » a été accusé depuis longtemps d’avoir un taux élevé de thromboses tardives de stent. À l’inverse, le stent de « deuxième génération » ENDEAVOR est connu pour être moins efficace sur la prévention de la resténose mais comme une endoprothèse plus sûre avec un taux de thromboses tardives peu élevé dans toutes les études randomisées. L’étude SORT-OUT III confirme la supériorité du stent CYPHER sur la prévention de la resténose avec un taux moins important de revascularisations itératives à 18 mois (figure 1 A) mais montre une sécurité accrue avec le CYPHER avec une fréquence moindre de décès, infarctus et thrombose de stent (figure 1 B, C, D). Figure 1. ETUDE SORT OUT III. Résultats à 18 mois. A. Revascularisations ; B. Mortalité globale ; C. Infarctus du myocarde ; D. Thrombose de stent. Ces résultats ont fait naitre une polémique sur la méthodologie de l’étude qui est pourtant remarquable. Les véritables interrogations doivent porter sur l’application trop rapide sur le terrain des résultats d’études randomisées qui trient les patients sur des critères hautement sélectifs. Il est possible que les résultats favorables obtenus en termes de sécurité avec le stent ENDEAVOR soient liés à la sélection de patients à faible risque dans les études randomisées qui ont permis sa mise sur le marché. SORT-OUT III a inclus des patients identiques à ceux traités en pratique quotidienne, donc à plus haut risque de complications, et démontre un taux supérieur de complications graves avec le stent ENDEAVOR par rapport au CYPHER, ce qui met à mal le message de sécurité accrue… Quelles sont les conclusions à tirer en pratique quotidienne ? La thrombose de stent est un événement rare qu’il est difficile de cerner dans des études randomisées hautement sélectives. Il vaut mieux se fier aux registres ou à des études « tout venant » en attendant le résultat d’études dédiées à ce problème. SORT-OUT III démontre que le stent ENDEAVOR n’a pas tenu ses promesses en termes de sécurité et que le bon vieux CYPHER reste encore une valeur sûre en termes d’efficacité et de sécurité. DEdication et passion : Les stents actifs en phase aiguë d’infarctus du myocarde encore « présumés coupables » ! Dans le domaine de la cardiologie interventionnelle, l’utilisation des stents actifs en phase aiguë d’infarctus du myocarde a été pendant longtemps un sujet de polémique. La publication de plusieurs études, dont TYPHOON, STRATEGY, MULTISTRATEGY et HORIZON, a permis de démontrer la sécurité et l’efficacité des endoprothèses actives à un an. Comme une armée qui proclame des victoires en reculant, les opposants aux stents actifs ont ensuite porté la polémique sur le front du suivi à long terme. Deux études présentées à i2 leur ont apporté un peu de grain à moudre. DEDICATION et PASSION ont randomisé entre stent actif et non actif des patients se présentant avec un infarctus du myocarde. Les résultats à 3 ans de DEDICATION montrent toujours l’efficacité des stents actifs sur la prévention de la resténose mais un taux plus élevé de décès cardiaques (tableau 1). À 5 ans, PASSION montre une tendance à davantage de thromboses tardives de stent. Si ces résultats ont ravi les opposants aux stents actifs en phase aiguë d’infarctus du myocarde, il ne faut pas oublier que ces études sont relativement petites. Par ailleurs, la majorité des décès constatés dans DEDICATION étaient en rapport avec l’évolution progressive d’une insuffisance cardiaque après infarctus, et donc probablement sans rapport avec une complication liée à l’endoprothèse active. Enfin, l’endoprothèse utilisée dans PASSION était le TAXUS. Plusieurs registres et études randomisées ont démontrée le taux particulièrement élevé de thromboses tardives de stent avec ce type de prothèse. Il est important de rappeler que toutes les grandes études sur ce sujet brûlant disposant d’un suivi à long terme (STRATEGY, TYPHOON, PASEO avec le stent CYPHER) ont démontré la sécurité et l’efficacité des stents actifs dans ce contexte. Il semble donc licite de proposer l’implantation d’un stent actif en phase aiguë d’infarctus du myocarde aux patients à haut risque de resténose (diabétiques, lésions longues, petites artères). FIR : ne laissez pas mijoter les syndromes coronariens aigus L’heure de la coronarographie dans les syndromes coronariens aigus (SCA) est un de ces terrains de sport où les cardiologues interventionnels peuvent s’affronter avec joie et indélicatesse contre les non-interventionnels. Plusieurs études, dont ACCOAST réalisée en France, plaident en faveur de la réalisation dans les 24 à 48 heures d’une coronarographie dans le SCA. Pourtant, d’autres études, telles qu’ICTUS, ont démontré que l’on peut traiter ces patients médicalement et réserver la coronarographie aux seuls patients présentant un test d’ischémie positif, ce qui a ravi les non-interventionnels. C’est dans cette ambiance que Keith Fox a présenté une métaanalyse de trois études réalisés sur ce thème : RITA, ICTUS et FRISC II. Les résultats plaident largement en faveur d’une attitude invasive (tableau 2) par rapport à l’attente armée. Il n’en reste pas moins que la décision de réaliser une coronarographie au cours d’un SCA doit reposer sur une évaluation du risque évolutif, des comorbidités, de l’âge physiologique du patient et des possibilités de suivi et d’observance thérapeutique, pour éviter des gestes inutiles, voire dangereux. EVEREST II : que la montagne est belle ! Le domaine des pathologies valvulaires est le nouvel Everest de la cardiologie interventionnelle. Si le sommet semble être en vue pour le rétrécissement aortique, la voie d’accès de l’insuffisance mitrale semble plus difficile à trouver. Dans cette optique, la présentation d’EVEREST II par Ted Feldman n’est pas passée inaperçue. Le principe du système MITRACLIP consiste à poser par voie percutanée un clip sur la grande et la petite valve mitrale de façon à réduire l’insuffisance mitrale (figure 2). Ce système a été testé dans l’étude EVEREST II. L’approche percutanée a été comparée à la chirurgie mitrale, plastie le plus souvent. Les résultats sont encourageants pour le système MITRACLIP. On note une amélioration des symptômes cliniques similaire dans les deux groupes, avec cependant moins d’insuffisance mitrale et plus de complications dans le groupe chirurgical. À noter qu’Elisabeth Taylor a bénéficié de cette procédure percutanée et s’est empressé d’en vanter publiquement les mérites sur Twitter ! Cette approche percutanée semble offrir de belles perspectives à la cardiologie interventionnelle dans le domaine mitral. Il faudra cependant des études randomisées à grande échelle pour arriver à un niveau de preuve dépassant le stade hollywoodien… Figure 2. Système MITRACLIP. Le spectacle coréen : MAIN COMPARE et DES LATE Seung-Jung Park (Seoul, Corée) a pris l’habitude d’impressionner les réunions de cardiologie interventionnelle par ses études à grande échelle, parfois difficiles à comprendre. Il n’a pas failli à la règle en 2010. Deux études émanant de son centre ont fait la une : les résultats à long terme de MAIN COMPARE et DES LATE, première étude étudiant l’arrêt ou la poursuite d’une double antiagrégation plaquettaire un an après la pose d’un stent actif. MAIN COMPARE : une confirmation au long cours MAIN COMPARE est un registre de patients avec une sténose du tronc commun qui ont été traités soit par chirurgie de pontage soit par angioplastie. Le suivi à un an avait montré une sécurité comparable mais un taux plus important de revascularisations itératives dans le groupe des patients traités par angioplastie. Les résultats à trois ans confirment ces résultats. DES LATE : il faudra encore attendre L’équipe de Park a été la première à communiquer les résultats de cette étude comparant la poursuite du clopidogrel au-delà d’un an après la pose d’un stent actif à la poursuite seule de l’aspirine, DES LATE. Les résultats sont en faveur d’une monothérapie avec plus d’événements graves dans le groupe clopidogrel et aspirine. Ces résultats, publiés en même temps dans le New England Journal of Medicine doivent être interprétés avec prudence. En effet, les résultats proviennent en fait de deux études similaires qui ont été réunies pour obtenir rapidement un nombre suffisant de patients. Par ailleurs le suivi est incomplet. Comme en patinage de vitesse, on peut donc saluer les Coréens d’avoir franchi la ligne d’arrivée avant les autres, mais il faut attendre le peloton des études en cours sur le sujet pour conclure en pratique quotidienne. À noter la présence de Français en embuscade sur ce sujet avec notamment ARTIC et OPTIDUAL. CARDS ou comment être Doubs avec les femmes François Schiele de Besançon (Doubs) s’est intéressé au devenir des femmes dans le contexte de l’infarctus du myocarde. En se basant sur un registre remarquable (CARDS) de plus de 3 000 patients et en utilisant un score de propensité, il démontre que l’augmentation de mortalité constatée chez les femmes est liée à la sous-utilisation des procédures de revascularisation chez elles. On peut donc améliorer le pronostic des femmes en phase aiguë d’infarctus du myocarde en proposant de façon plus régulière l’angioplastie primaire, sans discrimination. Il n’en reste pas moins que d’autres registres français tels que CARDIO-ARHIF en Île-de-France ont démontré une différence de mortalité entre hommes et femmes qui persiste après ajustement chez des patients qui ont tous été traités par angioplastie primaire. Il faut donc non seulement revasculariser les femmes, mais probablement rechercher d’autres moyens qui permettent d’améliorer leur pronostic tels que la voie radiale pour diminuer les complications locales. En pratique Les congrès de cardiologie interventionnelle sont désormais nombreux et souvent en concurrence pour l’annonce des premiers résultats d’études majeures. Si cette cuvée de l’ACC/i2 n’a pas été un « grand cru » avec la présentation de résultats spectaculaires, elle a permis de belles joutes verbales sur des sujets polémiques, une confirmation de résultats connus et un espoir pour l’avenir de certaines techniques. Bref un congrès agréable dans la douceur du sud des États-Unis.

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