Publié le 07 déc 2004Lecture 8 min
Actualité subjective de la cardiologie
E. FERRARI, CHU de Nice
Quelle est, en Écho-Doppler, l'augmentation de taille d'un thrombus veineux qui est en faveur d'une récidive de TVP ? Le diagnostic en imagerie d’une récidive de TVP lorsque la veine considérée était le siège d’un thrombus rémanent est particulièrement difficile. Lorsque la phlébographie était l’examen de référence, une augmentation de la longueur du thrombus de 5 cm était un critère très en faveur d’une extension ou d’une récidive. En écho-Doppler, aucun critère n’est admis et c’est souvent « l’impression » de l’échographiste qui prime. Dans ce travail, des écho-Dopplers veineux ont été pratiqués par deux échographistes très expérimentés et très motivés chez 50 patients ayant présenté une TVP proximale. Le but était de confronter la description échographique du caillot, en particulier sa longueur et la situation de son pôle proximal par rapport à des repères anatomiques conventionnels. Le résultat est assez surprenant puisque chez ces échographistes « expérimentés et motivés » une différence de 9 cm sur la localisation de la tête du caillot est habituelle. En conclusion, une différence de la longueur d’un thrombus veineux de 9 cm fait partie de la variabilité à attendre entre deux examinateurs d’expérience et ne doit pas être interprétée trop vite comme une extension. Faut-il dilater rapidement les patients venant de bénéficier d’une thrombolyse après un IDM ST+ ? Avant l’ère du stenting, l’angioplastie au ballonnet seul, rapidement après une thrombolyse pour IDM ST+, n’avait pas démontré de bénéfice... au contraire : on notait un excès de saignements et d’événements coronaires lorsqu’une dilatation au ballonnet seul était pratiquée immédiatement après une thrombolyse. Cette étude randomisée est la première à avoir testé l’angioplastie-stenting systématique après IDM thrombolysé. Cinq cents patients ont été inclus. La moitié étaient angiographiés et stentés « rapidement » (à H17 tout de même) ; les autres n’étaient angiographiés et revascularisés que si une ischémie survenait. À 30 jours comme à 1 an, il n’y a aucune différence en termes de décès ou d’IDM. On observe un bénéfice, tant dans la phase hospitalière qu’à 1 an, dans le groupe revascularisation systématique, du fait d’un plus faible taux de récidives ischémiques spontanées (2 vs 12 % p < 0,0001). Cette étude n’avait pas la puissance suffisante pour détecter une différence sur les critères « durs » décès et réinfarctus. Mais lorsqu’on constate le strict match nul en termes de décès (2 %) et de réinfarctus (1 %) en phase hospitalière on peut aussi conclure, comme le fait l’éditorial, qu’il serait sage d’opter pour une lyse immédiate et un stent différé… mais pas trop. Érythromycine et risque de mort subite : attention aux coprescriptions On sait depuis longtemps que l’érythromycine (antibiotique de la famille des macrolides) prolonge la repolarisation cardiaque et risque d’induire des torsades de pointe et des morts subites. L’association érythromycine-amiodarone est depuis longtemps une des coprescriptions reconnues comme à risque. Les auteurs ont voulu confirmer le risque engendré par l’érythromycine seule et savoir si une coprescription à des médicaments qui inhibent le cyt P450 (par lequel se fait le métabolisme de l’érythromycine) augmentait ce risque de décès brutal. L’étude a porté sur 1 476 morts subites retrouvées dans l’état du Tennessee. Les résultats sont que la prescription d’érythromycine seule multiplie par 2 le risque de mort subite, tandis que l’association avec des inhibiteurs du cyt P450 — comme les imidazolés (kétoconazole, itraconazole et fluconazole) — mais aussi le diltiazem, le vérapamil ou la troléandomycine — qui tous ralentissent par un facteur 2 le métabolisme de l’antibiotique — multiplie par plus de 5 ce risque. Voilà un bel exemple d’interaction médicamenteuse grave qui doit intéresser autant le généraliste, l’infectiologue, le cardiologue… que le gériatre. Le régime alimentaire peut-il modifier l'équilibre d'un traitement AVK ? Par essence, une modification de l’apport alimentaire en vitamine K peut influer sur l’antagonisme désiré des antivitamines K. Ces modifications sont-elles « cliniquement relevantes » ? Ces auteurs brésiliens ont « infligé », chez des patients bien équilibrés par AVK, un régime alimentaire d’abord beaucoup plus riche en vitamine K puis beaucoup plus pauvre que leur régime de base. La durée de ces régimes était de 4 jours. L’apport en vitamine K était multiplié par 5 (dans la phase « hypervitaminose K ») puis divisé par 5 (dans la phase « hypovitamine K »). Le résultat est qu’un apport en vitamine K 5 fois plus important que « la normale » peut faire diminuer l’INR qui passe de 3,1 à 2,8. De même, un apport en vitamine K 5 fois moins riche « que la normale » peut potentialiser l’effet de l’AVK et augmenter l’INR de 2,6 à 3,3. La conclusion de l’auteur est qu’il y a une interférence très significative (les articles à conclusion positive sont toujours plus faciles à faire accepter). Notre point de vue est que, pour des changements aussi importants de l’apport en vitamine K, situations probablement exceptionnelles en pratique courante, les modifications sur l’INR restent dans les limites acceptables de ± 20 %, variations qui, en pratique, ne doivent justement pas faire modifier trop vite la posologie de l’AVK. Doit-on faire remplacer la valve aortique chez un patient à ponter lorsqu’existe un RAO modéré ? Chez un patient coronarien devant bénéficier de pontages et qui présente une sténose aortique non critique, faut-il insister pour rajouter au geste opératoire un remplacement valvulaire, ou doit-on se contenter des pontages ? Si la question se pose, c’est que le risque opératoire d’une chirurgie ponts + valve est à peu près doublé par rapport à une chirurgie de pontage seule. En fait, la mortalité opératoire dépend de l’âge : 4 % pour « ponts + valve » vs 1,3 % pour « ponts seuls » chez des sujets de moins de 55 ans ; 8,6 vs 5,7 % si > 75 ans. Cette étude propose un modèle d’analyse décisionnelle qui, grâce aux chiffres reconnus dans la littérature, nous dit chez quels patients il faut insister pour changer aussi la valve et chez lesquels il faut au contraire freiner éventuellement les ardeurs du chirurgien : • en dessous de 70 ans, il faut rajouter un remplacement aortique si le gradient systolique est > 25-30 mmHg ; • pour les patients plus âgés, il faut tenir compte du taux moyen de progression du RAO et de l’âge. Pour une progression du gradient de 1 à 2 mmHg/an chez un sujet de 85 ans, le remplacement aortique ne sera bénéfique que si le gradient est > 50 mmHg. Pour une progression plus rapide (> 10 mmHg/an) le bénéfice du remplacement aortique pourra exister, même à 80 ans, lorsque le gradient est > 30 mmHg. Le principe est bien d’éviter un surrisque opératoire et postopératoire (en particulier du fait du traitement AVK) lorsque l’évolution de la sténose aortique laisse présager une gêne fonctionnelle modeste. Faut-il dilater les sténoses serrées (non coupables) dans le même temps que la lésion coupable lors d'une angioplastie primaire pour infarctus aigu ? Cette question est importante, non résolue et source de débats passionnés. Lorsqu’un patient thrombose l’IVA lors d’un IDM aigu et qu’il présente une sténose très serrée de la Cx ou de la droite, faut-il dilater les deux lésions dans le même temps lors de l’angioplastie primaire ? Cette équipe a séparé plus de 820 patients ayant bénéficié d’une angioplastie primaire pour IDM aigu en trois groupes : • les monotronculaires, • les pluritronculaires chez lesquels seule la lésion coupable avait été dilatée, • les multitronculaires chez lesquels le cathétériseur avait choisi de dilater la lésion coupable et au moins une autre lésion sur un autre vaisseau. Le résultat peut surprendre, mais le pronostic à 1 an est péjoratif chez ceux qui ont été traités sur des lésions non coupables avec : • plus de réinfarctus : 13 vs 2,8 % : p < 0,001 ; • plus de nécessité de revascularisation : 25 vs 15 % : p = 0,007 ; • plus d’événements graves (MACE) 40 vs 28 % : p = 0,006. Les auteurs (dont l’objectif avoué était de démontrer que l’on peut tout angioplastier lors de la phase aiguë) concluent qu’il ne faut s’attaquer qu’à la lésion coupable de l’IDM et « sérier » plus tard les indications des autres angioplasties en fonction d’une ischémie documentée. Il y a parfois un abîme entre ce que l’on croit bon et ce qui est bon pour le patient.
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