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Coronaires

Publié le 17 oct 2006Lecture 7 min

Angioplastie du tronc commun - Un traitement de routine ?

E. TEIGER, hôpital Henri-Mondor, Créteil

Longtemps restées le domaine exclusif de la revascularisation chirurgicale, les sténoses du tronc commun sont de plus en plus traitées par angioplastie. Cette évolution découle de l’amélioration des techniques et de l’arrivée des endoprothèses pharmacologiquement actives mais les études solides comparatives avec le traitement chirurgical sont encore en attente. Peut-on considérer à ce stade que l’angioplastie du tronc commun soit devenue un traitement de routine dans les salles de cathétérisme ?

L’angioplastie du tronc commun reste un sujet de controverse depuis les débuts de l’angioplastie. La difficulté n’est en général pas liée aux problèmes techniques bien que ceux-ci puissent exister en fonction des caractéristiques anatomiques des lésions en cause mais plutôt en lien avec la pérennité du résultat à long terme. Dans la pratique quotidienne, l’existence d’une sténose significative du tronc commun est observée relativement fréquemment (5 à 8 % des coronarographies pathologiques) et constitue indiscutablement un caractère de gravité de la maladie athéroscléreuse retrouvé dans toutes les séries cliniques. En effet, l’absence de revascularisation dans cette situation est grevée d’un pronostic sévère, ce qui explique que la chirurgie a longtemps été considérée comme le « gold standard » dans cette indication, où elle a montré un bénéfice clair en termes de mortalité comparativement au traitement médical. L’évolution progressive des techniques de cardiologie interventionnelle avec la généralisation des stents et plus récemment l’arrivée des endoprothèses actives a-t-elle remis en question cette attitude au point de considérer l’angioplastie comme un possible traitement de routine ?   Quels sont les éléments d’évaluation cliniques à notre disposition ? Compte-tenu de l’historique mentionné, l’angioplastie du tronc commun a longtemps constitué un domaine réservé de la chirurgie, ce qui explique que l’on ne dispose dans cette indication d’aucune étude randomisée conséquente. Initialement limitée au traitement des troncs communs « protégés », l’angioplastie a démontré très tôt sa faisabilité technique et la bonne tolérance d’une inflation brève sur la fonction ventriculaire gauche. Le principal problème restait le taux élevé d’événements cardiovasculaires dans les suites. La mortalité dans les séries de la fin des années 80 était élevée (près de 30 % pour O’Keefe et al.) avant l’apparition des stents. La généralisation de l’utilisation des endoprothèses a permis de diminuer le taux de resténose qui restait néanmoins élevé, ce qui a semblé limiter l’angioplastie aux mauvais candidats chirurgicaux.   Identifier le risque Cependant les facteurs pronostiques susceptibles d’identifier les patients le plus à même de bénéficier de l’une ou l’autre des deux techniques ne font pas l’objet d’un consensus. En effet, si les échelles de risques comme l’EUROSCORE ou le score de Parsonnet sont bien corrélées au risque chirurgical, il n’existe pas à l’heure actuelle d’équivalents pour le risque d’angioplastie. Un score d’angioplastie devrait comporter, en plus des caractéristiques cliniques, les critères angiographiques qui conditionnent à la fois le succès immédiat et le résultat à distance de la procédure.   Une atteinte polymorphe Du point de vue de l’angioplasticien, les sténoses du tronc ne peuvent pas être considérées comme une entité homogène qui relèverait systématiquement de la même stratégie de revascularisation. Les localisations ostiales et médianes, qui représentent environ un tiers des cas, sont les plus accessibles à un geste d’angioplastie, avec néanmoins les difficultés liées à la couverture correcte de l’ostium et à l’important retour élastique. Les localisations distales sont les plus fréquentes (environ deux tiers des cas) et les plus difficiles avec, là aussi, des situations variables en fonction de l’atteinte ou non des ostia de l’interventriculaire antérieure et de la circonflexe, qui détermine l’existence d’une vraie bifurcation nécessitant un traitement adapté. Dans cette situation, l’angulation respective des deux branches (parfois de trois) (figures 1, 2 et 3), la sévérité de la sténose ainsi que le niveau de calcification sont à prendre en compte lors de la procédure, qui doit, en tout état de cause, être rapide pour ne pas exposer le patient à une ischémie étendue et prolongée (l’existence d’une coronaire droite perméable avec une collatéralisation de suppléance est un important critère à considérer). Figure 1. Lésion de bifurcation du tronc commun chez un patient de 86 ans présentant des OAP à répétition et une contre-indication à la chirurgie. Figure 2. Mise en place du guide. Figure 3. Résultat final après mise en place d'endoprothèse dans les 3 artères. Stents actifs : des résultats disparates pharmacologiquement Dans les séries récemment publiées utilisant les stents actifs, les résultats sont relativement disparates. Dans l’étude de Lee et al le pourcentage de patients indemnes d’événement à un an est de 82,9 %, ce qui se compare favorablement au groupe chirurgical non randomisé (75,2 % de survie sans événement). Une revascularisation du vaisseau-cible a été réalisée chez 13 % des patients du groupe angioplastie versus 5,5 % du groupe chirurgie. Dans la série de Price et al portant sur 50 patients présentant essentiellement des lésions distales du tronc qui ont été suivis par des angiographies répétées, le taux de resténose est très élevé (42 %), en particulier au niveau de la branche circonflexe. Ce taux très élevé s’explique sans doute par les techniques utilisées : • soit le « kissing stent », où deux stents sont implantés simultanément sur les ostia de l’IVA et de la circonflexe ; • soit le « crush  stenting », où le stent de la branche de bifurcation est écrasé par le stent de la branche principale. En effet, dans le registre de Rotterdam (RESEARCH et T-SEARCH), le pourcentage de resténose est de 13 % à 1 an et, dans l’étude pilote française menée avec le stent au paclitaxel où la technique préférentielle a été le « provisional T stenting », le taux de réinterventions est de 12,5  % mais concerne en majorité une autre lésion que la lésion cible (10,9 %). La variété des techniques de traitement de la bifurcation distale du tronc commun rend difficile la comparaison des résultats entre eux et constitue sûrement un paramètre qui devrait être homogénéisé dans les études randomisées à l’avenir. L’étude LEMANS, bien qu’elle ne soit pas encore publiée, est la seule étude randomisée versus chirurgie pour laquelle on dispose de quelques données. Dans cette série d’une centaine de patients où seulement 35 % des patients dilatés ont reçu un stent actif, il n’y a pas de différence significative en termes de mortalité et de nécessité de revascularisation du vaisseau cible entre les deux groupes. En revanche, la fonction ventriculaire gauche s’est significativement améliorée dans le groupe angioplastie comparativement au groupe chirurgie et le taux d’événements périprocéduraux a été significativement plus bas.   Aujourd’hui, l’angioplastie du tronc commun est-elle un traitement de routine ? L’angioplastie du tronc commun concerne donc des situations et des patients dont les pronostics sont très différents. En cas de contre-indication chirurgicale ou de risque opératoire élevé (Parsonnet > 15), et si la lésion est située sur la partie ostiale ou médiane du tronc commun, l’angioplastie du tronc commun est tout à fait licite. Il faut néanmoins  s’entourer de précautions concernant notamment l’imprégnation en antiagrégants plaquettaires (l’utilisation d’anti-GPIIb/IIIa doit être large), avoir à disposition des stents actifs de diamètre adapté et la possibilité de faire une échographie endocoronaire pour préciser les caractéristiques anatomiques exactes de la lésion, et pouvoir ainsi évaluer le résultat final. En cas de lésion de la distalité du tronc, beaucoup plus fréquente, les indications sont plus délicates. Cette localisation apparaît clairement comme un élément du pronostic dans plusieurs études, notamment dans le registre de Rotterdam. Elle pose le problème de la technique de traitement de la bifurcation qui devrait être le « provisional T stenting » en ayant recours si possible à un seul stent. Dans cette situation, la confrontation médico-chirurgicale est indispensable, en tenant compte de l’existence d’autres lésions associées et de l’ensemble du dossier clinique du patient, en particulier s’il ne présente aucune contre-indication à la chirurgie. La faisabilité technique du geste d’angioplastie ne signifie pas pour autant que cette option soit forcément celle à retenir pour le patient. Dans tous les cas, la coronarographie à distance doit être d’indication large pour le suivi de ces patients qui peuvent bénéficier également de l’excellente qualité du scanner coronaire dans cette localisation.   Les stratégies sont-elles susceptibles d’évoluer ? Plusieurs éléments sont susceptibles de faire évoluer les attitudes dans un avenir proche : - les résultats d’études randomisées de plus large échelle devraient apporter prochainement des éléments de comparaison intéressants : ce sont les études COMBAT (1 000 patients randomisés, stent au sirolimus versus chirurgie) et SYNTAX (patients multitronculaires dont un grand nombre avec sténose du tronc commun randomisés versus chirurgie), - on peut espérer que des stents de bifurcation actifs spécifiquement dédiés à cette indication seront bientôt disponibles, ce qui devrait permettre de simplifier la procédure initiale et d’assurer la pérennité du résultat à long terme.

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