Publié le 30 mai 2006Lecture 5 min
Angioplastie facilitée : intérêts et pratique
A. JÉGOU, hôpital Ambroise Paré, Boulogne-Billancourt
Le concept d’angioplastie facilitée correspond à la combinaison d’une thrombolyse et d’une angioplastie coronaire dans la prise en charge des syndromes coronariens aigus (SCA) avec sus-décalage du segment ST. Il a été développé dans le but de réduire le temps d’ischémie myocardique avant l’angioplastie. Mais cette méthode se heurte à des taux de complications hémorragiques importants, pour des résultats cliniques décevants en termes de myocarde sauvé et de gain sur la mortalité.
Le concept d’angioplastie facilitée
La réouverture coronaire complète et précoce (avec obtention d’un flux TIMI 3), qu’elle soit obtenue par une action mécanique ou pharmacologique, permet de réduire la taille de l’infarctus et de diminuer la mortalité. La supériorité de l’angioplastie primaire sur la thrombolyse est modulée par le délai de la mise en œuvre de cette technique et par le temps d’acheminement du patient vers un centre bénéficiant d’un plateau technique adapté. Elle n’est assurée, pour l’instant, que dans les trois premières heures de l’infarctus (figure 1).
Figure 1. Prise en charge de l’infarctus en fonction du contexte hospitalier.
Le concept d’angioplastie facilitée a été développé afin de réduire, dans les premières heures de la prise en charge des SCA avec sus-décalage du segment ST, le délai de reperfusion coronaire par l’administration d’un agent fibrinolytique avant l’angioplastie.
Protocoles utilisés
Plusieurs études ont été élaborées en fonction de la dose de thrombolytique (pleine dose ou demi-dose) utilisée, associée ou non à des inhibiteurs de la glycoprotéine GpIIb/IIIa, et de l’angioplastie.
Pleine dose de fibrinolytique suivie d’angioplastie
Historiquement, les premières données sur l’angioplastie en postthrombolyse ont été rapportées dans les cas d’angioplastie de sauvetage, avec des résultats très variables en ce qui concerne la préservation myocardique et la mortalité. La plupart de ces études étaient en faveur d’une baisse des récidives ischémiques dans le bras angioplastie primaire comparé au traitement conservateur (thrombolyse ± angioplastie), mais au prix de complications hémorragiques plus importantes lorsque l’angioplastie était réalisée immédiatement au décours de la thrombolyse.
Demi-dose de thrombolytique versus placebo
Afin de réduire les complications hémorragiques, des études utilisant des doses réduites de thrombolytique ont été élaborées.
L’étude PACT (1999) a comparé une demi-dose de rt-PA (50 mg) administrée en bolus au placebo chez 606 patients. Le flux TIMI 3 a été obtenu avant l’angioplastie dans 34 % du groupe thrombolyse et seulement 18 % du groupe placebo (p < 0,001), mais cette fois-ci sans différence en termes de complications hémorragiques (13,5 vs 12,9 % ; p = NS). Cependant, cette étude est négative en ce qui concerne la préservation myocardique étudiée sur une angiographie réalisée entre 5 et 7 jours après l’infarctus (58,4 ± 12,5 % dans le groupe placebo vs 58,2 ± 13 % dans le groupe thrombolyse ; p = NS).
Demi-dose de thrombolytique + anti-GpIIbIIIa
La période de postthrombolyse immédiate s’accompagne d’une activation plaquettaire qui pourrait être atténuée par l’action des inhibiteurs de la glycoprotéine GpIIb/IIIa, notamment l’abciximab.
Les résultats angiographiques des études SPEED et TIMI 14 plaidaient en leur faveur avec un taux supérieur de flux TIMI 3 et une régression plus rapide du segment ST (pour l’étude TIMI 14) dans le groupe traitement combiné (thrombolytique + anti-GpIIbIIIa) .
L’étude BRAVE a comparé, chez 253 patients inclus les 12 premières heures de leurs symptômes, un groupe recevant une demi-dose de reteplase + abciximab à un groupe recevant de l’abciximab seul, inclus avant angioplastie. Il n’a pas été observé de différence significative en ce qui concerne la taille de l’infarctus étudié par scintigraphie de perfusion au Tc99 dans les 5 à 10 jours suivant l’infarctus (respectivement 13 vs 11,5 % ; p = NS ni sur les événements cardiaques majeurs. Mais il existait, là aussi, un taux de complications hémorragiques plus important dans le groupe thrombolyse (5,6 vs 1,6 %; p = NS).
Dernière étude en date, ASSENT-4 PCI (angioplastie)
Cette étude internationale, présentée à l’ESC 2005 (24 pays) a comparé 1 667 patients inclus pour infarctus du myocarde dans les 6 premières heures des symptômes. Les patients recevaient tous un traitement standard (héparine non fractionnée + aspirine) puis étaient randomisés en deux groupes avant l’angioplastie (sans autre traitement : groupe PCI seule ou dose complète de TNK-tPA puis angioplastie facilitée). Tous les patients devaient subir une angioplastie coronaire dans les 60 à 180 min après inclusion et la prescription d’anti-GpIIbIIIa était possible dans les deux groupes (figure 2). Le critère principal de cette étude était un critère combiné comprenant : décès, choc cardiogénique, insuffisance cardiaque à 90 jours. Les résultats sont, là aussi, probants en ce qui concerne le taux de flux TIMI 3 avant angioplastie qui est de 43,6 % dans le groupe TNK + PCI contre seulement 15 % dans le groupe PCI seul, malgré la prescription beaucoup plus importante d’anti-GpIIbIIIa dans le groupe angioplastie seule (50,5 vs 9,6 % ; p < 0,001). Toutefois, cette étude a été interrompue de façon prématurée en raison de la supériorité du groupe angioplastie primaire sur la mortalité (mortalité 3,8 % dans le groupe PCI vs 6 % dans le groupe TNK + PCI ; p = 0,04). De plus, comme on pouvait s’y attendre, le taux de complications hémorragiques est nettement supérieur dans le groupe thrombolyse, notamment sur les AVC hémorragiques (figure 3).
Figure 2. Protocole ASSENT 4-PCI. PCI : angioplastie.
Figure 3. Résultats ASSENT 4 PCI. PCI : angioplastie.
Cependant, il ne semble pas qu’il existe de surrisque à réaliser une angioplastie après thrombolyse comparativement à la thrombolyse seule si l’on compare les résultats du groupe TNK-PCI à ceux des groupes thrombolyse seule ou associée à un anti-GpIIbIIIa dans les études ASSENT 2, 3 et 3+.
Enfin, l’étude FINESSE (actuellement en cours sur 3 000 patients) qui compare une stratégie comprenant une demi-dose de reteplase + abciximab à un bras angioplastie seule et un bras utilisant l’abciximab avant l’angioplastie, devrait apporter une réponse définitive en ce qui concerne l’efficacité et la sûreté d’emploi de cette association.
Conclusion
L’angioplastie facilitée avec une pleine dose de thrombolyse s’accompagne d’une augmentation de la mortalité à 90 jours, notamment par augmentation des réocclusions et des complications hémorragiques : elle ne doit pas être recommandée.
L’angioplastie facilitée ne pourrait être envisageable :
- qu’avec une dose réduite de thrombolytique.
- si l’infarctus concerne un territoire myocardique important.
- et si la thrombolyse (à dose réduite) peut être effectuée dans les 3 premières heures de l’infarctus.
Dans tous les autres cas, on doit préférer l’angioplastie primaire qui peut être « facilitée » par des inhibiteurs de la glycoprotéine GpIIb/IIIa notamment l’abciximab comme la démontrée l’étude ADMIRAL afin de profiter au mieux du délai de mise en route du traitement.
En pratique
La thrombolyse préangioplastie (angioplastie facilitée) a démontré sa capacité à diminuer le délai de reperfusion coronaire, mais cela avec un effet délétère sur la mortalité à moyen terme, et au prix de complications hémorragiques plus importantes. Cette stratégie ne semblerait donc être intéressante qu’à une phase très précoce de l’infarctus, avec une dose réduite de thrombolytique chez des patients admis dans un centre éloigné d’un plateau de cardiologie interventionnelle et probablement en association avec des inhibiteurs de la glycoprotéine GpIIb/IIIa. Cette hypothèse doit être confirmée par des études en cours (étude FINESSE).
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