Publié le 25 oct 2005Lecture 4 min
CIBIS III : le cardiologue a le choix entre IEC ou bêtabloquant pour débuter le traitement de l’insuffisance cardiaque
J. CHAPSAL, Paris
ESC
Chez les patients en insuffisance cardiaque chronique, les recommandations actuelles préconisent de débuter le traitement par un IEC puis d’y adjoindre, généralement, un bêtabloquant. Cette étude vise à répondre à la question de savoir si un traitement initié par les bêtabloquants avec introduction secondaire des IEC est comparable à la stratégie d’association habituelle.
CIBIS III est la première grande étude prospective comparant ces deux stratégies d’initiation de traitement.
Méthodes
Les patients inclus étaient âgés > 65 ans avec un diagnostic nouvellement posé d’insuffisance cardiaque moyenne à modérée et une fraction d’éjection (FE) inférieure ou égale à 35 %, ne recevant ni IEC, ni bêtabloquant, ni ARA II.
Les patients recevaient en monothérapie pour une période de 6 mois, soit du bisoprolol seul à la dose quotidienne cible de 10 mg, soit de l’énalapril seul à la dose cible de 2 x 10 mg, 2 fois par jour, suivis par leur combinaison pendant 6 à 24 mois.
La titration était usuelle : 1,25 puis 2,5, puis 5 puis 7,5 puis 10 mg/j par paliers de 15 jours pour le bisoprolol et 2,5, puis 5, puis 10 mg, 2 fois par jour, par paliers de 15 jours également pour l’énalapril.
Le critère principal d’évaluation était la mortalité totale et le nombre d’hospitalisations, quelle qu’en soit la cause. Les patients devaient être stables depuis au moins 7 jours en classe II ou III de la NYHA.
L’étude était conduite selon le schéma PROBE avec une hypothèse de non-infériorité du traitement débutant par le bêtabloquant, par rapport à celui débutant par l’énalapril seul.
Figure 1. Courbes de survie sans événement du critère principal (décès ou hospitalisation) chez les patients en intention de traiter (A) et dans l’analyse perprotocole (B). Le groupe bisoprolol, en première intention, est indiqué par la ligne continue, celle de l’énalapril, en première intention, par la ligne discontinue.
Résultats
Ceux-ci ont été présentés par R. Willenheimer, investigateur principal de CIBIS III. Un total de 1 010 patients, d’âge moyen de 70 ans avec une FEVG moyenne de 28,8 %, ont été inclus dans le groupe bisoprolol (n = 505) ou dans le groupe énalapril (n = 505).
Les résultats de cette étude de non-infériorité ne montrent pas de différence significative entre les 2 groupes, pour l’analyse en intention de traiter, qu’il s’agisse de leur efficacité sur le critère principal, les critères secondaires ou sur leur tolérance.
En intention de traiter, le critère primaire est survenu chez 178 patients du groupe bisoprolol versus 186 du groupe énalapril (p = 0,019), significatif pour le critère de non-infériorité). Dans l’analyse per-protocole, le critère primaire est atteint chez 163 patients du groupe bisoprolol versus 165 du groupe énalapril (p = 0,046, ns). La mortalité, en fin d’étude, est objectivée dans la figure 2 : il y a 65 décès dans le groupe bisoprolol versus 73 dans le groupe énalapril (p = 0,44).
Une analyse post hoc en intention de traiter, après la première année de traitement, montre une tendance à la diminution de la mortalité dans le groupe bisoprolol, en première intention : 42 décès versus 60 dans le groupe traité initialement par énalapril, soit 31 % (p = 0,06).
Figure 2. Mortalité toutes causes en intention de traiter.
Par contre, on constate une tendance à l’augmentation des hospitalisations pour insuffisance cardiaque en début de traitement dans le groupe bisoprolol (p = 0 ; 23).
L’analyse en sous-groupes préspécifiés montre une grande homogénéité des résultats, sauf chez les patients dont la fraction d’éjection < 28 % où un bénéfice significatif apparaît en faveur des patients traités en premier par le bisoprolol (figure 4).
Figure 3. Tendance non significative à l’aggravation de l’IC dans le groupe bisoprolol en première intention (63 vs 51).
Figure 4. Analyser en sous-groupes : les résultats sont homogènes sauf pour les patients dont la FE < 28 % (p = 0,003).
Quel système hormonal inhiber : le système sympathique ou rénine-angiotensine ?
Le pourcentage de patients s’approchant, à la fin de l’étude, de la posologie cible selon la séquence de traitement, montre que celle-ci est toujours meilleure pour le 1er des deux médicaments prescrits, ce qui pourrait avoir une conséquence pratique : commencer par un bêtabloquant si le système sympathique est le plus stimulé et commencer par l’IEC si c’est le système rénine-angiotensine. Mais en pratique, il faut associer les deux, le plus vite possible.
Pour les investigateurs, le rôle du système sympathique semble prédominant dans les phases précoces de l’insuffisance cardiaque : l’étude CARMEN avait montré que le carvedilol permettait une meilleure régression du volume ventriculaire gauche que l’énalapril. L’intérêt des bêtabloquants est également à souligner lorsque le risque de mort subite est plus élevé, notamment, dans les cardiopathies ischémiques.
Quoiqu’il en soit, il reste à mieux définir les patients candidats à l’une ou l’autre stratégie.
K. Dickstein (Norvège), qui a commenté les résultats de l’étude, a fait remarquer que, si cette étude donne le choix au clinicien entre IEC et bêtabloquant dans l’initiation du traitement, une monothérapie de 6 mois est contraire aux recommandations et à la pratique courante : la question du 1er traitement pourrait perdre de son intérêt si l’on démarre le 1er traitement rapidement et que l’on introduit le 2e sans tarder. Enfin, il a rappelé que les patients inclus dans CIBIS III étaient des patients ayant une insuffisance cardiaque modérée et que ces résultats ne pouvent en rien être extrapolés aux patients plus sévères.
Au total
En termes de mortalité/hospitalisations, le traitement par le bisoprolol, en première intention, n’est pas inférieur à la stratégie débutant par l’énalapril, en intention de traiter, et est proche de la non-infériorité en per-protocole.
Il faut souligner que, dans beaucoup d’études sur l’insuffisance cardiaque, de nombreux malades sortent de l’étude au cours du suivi et donc diminuent l’effectif de la population et la puissance de l’analyse en per-protocole. Le cardiologue peut maintenant choisir par quel médicament initier le traitement chez ce type de malades mais leur association st nécessaire.
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