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Risque

Publié le 20 juin 2006Lecture 8 min

Comment minimiser les risques de la prescription d'un hypolipémiant et notamment d'une statine ?

F. DIÉVART, Clinique Villette, Dunkerque

Dans cet article il sera largement fait appel aux recommandations françaises de 2005 concernant les modalités de prescription et surtout de surveillance des traitements hypolipémiants. En effet, si les valeurs seuils et cibles d’intervention peuvent faire l’objet d’interprétations divergentes, ce qui conduit notamment à justifier par exemple un traitement par statine chez un patient à risque très élevé mais ayant déjà un LDL < 1 g/l, tout laisse penser que le non-respect des recommandations de prescription et de surveillance peut être parfaitement opposable en cas de problème médico-légal.

Minimiser les risques de la prescription d’une statine repose sur une bonne évaluation du rapport bénéfice/risque quant à l’indication, et sur des modalités adaptées de surveillance.   Les modalités de prescription   En prévention primaire En prévention primaire les règles principales de la prescription paraissent être les suivantes : • pas de décision possible sans connaissance du LDL cholestérol ; • pas de décision possible sans connaissance du niveau de risque cardiovasculaire absolu ; • pas de décision possible sans évaluation du rapport bénéfice/risque, notamment de la prise en compte des comorbidités et des associations thérapeutiques majorant le risque d’effets indésirables des statines ; • pas d’urgence à proposer un traitement pharmacologique : les conseils sur les enjeux et la diététiques priment ; • la prescription repose sur les molécules validées et, en premier lieu, dans la majorité des situations cliniques, sur les statines, même si le HDL est bas, même si les triglycérides sont élevés (en dehors des rares cas d’hypertriglycéridémies isolées) et surtout s’il y a un diabète.   Faut-il parler de régime ? Les recommandations françaises de 2005 indiquent que la prise en charge diététique devra être proposée préalablement et seule pour une période au minimum de 3 mois. L’expression exacte employée dans ces recommandations est « le traitement diététique sera proposé en monothérapie » et il sera poursuivi même si l’objectif thérapeutique est atteint. Personnellement, et concernant la diététique, face à un patient, je n’emploie jamais le mot « régime », sauf pour caractériser les habitudes alimentaires pouvant conduire à prendre du poids, ou à augmenter la cholestérolémie : « Pourquoi faîtes-vous un régime pour perdre du poids ? Ne préféreriez-vous pas prendre de bonnes habitudes et les garder ? » Je ne parle que d’habitudes, laissant au mot régime la connotation de « transitoire » qu’il a pris. On ne devrait pas faire un régime pour perdre quelques kilos ou un peu de cholestérol, mais adopter de nouvelles habitudes et les garder. L’Afssaps ajoute ensuite « La négociation d’objectifs simples, peu nombreux et adaptés à chaque patient, est la clé du succès et de la pérennisation du régime diététique. Ainsi, il convient d’éviter les régimes trop restrictifs conduisant à des déséquilibres alimentaires et à des troubles du comportement alimentaire. » Ainsi, pour employer une autre terminologie, la prise en charge doit évaluer les habitudes alimentaires actuelles du patients puis lui indiquer les plus nécessaires de corriger.   Tact et mesure Par exemple : « Pourquoi prendre du beurre avec le fromage ou avec le saucisson ? Pourquoi reprendre du fromage ? Pourquoi un apéritif se résoudrait à systématiquement être accompagné d’un saucisson ? Avez-vous essayé certains légumes crus ? Comme les tomates cerises par exemple ? », etc. Il semble en effet utile de procéder en la matière par approches successives (négociation d’objectifs simples) toujours incitatives et positives plutôt que de, soit fournir un document sans commentaires, soit proposer une longue liste d’interdits. D’autant qu’il n’y a pas d’interdits mais simplement une bonne mesure en toute chose. Ainsi, au lieu de dire « plus de glaces à partir de maintenant », pourquoi ne pas dire : « lorsque vous prenez une glace, une seule boule au lieu de 2 ou 3 (voire 5) peut suffire et la crème chantilly, pensez-vous qu’elle apporte quelque chose de plus ? » L’Afssaps rajoute ensuite « Si l’objectif thérapeutique n’est pas atteint au-delà de 3 mois d’un régime diététique bien conduit, une thérapeutique médicamenteuse visant à obtenir une diminution supplémentaire du LDL cholestérol, doit être instituée, en complément du traitement diététique ». Le but étant de diminuer le LDL, la statine s’impose d’elle-même.   En prévention primaire chez le sujet âgé Les recommandations 2005 de l’Afssaps indiquent les modalités de prise en charge chez le sujet âgé. Les résultats de nouvelles études d’interventions réalisées en prévention secondaire confirment les bénéfices de la prévention cardiovasculaire chez les patients âgés de 70 à 80 ans et conduisent à appliquer les mêmes règles de prise en charge que chez les sujets plus jeunes.   Chez les sujets > 80 ans, les critères permettant la prolongation du traitement en prévention primaire sont : • le cumul de facteurs de risque ; • l’absence de pathologie non cardiovasculaire réduisant notablement l’espérance de vie ; • une bonne tolérance du traitement. Il n’est pas recommandé de débuter un traitement en prévention primaire après 80 ans (accord professionnel).   Patient à risque élevé ou en prévention secondaire Rappelons que la prévention secondaire ne concerne pas uniquement les coronariens mais qu’elle est étendue aux patients ayant d’autres maladies vasculaires avérées comme une maladie cérébrovasculaire (AVC/AIT) ou une artérite des membres inférieurs. L’Afssaps précise dans ce chapitre : • le traitement médicamenteux hypolipémiant et la dose prescrite, doivent être, par principe ceux qui ont fait leurs preuves dans des grands essais d’intervention (cf. AMM des produits) ; • l’habitude est de commencer par une posologie faible et de l’augmenter par la suite en fonction de l’efficacité et de la tolérance. L’utilisation de fortes doses, voire d’associations d’hypolipémiants est à envisager au cas par cas et ne doit pas se faire au détriment d’une bonne tolérance et observance du traitement ; • le traitement médicamenteux doit être institué le plus précocement possible (grade B), associé à la prescription diététique et à la correction des autres facteurs de risque (sédentarité, tabagisme, surpoids…) ; • il n’existe pas de preuve absolue permettant de définir un objectif thérapeutique : il dépend de chaque cas particulier (tolérance du traitement, concentrations initiales du cholestérol). La règle générale est d’obtenir des concentrations de LDL-cholestérol < 1 g/l. Pour certains patients en prévention secondaire coronaire, des données récentes seraient en faveur d’un objectif thérapeutique plus bas (< 0,7 g/l) sous traitement (stratégie dite « intensive »). Le rapport bénéfice/risque de cette stratégie « intensive » reste à évaluer précisément. En effet, l’utilisation de fortes doses de statine est associée à un risque musculaire et/ou hépatique plus important. Il est recommandé de prescrire des traitements ayant démontré leur efficacité sur des événements cliniques, par rapport à ceux n’ayant démontré qu’une efficacité biologique. Ainsi, hormis la rosuvastatine, disponible récemment, et dont les études de morbi-mortalité sont en cours, toutes les statines ont montré un bénéfice sur la morbi-mortalité cardiovasculaire avec le plus haut niveau de preuve : atorvastatine, fluvastatine, pravastatine et simvastatine. D’autres hypolipémiants ont également montré un bénéfice en prévention primaire et/ou secondaire (gemfibrozil, colestyramine). Les fibrates ne doivent pas être utilisés en première intention dans les hypercholestérolémies primaires. Les traitements ayant actuellement démontré un bénéfice clinique en termes de critère primaire évalué et dans des essais de puissance pertinente sont résumés dans le tableau 1. Aucun autre traitement n’a de bénéfice affirmé et, dans au moins une étude, le clofibrate a été associé à une augmentation significative de la mortalité totale, rendant compte de l’utilité de n’utiliser que les molécules au bénéfice affirmé avec une puissance suffisante. Les modalités de surveillance Toujours selon l’Affsaps en 2005 : les hypolipémiants, surtout à fortes posologies, exposent à des effets indésirables : digestifs pour la colestyramine, hépatiques et musculaires pour les fibrates et les statines. Ces effets sont dose-dépendants. Les principes de la surveillance biologique sont rapportés dans le tableau 2. Surveillance hépatique Lors de la prescription d’une statine, le contrôle des transaminases est impératif au moins une fois dans les 3 mois qui suivent l’instauration d’un traitement hypolipémiant. Ultérieurement, il n’existe pas de données scientifiques permettant de proposer une périodicité à ces contrôles. Dans ces conditions, en l’absence de point d’appel et chez les patients dont les transaminases étaient normales, un contrôle annuel est recommandé (accord professionnel). L’arrêt du traitement est justifié devant une augmentation persistante (contrôlée à un mois) des ASAT ou des ALAT, au-delà de 3 fois la limite supérieure à la normale. Les statines doivent être utilisées avec précaution chez les patients consommant des grandes quantités d’alcool ou ayant des antécédents hépatiques.   Risque musculaire Selon les principales conclusions d’une mise au point sur les statines de l’Afssaps (juin 2002) : • il n’y a pas de justification scientifique à un dosage initial systématique des CPK dans la population générale ; • un dosage des CPK avant traitement dans les situations à risque suivantes : – insuffisance rénale, – hypothyroïdie, – antécédents personnels ou familiaux de maladie musculaire génétique, antécédents personnels d’effet indésirable musculaire avec un fibrate ou une statine, – abus d’alcool, – âge > 70 ans, d’autant plus qu’il existe d’autres facteurs de risque musculaire. Tout symptôme musculaire inexpliqué apparaissant sous traitement doit faire pratiquer un dosage des CPK. À l’inverse, la surveillance systématique des CPK n’a aucun intérêt actuellement démontré en l’absence de signes cliniques. Par extension, la surveillance des fibrates obéit aux mêmes règles de surveillance. Des atteintes musculaires (myalgies et rhabdomyolyses) ont également été observées sous ézétimibe seul ou associé à une statine.   Interactions médicamenteuses Être vigilant dans le cas de prescription d’associations telles que statine + fibrate, fibrate + antivitamine K, ou colestyramine + autre médicament. L’association de plusieurs hypolipémiants, appartenant à la même classe pharmacologique, est illogique et parfois dangereuse. La combinaison gemfibrozil + statine est contre-indiquée. Concernant le risque musculaire et sa prévention lors de l’utilisation d’une statine il convient de retenir que : • le dosage préalable des CPK ne doit pas être systématique et est à réserver à certaines situations cliniques (comme indiquées dans le tableau 2) ; • le dosage régulier des CPK lors de la conduite du traitement n’a pas d’intérêt démontré et ne doit pas être proposé ; • le seul réel impératif est de prévenir le patient d’une possibilité d’effets musculaires indésirables parfois graves et de la nécessité de consulter en cas de survenue de douleurs musculaires. C’est alors dans ce cas qu’il devient nécessaire d’effectuer un dosage des CPK, ce qui permettra de distinguer les différents tableaux cliniques : – myalgies simples : douleurs musculaires sans élévation des CPK ; – myosite : douleurs musculaires et élévation des CPK entre 3 et 10 fois les valeurs supérieures de la normale ; - rhadbomyolyse : douleurs musculaires et élévation des CPK à plus de 10 fois les valeurs supérieures de la normale, imposant l’arrêt immédiat du traitement et une prise en charge hospitalière dans la plupart des cas.

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