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Insuffisance cardiaque

Publié le 12 juin 2007Lecture 6 min

Comment optimiser le traitement médical dans l’insuffisance cardiaque ?

G. JONDEAU, hôpital Bichat, Paris

L'insuffisance cardiaque (IC) est une pathologie fréquente dont l’arsenal thérapeutique est très riche. Instaurer les traitements ne suffit pas : il faut les optimiser pour chacun des patients. Les études épidémiologiques montrent que les doses optimales sont rarement atteintes, sans que les raisons en soient très claires. Autant les choses sont assez bien établies pour l'IC par dysfonction systolique, autant le flou reste grand en cas de fonction systolique préservée.

Insuffisance cardiaque par dysfonction systolique Le traitement médical de l’IC est maintenant bien codifié en cas de dysfonction systolique et l’optimisation thérapeutique suit un schéma qui commence à être bien connu. La mise en route du traitement Elle dépend des conditions de mise en évidence de la maladie. Lorsque la dysfonction systolique apparaît après un infarctus du myocarde (IDM), le traitement par inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) est d’abord introduit, et les doses rapidement augmentées, suivi par le traitement bêtabloquant — le schéma d’augmentation est ici plus rapide que lors d’une décompensation cardiaque sur cardiopathie déjà connue. Les diurétiques règlent les signes congestifs et les antialdostérones complètent la prise en charge si le patient présente des signes cliniques d’insuffisance cardiaque. Lorsque la dysfonction systolique est une découverte fortuite, et que les signes cliniques sont absents, le traitement par IEC est entrepris, monté à doses maximales, et le traitement par bêtabloquants suit. Lorsque la dysfonction systolique est découverte à l’occasion d’une décompensation cardiaque, le traitement de l’épisode de décompensation permet l’introduction des diurétiques, suivis par les IEC. Il faut se méfier d’un traitement diurétique trop intensif qui limiterait les possibilités d’augmentation du traitement par IEC du fait de l’apparition d’une insuffisance rénale ou d’une hypotension. Au décours de la décompensation, souvent avant la sortie du patient maintenant, le traitement bêtabloquant est instauré avec une dose progressivement croissante, par paliers de durée suffisante (15 jours souvent). L’augmentation des doses après la sortie du patient doit être poursuivie car il est rare que les pleines doses d’IEC et de bêtabloquants puissent être introduites dans le temps imparti.   La tolérance du traitement Parfois les doses ne peuvent être augmentées suivant le schéma souhaité du fait d’un problème de tolérance. Si les IEC entraînent une insuffisance rénale ou une hypotension artérielle, il faut savoir diminuer les diurétiques dans l’hypothèse d’une hypovolémie induite. Si les bêtabloquants entraînent une fatigue, là aussi les diurétiques peuvent avoir été donnés à trop forte dose. À l’inverse, si une dyspnée apparaît, il faut parfois augmenter transitoirement les doses de diurétiques pour permettre la tolérance d’une posologie plus élevée de bêtabloquant. En cas de réduction néphronique (sujet âgé, sujet diabétique, insuffisance rénale), il faut se méfier du risque d’hyperkaliémie, notamment lorsqu’un antialdostérone est associé aux IEC. IEC ou, en cas d’intolérance, ARAII et bêtabloquants doivent être donnés à dose maximale et on ne doit pas limiter l’augmentation des doses sous prétexte que les signes d’insuffisance cardiaque se sont corrigés. Le but de cette thérapeutique est de permettre une amélioration de la fonction systolique et, par ce biais, éventuellement de limiter les symptômes. Mais l’on sait que les symptômes sont des marqueurs tardifs de l’altération de la fonction ventriculaire gauche et que le pronostic est conditionné par la dilatation ventriculaire.   Le BNP, une aide pour optimiser la posologie L'étude STARS (Suivi du Traitement dans l’insuffisAnce caRdiaque Systolique) avait évalué le bénéfice de l’adaptation thérapeutique sur le taux de BNP chez des patients insuffisants cardiaques considérés comme traités de façon optimale. Chez des patients recevant IEC, bêtabloquants, diurétiques, le but était d'obtenir un taux plasmatique de peptides natriurétique < 100 pg/ml. Un groupe traité de façon conventionnelle était comparé à un groupe de patients chez lesquels le taux de BNP était surveillé. La connaissance du taux de BNP s'est accompagnée d'une modification plus fréquente de la thérapeutique, avec augmentation des doses de diurétiques, mais aussi de bêtabloquants et d'inhibiteurs de l'enzyme de conversion. Pourtant, un taux de BNP < 100 pg/ml a été obtenu chez seulement un tiers des patients : le dosage du BNPsurtout été un stimulus supplémentaire pour atteintre les fortes doses d'IEC et de bêtabloquants. Avant la sortie de l'hôpital, il faut tenter d'augmenter les doses autant que possible car l'expérience montre qu'après la sortie, les doses restent souvent stables. Cela étant, l'optimisation thérapeutique est toujours d'actualité chez un patient : si une augmentation de dose n'a pas été tolérée à un moment donné, il faudra la tenter à nouveau plus tard, lorsque le patient sera plus stable.   Insuffisance cardiaque à fonction systolique préservée L'insuffisance cardiaque à fonction systolique préservée est beaucoup moins bien comprise et les adaptations thérapeutiques moins standardisées. C'est avant tout une pathologie des sujets âgés et hypertendus. Ces deux pathologies sont responsables d'une augmentation de la rigidité des artères. Le caractère rigide des artères a deux conséquences qui élèvent toutes deux la pression artérielle systolique : - pour un même volume d'éjection systolique la pression va s'élever plus ; - la vitesse de conduction de l'onde de pouls augmente, ce qui permet à l'onde de rebond d'atteindre la racine de l'aorte avant la fermeture de la valve aortique, d’où également une augmentation de la postcharge imposée au ventricule gauche. Le ventricule gauche, face à une pression systolique élevée, doit s'hypertrophier pour être capable de générer une pression suffisante. Lorsque survient une augmentation brutale de la pression artérielle, le travail ventriculaire gauche peut augmenter brusquement et une ischémie myocardique se développer, ce qui limite la relaxation ventriculaire et peut encore aggraver les difficultés du remplissage ventriculaire gauche. En effet, la fraction d'éjection ventriculaire ne diminue pas lors de l'épisode de décompensation cardiaque aigu. Ainsi, l'hypertension artérielle systolique est responsable d'une augmentation de la masse ventriculaire qui favorise l'apparition d'une ischémie myocardique et constitue un facteur d'autoaggravation favorisant à son tour l'hypertension artérielle systolique, témoin de la rigidité artérielle. Il est donc logique que le traitement de l’HTA soit la clef du traitement de l'insuffisance cardiaque à fonction systolique préservée. Cette notion est renforcée par le suivi des patients qui présentent une sténose bilatérale des artères rénales : la dilatation d'une artère rénale évite la récidive d'un œdème aigu du poumon (OAP), sauf en cas de resténose ou d'occlusion secondaire de l'artère dilatée. À l'inverse, le bénéfice de la revascularisation myocardique est moins évident sur la récidive d’OAP dans cette population. L'optimisation du traitement de l'insuffisance cardiaque à fonction systolique préservée est donc avant tout celle du traitement de l'hypertension artérielle. Par ailleurs, les diurétiques sont toujours efficaces pour limiter la congestion quand elle est présente ; le rythme sinusal doit être maintenu tant que possible du fait de l'importance de la systole auriculaire dans le remplissage ventriculaire gauche qui est tardif, raison supplémentaire de favoriser la bradycardie.   En pratique   L'optimisation du traitement médical de l'insuffisance cardiaque par dysfonction systolique repose sur le blocage aussi complet que possible des systèmes rénine-angiotensine et sympathique. Il ne faut pas hésiter à augmenter de nouveau la posologie plus tard si cela n'a pas été toléré à un moment donné (donner au moins une 2e chance au patient). Le traitement de l'hypertension artérielle est probablement le traitement le plus efficace pour limiter les récidives de décompensation cardiaque chez les patients présentant une insuffisance cardiaque à fonction systolique préservée.

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