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Études

Publié le 18 jan 2011Lecture 5 min

Première analyse de la relation entre le génotype du cytochrome P2C19 et la pharmacodynamique sous ticagrélor versus clopidogrel

J. CHAPSAL

AHA

Le ticagrélor est un puissant antagoniste des récepteurs plaquettaires P2Y12 dont l’efficacité a été démontrée dans les syndromes coronaires aigus (SCA) dans l’étude PLATO (ESC 2009), puis dans le groupe des patients avec sus-décalage de ST (AHA 2009). L’étude présentée ici a réalisé le génotypage du cytochrome P2C19 de patients coronariens traités soit par ticagrélor, soit par clopidogrel.

Méthodes Tous les patients recevaient 75 à 100 mg d’aspirine et étaient traités en plus soit avec ticagrélor 180 mg en dose de charge puis 90 mg 2 fois par jour (92 patients), soit avec clopidogrel 600 mg en dose de charge, puis 75 mg par jour (82 patients). La fonction plaquettaire était mesurée par différents tests : agrégométrie, VerifyNow®, et le test de phosphorylation VASP avant traitement, 8 heures après la dose de charge puis pendant le traitement d’entretien. Dans chacun des deux groupes, les patients étaient classés selon leur statut vis-à-vis du génotype 2C19 (perte de fonction, gain de fonction) et leur statut de « métaboliseur » (bon, mauvais ou moyen). Ceci avait déjà été étudié et rapporté dans une sous-étude pharmacogénétique de l’étude PLATO : on y démontrait l’amélioration du pronostic chez les patients traités par ticagrélor chez les deux types de patients qu’ils aient ou non une perte de fonction (ou mutation) du cytochrome CYP2C19. Les études ONSET/OFFSET et RESPOND avaient permis de mieux comprendre l’action in vivo du ticagrélor : le niveau d’inhibition de l’agrégation plaquettaire observé était plus important avec le ticagrélor comparativement au clopidogrel et on observait une disparition de l’inhibition de l’agrégation plaquettaire plus rapidement chez les patients sous ticagrélor à 24 heures de la dernière prise, comparativement au clopidogrel (Cardiologie Pratique n° 912). Dans l’étude RESPOND, le ticagrélor avait un effet antiagrégant comparable chez les bons répondeurs comme chez les non-répondeurs au clopidogrel. De même, chez les patients répondeurs au clopidogrel, le switch vers le ticagrélor se traduisait par une augmentation de l’inhibition de l’agrégation plaquettaire, suggérant que les patients peuvent passer du clopidogrel au ticagrélor sans interruption de l’effet antiagrégant plaquettaire.   Résultats Chez les patients traités par l’aspirine seule, la variété du génotype n’avait pas d’influence sur l’inhibition plaquettaire mesurée par différents tests : agrégation plaquettaire induite par l’ADP, test VerifyNow®, test de phosphorylation VASP. Chez les patients traités par ticagrélor, on observait une inhibition plaquettaire significativement plus marquée (p ≤ 0,0016), mesurée comme ci-dessus par ces trois tests, comparativement aux patients traités par le clopidogrel. On n’a pas observé non plus d’influence du génotype sur la fonction plaquettaire dans le groupe traité par ticagrélor, aussi bien après la dose de charge que pendant le traitement d’entretien. Chez les patients traités par le clopidogrel, l’influence du génotype sur les fonctions plaquettaires, évaluées par le test VerifyNow®, était moins marquée après dose de charge alors que l’influence du génotype sur l’inhibition plaquettaire pendant la dose d’entretien par clopidogrel était plus prononcée.   Discussion Cette étude est la première à évaluer l’influence du génotype du CYP2C19 sur les effets antiplaquettaires du ticagrélor en comparaison avec le clopidogrel. C’est également la première étude à déterminer l’influence du génotype sur la fonction plaquettaire à différentes phases du traitement, lors de la dose de charge et lors de la dose d’entretien. Pour les auteurs, les observations suivantes peuvent être faites : – quel que soit le génotype du CYP2C19, la réactivité plaquettaire est constamment inhibée, de façon plus puissante, avec le ticagrélor que sous clopidogrel ; – le génotype CYP2C19 n’a pas d’influence sur l’effet antiagrégant du ticagrélor ; – le génotype CYP2C19 influence l’effet antiagrégant du clopidogrel ; – l’influence du génotype CYP2C19 chez les patients traités par clopidogrel est plus marquée au cours de la phase de traitement d’entretien par rapport à ce qui est observé après la dose de charge et est plus efficacement démontrée par le recours au VerifyNow®. Il faut rappeler que le ticagrélor est un inhibiteur direct du récepteur P2Y12 métabolisé par le cytochrome CYP3A4/5, métabolite actif équipotent. Les données observées dans cette étude sont en faveur d’un effet pharmacodynamique supérieur du ticagrélor chez tous les patients y compris chez ceux considérés comme répondeurs au clopidogrel, porteurs ou non de la mutation génétique du CYP2C19. Ces données expliqueraient au moins en partie le bénéfice clinique supérieur observé dans l’étude PLATO dans le bras ticagrélor par rapport au clopidogrel.   Conclusion   Ce travail est le premier à démontrer l’effet antiagrégant plaquettaire supérieur du ticagrélor comparativement au clopidogrel quel que soit le génotype CYP2C19. Alors que ce génotype peut influencer la réponse antiplaquettaire au clopidogrel, ce n’est pas du tout le cas au cours du traitement par ticagrélor. Ces résultats sont concordants avec les résultats des tests d’inhibition plaquettaire et du devenir des patients dans la sous-étude pharmacogénétique de PLATO, démontrant que le ticagrélor est un traitement plus efficace dans les SCA que le clopidogrel, quel que soit le polymorphisme du cytochrome P4502C19. Le tableau rappelle les caractéristiques pharmacologiques respectives du ticagrélor et du clopidogrel. Il est intéressant de noter que dans cette étude, l’influence du cytochrome 2C19 sur la réactivité plaquettaire est plus importante lors du traitement d’entretien par le clopidogrel comparativement à celle observée après dose de charge. Cette notion est importante pour les stratégies futures visant une implémentation personnalisée du traitement antiagrégant plaquettaire en choisissant le meilleur moment où le traitement doit être administré pour une meilleure efficacité. Le point fort du travail de Udaya S. Tantry est de confirmer les données observées dans la sous-étude de pharmacogénétique de PLATO, l’inhibition plaquettaire induite par le ticagrélor est ainsi supérieure à celle du clopidogrel quel que soit le génotype CYP2C19. À ce même congrès, l’étude GRAVITAS a démontré que les tests d’agrégation plaquettaire n’avaient pas démontré leur efficacité en cas de mauvaise réponse au clopidogrel évalué par VerifyNow®, on doublait la posologie de clopidogrel, mais cette stratégie n’a pas entraîné d’amélioration clinique. Les tests d’antiagrégation plaquettaire ne sont donc pas facilement utilisables en routine. Que le patient soit bon, mauvais ou moyen répondeur, le ticagrélor fait toujours mieux. Dans PLATO, les bons répondeurs au clopidogrel avaient même une meilleure réponse sous ticagrélor. Ne vaut-il pas mieux utiliser d’emblée des antiagrégants plaquettaires plus puissants dont l’efficacité est bien démontrée ?

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