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Explorations-Imagerie

Publié le 23 nov 2010Lecture 8 min

Comment choisir entre IRM ou scanner cardiaque ?

P. GERMAIN et G. ROCHOUX, Strasbourg

CNCF
Comment se répartissent les indications actuelles du scanner et de l’IRM cardiaque ? Depuis l’an passé, nous disposons de textes officiels de recommandations pour ces deux disciplines, édictés par les sociétés savantes nationales, européennes et américaines (accessibles par lien hypertexte sur le site irmcardiaque.com).
Nous pointons ici avec un regard critique les principales situations de concurrence (détection de la maladie coronaire et anévrisme de l’aorte initiale) et de complémentarité entre ces techniques (tableau). Cette dichotomie est assurément schématique et simpliste mais donne un aperçu pratique des idées actuelles dans ce domaine.

Concurrence entre scanner et IRM dans la maladie coronaire Syndrome douloureux thoracique suspect d’angor Cette situation soulève le plus de controverse. Chez le patient présentant un syndrome douloureux thoracique suspect d’angor, le diagramme de la figure 1, conforme aux recommandations classiques, schématise la démarche diagnostique actuelle pour la détection des sténoses coronaires. Figure 1. Algorithme diagnostique face aux douleurs thoraciques suspectes d’angor. Après les étapes cliniques et le test d’effort traditionnel, 4 techniques d’imagerie sont en position similaire (cadre jaune de ce schéma). En cas d’ECG ininterprétable ou de test d’effort non concluant, scanner et IRM cardiaque sont considérés comme appropriés par les recommandations au même titre que la scintigraphie ou l’échographie de stress. On remarquera la boucle à éviter en bas du diagramme, indiquant la multiplication des examens lorsqu’une modalité reste non concluante. Le coroscanner recherche des sténoses > 50 % (figure 2), l’IRM de stress s’attache à mettre en évidence des anomalies ischémiques, à type de défect de perfusion (imagerie de perfusion sous dipyridamole) (figure 3) ou à type d’anomalie contractile (ciné sous dobutamine à dose croissante). Figure 2. Exemple typique de sténose significative, serrée et longue de l’IVA proximale en coroscanner. Figure 3. Exemple typique de defect de perfusion du sous endocarde de la paroi inférieure chez un patient avec sténose significative de la coronaire droite. De nombreux travaux ont validé ces méthodes en termes de performances diagnostiques (sensibilité, spécificité). En particulier, il faut insister sur l’excellente valeur prédictive négative d’un coroscanner normal (> 95 %). On peut approximativement considérer qu’il n’y a pas de différence importante quant aux performances diagnostiques de ces 4 modalités d’examen. Quelle est alors la bonne méthode ? Trois catégories de commentaires s’imposent sur cette question. Aspect pratique Une première réponse pragmatique réside dans l’accessibilité, les délais de rendez-vous, la qualité et la fiabilité des équipes locales auxquelles il est possible de s’adresser. À ce titre, il faut bien reconnaître que –à quelques exceptions près– l’accès à l’IRM de stress reste encore tout à fait confidentiel dans notre pays, tandis que l’accès au coroscanner devient opérationnel ; la nomenclature actuelle (1CS soit 23 €, associé au forfait technique du scanner) constituant toutefois un frein important pour la diffusion de cette technique dans le secteur privé. Considération d’ordre physiopathologique et pronostique Elle privilégie la recherche d’anomalies ischémiques (scintigraphie, écho ou IRM de stress) plutôt que la recherche d’une sténose coronaire (coroscanner). La valeur pronostique de l’ischémie est, en effet, très solidement établie depuis longtemps par de nombreuses études (notamment scintigraphiques) tandis que l’existence d’une sténose coronaire (hormis tronc commun et atteintes tritronculaires) est un indicateur prédictif moins puissant. De même, il a été montré que la revascularisation des lésions ischémiantes améliore le pronostic tandis que la revascularisation systématique (non guidée par un test ischémique) n’améliore pas le pronostic (mais améliore l’angor). Il est donc usuel de recommander une preuve ischémique avant de revasculariser. Risques liés aux examens Une troisième considération est relative aux risques attachés à ces techniques d’examen, qui sont de deux ordres et qui ont été vivement dénoncés par Lauer (NEJM 2009) et Picano (Int J Envir Res Public Health 2009). Le premier inconvénient concerne l’inflation très importante des dépenses de santé liées à l’imagerie cardiaque, surtout si le prescripteur égare son patient dans « le voyage d’Ulysse » (boucle en bas de la figure 1) qui le conduit d’examen en examen ; le prescripteur considérant en toute bonne foi que sa démarche n’est pas illégitime puisque ces procédures d’examen sont toujours appropriées face au diagnostic hésitant. Le deuxième risque concerne les effets adverses subis par le patient en raison de ces procédures. Il s’agit des conséquences allergiques, rénales (patients âgés ou diabétiques) mais surtout des effets à long terme de l’irradiation induits par le coroscanner. Il s’agit là d’un débat d’actualité, objet de vives controverses et dont l’argumentaire souffre d’imprécisions quant à la dose réellement absorbée et au risque (stochastique, c’est-à-dire aléatoire et largement imprévisible) entraîné ; en outre les industriels font des efforts très significatifs pour réduire l’irradiation sur les dernières générations d’appareils, même si ces procédures de réduction de dose ne sont pas toujours disponibles ou mises en œuvre en pratique. En pratique Ces considérations conduisent donc à remettre en cause l’interchangeabilité apparente entre les techniques d’imagerie non invasive qui sont débattues ici (même si elles sont toutes « appropriées » selon les recommandations). L’algorithme de la figure 1 doit être amendé (au niveau de la case jaune qui mettait sur le même plan les 4 modalités de tests complémentaires) ; il convient de privilégier : - un test ischémique par rapport à l’examen purement anatomique ; - un test non irradiant plutôt qu’un test utilisant des rayonnements ionisants. En particulier, il importe de restreindre l’indication du coroscanner dans une classe d’indication qui est volontiers revendiquée par les recommandations, à savoir les patients à faible risque présentant des précordialgies atypiques ; cette dernière expression désigne clairement des douleurs de nature extracardiaque. Il en va de notre responsabilité de cardiologue prescripteur car notre rôle n’est pas de faire des ordonnances de tests complémentaires en se défaussant de notre sens clinique sous prétexte qu’une belle image normale de coroscanner négatif nous rassurera. Douleurs thoraciques aiguës suspectes de syndrome coronaire aigu Coroscanner et IRM ont été évalués en cas de suspicion de syndrome coronaire aigu (SCA) sans modification ECG ni élévation de troponine. Ces techniques permettent de bien trier les syndromes coronaires authentiques et pourraient aider à raccourcir les durées de séjour aux urgences. Le coroscanner est ici mieux positionné que l’IRM compte tenu d’une accessibilité plus aisée et cette indication est un sujet de débat actuel. En dehors du problème des douleurs thoraciques suspectes d’atteinte coronaire On peut encore retenir deux situations principales où scanner et IRM sont en concurrence. Il s’agit premièrement des pathologies de l’aorte initiale. Recherche de bicuspidie, anévrysme des sinus de Valsalva et de l’aorte ascendante, hématome de paroi, ulcère athéromateux pénétrant sont identifiables de manière similaire avec les deux techniques. En situation d’urgence, face à une suspicion de dissection aortique, l’IRM n’a pas de place : le scanner est l’examen indiscutable. Hormis cette situation, l’examen IRM pourrait être privilégié par rapport au scanner en raison de son caractère non irradiant (surtout pour les suivis évolutifs), de la possibilité de pratiquer l’examen sans injection obligatoire de produit de contraste et du fait d’une meilleure approche fonctionnelle (ciné, fluximétrie, notamment pour mesurer les régurgitations valvulaires). Si l’analyse coronaire est requise (avant intervention par exemple), le scanner synchronisé est alors nécessaire. Une autre situation de concurrence concerne les bilans étiologiques de cardiopathie dilatée hypokinétique ou de défaillance cardiaque où scanner comme IRM ont tous deux été proposés pour la recherche d’une cause ischémique. Complémentarité plutôt que concurrence dans les autres domaines Le scanner trouve des indications pour la détection de la maladie coronaire chez certains patients asymptomatiques (bilan préopératoire avant chirurgie cardiaque ou chirurgie lourde, surveillance des lésions du tronc commun, de certains stents ou pontages et des transplantés cardiaques). On retient également les indications de scanner avant TAVI ou pour la cartographie des veines pulmonaires avant ablation de FA. Le scanner est très supérieur à l’IRM pour identifier les calcifications péricardiques mais c’est l’IRM, par la recherche d’un « couplage ventriculaire pathologique » qui permet d’apprécier les signes de constriction en cas de péricardite constrictive (complémentarité des deux examens). Les domaines d’excellence de l’IRM, outre la quantification des volumes et des fonctions contractiles des ventricules droit et gauche, concernent l’identification des lésions tissulaires mises en évidence en imagerie T1 après injection de gadolinium (imagerie de rehaussement tardif). Cette potentialité est précieuse dans les cardiomyopathies (par exemple hypertrophique apicale) et pour objectiver les atteintes cardiaques des maladies de système. Il convient ici d’insister sur deux applications pratiques cruciales : - les SCA avec élévation de troponine et coronarographie normale peuvent être élucidés dans plus de deux tiers des cas grâce à l’IRM avec gadolinium qui montre des hypersignaux pathologiques sous-épicardiques en cas de myocardite (figure 4) et des lésions sous-endocardiques (ou transmurales) en cas d’atteinte ischémique (figure 5). - Il s’agit là d’une indication majeure de l’IRM cardiaque en pratique de routine pour toute unité de soin intensif pour coronariens car aucune autre technique d’imagerie n’est capable de révéler ces petites lésions myocardiques dont l’identification conditionne directement le choix thérapeutique ; - le diagnostic de viabilité myocardique dans les suites de l’infarctus constitue également une bonne indication de l’IRM, grâce aux séquences pondérées T1 post-gadolinium (figure 6). Figure 4. Hypersignal post-gadolinium (flèche) montrant un petit infarctus sous endocardique de la paroi inféro-latéral prenant le pilier, indiscernable autrement que par IRM (pas d’anomalie de contraction segmentaire). Figure 5. Petites lésions de myocardite antérieure et inférieure médianes du sous épicarde, bien identifiables en imagerie post-gadolinium (flèches). Figure 6. L’IRM post-gadolinium permet d’apprécier la viabilité myocardique. Deux exemples d’infarctus antero-septo-apical sont présentés ici. La colonne de gauche montre une large extension transmurale de l’hypersignal pathologique (flèches), traduisant l’absence de viabilité myocardique (pas de récupération de contractilité si l’IVA est revascularisée). La colonne de droite montre un fin liséré d’hypersignal pathologique localisé au sous endocarde antéro-septo-apical, ce qui est faveur d’une bonne viabilité résiduelle et doit encourager à revasculariser l’IVA autant que possible afin de restaurer une meilleure contractilité dans ce territoire. On retiendra aussi la place privilégiée de l’IRM dans les bilans diagnostiques et préopératoires des masses et tumeurs cardiaques et pour l’estimation de la charge en fer du myocarde chez les patients atteints d’hémochromatose ou de thalassémie majeure. Enfin, dans le suivi des cardiopathies congénitales de l’adulte, l’IRM reste encore nettement sous-utilisée – surtout pour le VD et la voie d’éjection droite – alors que sa contribution est tout a fait déterminante en complément de l’examen échocardiographique. Par exemple, la quantification des volumes du VD constitue un élément complémentaire utile pour déterminer si une valvulation pulmonaire est indiquée chez les patients présentant une fuite pulmonaire importante dans les suites d’une résection trans-annulaire pour réparation d’une tétralogie de Fallot. En pratique La question du choix entre scanner et IRM cardiaque repose sur leur complémentarité dans la plupart des indications, excepté les quelques situations de concurrence où s’affrontent ces techniques. Il s’agit principalement de la détection de la maladie coronaire, domaine où la position dominante actuellement occupée par le coroscanner pourrait être remise en question lorsque l’IRM de stress sera plus répandue dans notre pays.

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