Publié le 22 nov 2011Lecture 8 min
Quand arrêter un test d’effort ?
D.-M. MARCADET, Clinique Turin, Paris
CNCF
On arrête un test d’effort soit lorsqu’il est maximal soit lorsqu’il apparaît des critères d’arrêt cliniques ou électrocardiographiques(1).
Les critères d’arrêt cliniques
(tableau 1)
Ce sont, le plus souvent, une douleur thoracique imposant l’arrêt ou une dyspnée importante, un malaise, une lipothymie, des vertiges, une ataxie, une syncope, une chute ou une non-élévation de la pression artérielle. Auparavant, on s’assurera effectivement de diminuer la charge, de faire décrire le symptôme et d’évaluer son intensité en se servant de l’échelle de Borg (tableau 2). L’opérateur lui-même peut, par son attitude, provoquer une certaine anxiété majorant très souvent le symptôme. Quoiqu’il en soit, il faudra respecter la volonté du patient d’arrêter.
Les critères électriques
Il s’agit soit de l’apparition d’une ischémie myocardique suffisamment importante, soit de l’apparition d’une complication. Le sous-décalage de ST lorsqu’il est ample (> 3 mm), étendu sur plusieurs dérivations, précoce, rapidement évolutif, déterminera l’arrêt même chez un sujet asymptomatique. Lorsqu’il est modéré et en dehors de toute douleur, l’effort peut être poursuivi.
Le sus-décalage de ST a, lui, une toute autre signification. L’ischémie trans-murale qu’il traduit correspond à une sténose subocclusive de l’artère intéressée et nécessite des mesures thérapeutiques immédiates : arrêt de l’effort, traitement médicamenteux et transfert immédiat en unité de soins intensifs.
La survenue d’un bloc de branche, d’un hémibloc de branche ou d’un bloc auriculo-ventriculaire représente aussi des critères d’arrêt, même en dehors de tout symptôme.
Devant des extrasystoles ventriculaires (ESV) fréquentes (> 10 %), polymorphes, précoces (surtout si la fraction d’éjection est basse) ou surtout s’il survient une tachycardie ventriculaire ou une fibrillation ventriculaire, on arrêtera immédiatement l’exercice. Lorsque les ESV sont fréquentes, voire en bigéminisme mais sans critère de gravité (cœur normal à l’échographie), on saura poursuivre l’effort car il n’est pas rare de les voir progressivement disparaître au fur et à mesure de l’augmentation de la charge pour réapparaître ensuite au moment de la récupération. C’est d’ailleurs à ce moment-là qu’il faudra être le plus vigilant, cette période étant particulièrement arythmogène.
Effort maximum
Lorsqu’il n’existe pas de critère d’arrêt, la détermination du « maximum » de l’effort repose sur un ensemble de critères cliniques et non pas, comme on le voit trop souvent dans la pratique quotidienne, sur uniquement la fréquence cardiaque atteinte.
Atteindre la fréquence maximale théorique (FMT) est l’un des premiers critères mais n’est pas un critère suffisant. Il n’est pas rare d’obtenir chez certains patients, notamment chez certains sportifs, des fréquences 10 ou 20 bpm au-dessus de la théorique. Plusieurs auteurs ont proposé d’autres formules que celle, célèbre, d’Astrand(2) (220 – âge) pour évaluer la FMT et permettre ainsi de s’adapter à différentes populations. Cette formule est cependant critiquée et certains auteurs ont proposé d’autres formules plus adaptées pour nos patients : 208 – 0,7 x âge pour Tanaka(3) ; Brawner(4) propose, pour les patients cardiaques, notamment ceux traités par bêtabloquants, la formule suivante 164 – 0,7 x âge ; Gulati(5), enfin, a proposé une formule pour les femmes : 206 – 0,88 x âge (tableau 3).
Il est donc important de ne pas s’arrêter immédiatement lorsque la FMT est atteinte et de s’assurer de la capacité du sujet à aller « plus loin ».
Inversement, le test n’est pas obligatoirement sous-maximal lorsque la FMT n’est pas atteinte ! Il peut s’agir d’une insuffisance chronotrope qu’il faudra absolument diagnostiquer.
Depuis quelques années, de nombreuses publications ont souligné l’importance d’étudier le profil fréquentiel à l’effort ; notamment l’existence d’une insuffisance chronotrope peut être à la fois un signe parfaitement corrélé avec la présence de lésions coronaires significatives, mais aussi un facteur pronostique d’événements cardiaques. Il est donc important de savoir, lorsque la fréquence maximale théorique (FMT) n’a pas été atteinte, s’il s’agit d’une insuffisance chronotrope ou d’un test sous-maximal.
Les critères cliniques d’effort maximal sont une difficulté à maintenir la course sur le tapis ou la vitesse de pédalage avec parfois des signes d’intolérance à l’exercice comme une pâleur, des mouvements ataxiques une sensation de malaise. En dehors de la difficulté musculaire à maintenir l’effort (et ceci peut être en rapport avec une pathologie musculo-tendineuse ou articulaire), il faut rechercher une hyperventilation et, dans les cas où une mesure des gaz expirés a été réalisée pendant le test d’effort, un quotient respiratoire (VO2/VCO2) > 1,1 signe l’effort maximal.
La puissance atteinte au cours de l’exercice est le reflet de l’état de forme du sujet et de l’existence ou non d’une pathologie sous-jacente. Comparer la puissance atteinte à la puissance théorique est un autre moyen de savoir si l’effort atteint est maximal. La puissance prédite est d’ailleurs souvent indiquée par la machine d’épreuve d’effort elle-même (il faudra, dans ce cas, vérifier le type de formule utilisé). On la détermine à partir de données cliniques tenant compte de l’âge, du sexe, de la taille, du poids et du niveau de pratique sportive. Il existe plusieurs formules qui toutes partent d’une évaluation de la dépense énergétique exprimée en MET (un MET représente la consommation d’oxygène au repos soit 3,5 ml/min/kg) (tableau 4)(6).
En dehors d’une mesure directe de la consommation d’oxygène, on peut évaluer les Mets réalisés à partir de la formule suivante : METs = Watts x 0,079, pour un test effectué sur vélo et METs = (Vitesse* x [0,1 + (pente x 1,8)] + 3,5)/3,5 pour un test effectué sur tapis roulant.
Par exemple, sur vélo, un homme de 60 ans qui effectue un test de 120 watts a développé 120 x 0,079 soit 9,48 Mets ; cet effort correspond au Mets attendus en fonction de l’âge (tableau 4) ; on peut donc estimer qu’il est proche de la puissance maximale. Bien entendu, il faudra tenir compte de son entraînement physique qui, s’il est soutenu, va lui permettre d’avoir une capacité plus grande. Il faudra évaluer, par l’interrogatoire, en appréciant le type d’activité physique, le degré de sédentarité du sujet (tableau 5).
Rappelons ici l’importance d’utiliser un protocole d’effort adapté (de préférence avec une progression de la charge linéaire, en rampe) pour pouvoir obtenir une puissance maximale. On s’aidera, par exemple, du diagramme et du questionnaire d’activité établis par Myers (figure, tableau 5)(7) pour choisir le protocole à utiliser.
De nombreux tests sous-maximaux, donc non interprétables, le sont en fait en raison de l’utilisation d’un mauvais protocole d’effort.
Figure. Diagramme proposé par Myers pour déterminer les Mets théoriques en fonction de l’âge et d’un questionnaire d’activité.
La plupart du temps, les opérateurs utilisent le protocole qui a été programmé dans « la machine », soit le protocole de Bruce sur tapis roulant soit 30 watts d’augmentation toutes les 2 ou 3 minutes sur bicyclette ergométrique. Il est actuellement recommandé d’utiliser des protocoles rampe, avec une progression linéaire (ou toutes les minutes) de la charge en commençant à 20 % de la charge prédite avec un incrément de 10 % par minute. Prenons par exemple une femme sédentaire de 75 ans et un homme actif de 50 ans. Pour la première, suivant le diagramme proposé par Myers, on attend 5 ou 6 Mets soit 60 à 75 watts, et pour l’homme 11 à 12 Mets soit 140 à 150 watts. Pour les 2 sujets, le protocole 30 watts ne sera pas adapté : un incrément de 15 watts/min pour l’homme et de 5 ou 10 watts/min pour la femme permettront d’obtenir un test maximal plus facilement en une dizaine de minutes.
Quels sont les signes d’un effort maximal ?
Il existe à l’évidence une difficulté à maintenir l’effort demandé. Le sujet ne peut pas maintenir la vitesse de marche sur le tapis roulant ou la vitesse de pédalage sur le vélo devient < 40 tours/minute. Il peut apparaître des mouvements ataxiques avec risque de chute sur le tapis. La plupart des ergomètres étant asservis, il est nécessaire de maintenir une vitesse de pédalage rapide lorsque la charge augmente.
En dehors de la difficulté musculaire à maintenir l’effort (et ceci peut être en rapport avec une pathologie musculo-tendineuse ou articulaire), il faut rechercher une hyperventilation. Dans les cas où une mesure des gaz expirés a été réalisée pendant le test d’effort, un quotient respiratoire (VO2/VCO2) > 1,1 traduit un effort maximal.
Le test sera donc sous-maximal s’il n’apparaît aucun des 3 critères suivants : FMT non atteinte, puissance prédite non atteinte et pas de signe clinique évident d’effort maximal.
Dans ce cas bien entendu, le test ne sera pas interprétable. En revanche, si on constate que l’effort prédit a été atteint, qu’il existe des signes d’effort maximal comme décrit plus haut et que la FMT n’est pas atteinte, on parlera alors d’insuffisance chronotrope.
L’insuffisance chronotrope est fréquente. Elle est souvent responsable de l’intolérance à l’exercice et représente un facteur pronostique indépendant (de l’âge, du sexe, de la forme physique, des facteurs de risque et des modifications du segment ST, de l’existence d’une ischémie ou d’une altération de la fonction ventriculaire gauche). Elle est présente dans un tiers des cas d’insuffisance cardiaque, expliquant les symptômes et la diminution de la qualité de vie de ces patients. Il est donc important d’en faire le diagnostic et de rechercher l’étiologie (recherche d’une insuffisance coronarienne en premier lieu) pour proposer un traitement adapté(8).
On parlera d’insuffisance chronotrope lorsque la FC atteinte est < 85 % de la FMT calculée suivant la formule d’Astrand ou mieux suivant celle de Tanaka. Pour plus de précision, on calculera l’augmentation de la fréquence cardiaque de réserve (FC maximale – FC de repos). Une augmentation < 80 % de la réserve signe l’insuffisance chronotrope. Chez les patients traités par des médicaments ralentisseurs, on utilisera la formule de Brauwner.
Wilkof(9) a proposé une formule pour pouvoir faire le diagnostic d’insuffisance chronotrope, même lorsque le test d’effort est sous-maximal. Cette formule permet de calculer la fréquence cardiaque théorique en fonction de la consommation d’oxygène et de la puissance développée.
FC palier = (220 - âge - FC repos) ([(METs palier - 1)/(METS pic - 1)]) + FC repos
On ne pourra utiliser cette formule que lorsque le test a été couplé à une mesure directe de la consommation d’oxygène. Il existe une insuffisance chronotrope lorsque la FC du palier est < 80 % de la FC attendue.
En pratique
L‘arrêt du test d’effort dépend avant tout des critères cliniques d’intolérance à l’effort ou en raison de l’apparition de complications graves nécessitant des mesures immédiates.
En dehors de ces cas, il faudra se méfier de ne pas arrêter trop tôt un test parce que la FMT a été atteinte alors que le sujet peut encore poursuivre son effort. De même, on se méfiera de ne pas déclarer un test non interprétable parce que la FMT n’a pas été atteinte ; il peut s’agir ici d’une insuffisance chronotrope dont l’étiologie devra être recherchée pour pouvoir adapter le traitement : stimulation cardiaque, modification des traitements d’une insuffisance coronarienne ou cardiaque et réentraînement à l’effort.
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