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Coronaires

Publié le 08 mai 2011Lecture 10 min

Dépister l’ischémie myocardique : pourquoi ? Comment ? Chez quel patient ?

S. WEBER, hôpital Cochin, Paris

Il est bien clair que, si la maladie athéromateuse concerne par définition les gros troncs épicardiques coronaires, l’objectif du traitement est de protéger le myocarde de l’ischémie (et plus encore de la nécrose !). L’évaluation du degré de sténose, de la morphologie de la plaque d’athérome, et éventuellement la correction par pontage ou par angioplastie des lésions athéromateuses, n’a pas pour finalité de rétablir le parallélisme des bords du vaisseau et d’améliorer ainsi l’esthétique de la coronarographie mais bel et bien de protéger le myocarde. L’évaluation du coronarien comporte donc, à divers stades évolutifs de sa maladie, la détection et souvent la quantification de l’ischémie myocardique.

Les indications de ces tests de détection de l’ischémie sont cependant de philosophies différentes selon le stade évolutif de la maladie coronaire. À chaque indication correspond une technique d’induction de l’ischémie et une technique de mesure et de quantification de la souffrance cellulaire myocardique précisément adaptée à la question posée. Les diverses méthodes d’induction et de détection de l’ischémie ne doivent pas être considérées comme concurrentes, mais bel et bien comme complémentaires, chaque situation clinique appelant préférentiellement l’une des techniques validées actuellement disponibles.   Quelles sont les indications des tests de détection de l’ischémie myocardique ? Elles sont schématiquement au nombre de quatre. Affirmer l’origine coronaire d’une douleur thoracique(1) La détection de l’ischémie myocardique représente généralement la première étape de la prise en charge diagnostique lors des douleurs itératives liées à l’effort ou au décours d’une première douleur thoracique de repos n’ayant pas entraîné de signe électrocardiographique détectable ni d’élévation de troponine. Bien entendu, si la maladie débute par un syndrome coronaire aigu (SCA) évident (angor instable documenté, infarctus du myocarde), la réalisation d’un test d’ischémie n’a pas d’intérêt diagnostique et peut même être dangereux, par lui-même (notamment le test d’effort) et indirectement en retardant la réalisation d’une coronarographie. En dehors des SCA, la documentation d’une ischémie myocardique représente la première étape de la prise en charge diagnostique. Les techniques d’imagerie (coronarographie, parfois scanner coronaire) sont envisagées dans un 2e temps, soit lorsqu’il existe une ischémie sévère, soit lorsque les tests non invasifs n’ont pu trancher le dilemme diagnostique. Dans une stratégie de dépistage systématique chez des patients à haut risque artériel(2) Pour les populations à haut risque, l’exemple le plus étudié étant celui du diabète, la réalisation systématique, en l’absence de tout symptôme, d’un test de dépistage de l’ischémie permet le diagnostic plus précoce de certaines formes asymptomatiques et pourtant sévères de maladie coronaire pouvant justifier d’une exploration invasive et parfois même d’une revascularisation par angioplastie ou par pontage. Cette démarche de dépistage est certes « rentable » réduisant, dans les populations à risque, la probabilité de survenue d’un événement coronaire grave, mais ne doit cependant pas faire perdre de vue que l’objectif principal dans ces populations est la mise en application rigoureuse d’une stratégie de correction des facteurs athérogènes. Les objectifs thérapeutiques devront cependant être plus rigoureux, en matière de chiffres tensionnels ou de chiffres lipidiques cibles, lorsqu’existe une atteinte coronaire ischémiante(1). Le suivi à moyen et long terme patients coronariens chroniques Ces patients déjà diagnostiqués bénéficient tous (ou tout du moins devraient bénéficier !) d’un traitement médicamenteux optimal. Malgré ce traitement, la maladie coronaire peut progresser et un phénomène de resténose peut se développer à l’intérieur de l’un des stents. Cette évolutivité de la maladie coronaire, ralentie mais non stoppée par le traitement médicamenteux, justifie la recherche systématique d’une ischémie silencieuse. Curieusement, la littérature est peu parlante, voire totalement muette sur l’espacement de ces tests de détection de l’ischémie. Chez un patient asymptomatique âgé de moins de 70 ans, la réalisation annuelle, tout du moins les premières années de prise en charge paraît une recommandation raisonnable. L’espacement des tests peut, en l’absence d’évolutivité constatée, être allongé par la suite. L’optimisation des modalités de revascularisation myocardique Cette quatrième indication concerne un plus petit nombre de patients mais en contrepartie peut orienter très « lourdement » les décisions thérapeutiques. Il s’agit de patients ayant déjà bénéficié d’une coronarographie qu’elle qu’en ait été l’indication initiale et porteurs de lésions pluritronculaires complexes. Décider de la technique optimale de revascularisation, celle qui offre le meilleur rapport bénéfice/risque, n’est pas toujours aisé. La quantification et surtout la localisation topographique de l’ischémie myocardique représentent des éléments majeurs de la décision(1). De cette localisation de l’ischémie, dépendront à la fois le choix entre chirurgie ou angioplastie et la définition des modalités opératoires pour chacune des deux techniques : nombre et sites d’implantation des pontages ou des stents.   Quelles sont les méthodes d’induction de l’ischémie ? Les patients coronariens chez lesquels on envisage un test de détection de l’ischémie n’ont par définition pas d’ischémie de repos (il s’agirait alors d’un SCA !). Il s’agit donc de reproduire, d’induire l’ischémie myocardique pour pouvoir la diagnostiquer, la quantifier et la localiser. Trois principales méthodes d’induction sont utilisées : L’effort physique Il s’agit là, bien évidemment, de la méthode la plus physiologique, la plus fidèlement reproductrice de ce qui se passe en pathologie et celle dont la valeur pronostique est de loin la plus solidement étayée. L’effort physique s’effectue sur tapis roulant, sur bicyclette ergométrique en position debout et dans certains cas sur bicyclette ergométrique en position couchée. L’effort augmente tous les paramètres déterminant les besoins en oxygène du myocarde : fréquence cardiaque, inotropisme et postcharge. L’effort peut être calibré et quantifié. L’exploration de l’ischémie est complète lorsque, chez le patient vierge de tout traitement anti-ischémique, la fréquence cardiaque maximale atteint le chiffre de 220 moins âge et lorsque la charge de travail effectuée est « raisonnable » par rapport à l’âge et au style de vie du patient. Lorsque l’épreuve d’effort est effectuée pour évaluer un traitement anti-ischémique bradycardisant, seul le deuxième paramètre, charge de travail, est pertinent puisque la fréquence cardiaque est volontairement freinée par le traitement(1). La perfusion de dobutamine qui reproduit partiellement les effets de l’effort Cette observation concerne notamment l’augmentation de la fréquence cardiaque et de l’inotropisme. En revanche, ce stress pharmacologique n’a pas la même influence sur les conditions de charge du ventricule gauche et n’est donc pas tout à fait aussi sensible et aussi prédictif qu’une véritable épreuve d’effort. Il a le double avantage de s’affranchir d’éventuels problèmes locomoteurs, d’artérite des membres inférieurs ou de déconditionnement musculaire. Il est aussi plus commode à mettre en oeuvre lorsque le test de détection de l’ischémie nécessite l’immobilité du patient (échographie de stress notamment)(1). La perfusion d’un vasodilatateur artériolaire type adénosine ou dipyridamole La perfusion d’un vasodilatateur artériolaire induit l’ischémie en créant un phénomène de vol coronaire(1). La vasodilatation distale ne concerne que les artérioles des zones non ischémiques, puisque par définition, la microcirculation nutritionnelle du myocarde ischémique est déjà vasodilatée au maximum du fait même de la souffrance cellulaire. Il en résulte un détournement du flux tissulaire au détriment des zones ischémiques et au profit des zones saines. Ce phénomène de vol augmente donc le défaut de perfusion des zones ischémiques et en favorise ainsi la détection. Ce stimulus pharmacologique a été indiscutablement corrélé à l’existence de sténoses coronaires significatives. Par contre, il s’agit d’une méthode non physiologique dont la valeur pronostique est moins solidement établie que les deux autres méthodes.   Quelles sont les méthodes de détection, localisation et quantification de l’ischémie ? Quatre méthodes sont actuellement utilisées au quotidien. L’électrocardiogramme d’effort(1) C’est la méthode la plus ancienne, la plus simple, la plus robuste, celle dont la valeur pronostique est la plus solidement documentée, notamment chez le coronarien chronique déjà traité. Les renseignements apportés par l’épreuve d’effort sont nombreux, ne se limitant pas à la constatation d’un sous-décalage ischémique du segment ST. La durée totale de l’effort a par exemple, une valeur pronostique considérable représentant probablement l’un des marqueurs pronostiques les plus robustes de toute la cardiologie. Le profil tensionnel d’effort, les constatations de troubles du rythme d’effort ou de récupération, l’analyse plus fine des paramètres ergométriques par mesure des échanges gazeux apportent, dans certaines situations cliniques sélectionnées, des renseignements additionnels précieux. L’épreuve d’effort a bien sûr ses limites liées au patient ne pouvant pas fournir l’effort adéquat(1). Les patients porteurs d’un bloc de branche gauche, d’un pacemaker, d’une préexcitation et de troubles préexistants de la repolarisation ont des épreuves d’effort peu, voire non contributives. Comparativement aux autres techniques de détection myocardique, l’épreuve d’effort est un peu moins sensible et surtout moins localisatrice. Elle reste cependant la méthode de référence, surtout si le cardiologue qui l’effectue met toute son énergie et tout son talent à obtenir du patient un effort réellement maximal et à bien exploiter les nombreux paramètres recueillis. La scintigraphie myocardique Divers isotopes marqueurs de perfusion tissulaire myocardique sont utilisables. La scintigraphie a une sensibilité légèrement mais significativement meilleure que celle de l’épreuve d’effort et surtout une valeur localisatrice bien plus précise. L’ischémie peut être induite soit par l’effort, soit par un stress vasodilatateur (souvent dipyridamole), soit par une combinaison des deux(1). Il s’agit d’une technique bien plus coûteuse que l’épreuve d’effort. Assez souvent le stress pharmacologique est obtenu par une combinaison d’effort et d’injection de dipyridamole, l’effort étant en pratique généralement sousmaximal, voire très sous-maximal. Si la valeur localisatrice de cette technique est bonne, ses deux talons d’Achille sont une médiocre spécificité (fort taux de faux positifs) et une valeur pronostique incertaine notamment en ce qui concerne les stress combinés : effort plus dipyridamole. L’échographie de stress Elle évalue indirectement l’ischémie myocardique par le biais des troubles de la cinétique segmentaire qu’elle induit. Il s’agit d’une technique sensible, spécifique et de très bonne valeur localisatrice(1,3). Les points fragiles de la technique sont : • ses limites d’utilisation chez les malades peu échogènes ; • l’utilisation préférentielle de la dobutamine plutôt que de l’exercice physique qui est réalisable, mais en pratique plus difficile ; • de ce fait, ce test est difficile à utiliser chez les patients bêtabloqués, c’est-à-dire en pratique chez le coronarien chronique stable dont on veut suivre l’évolution ; • enfin, il s’agit d’une technique restant très opérateur-dépendante et donc fortement consommatrice de temps médical hautement spécialisé. L’IRM C’est une technique particulièrement adaptée à l’évaluation fine de l’état fonctionnel et structurel du myocarde lors de la maladie coronaire(1). Elle peut détecter aussi bien l’ischémie que la nécrose. Sa sensibilité et sa spécificité sont bonnes. Sa valeur localisatrice est excellente. Les méthodes de l’induction de l’ischémie mises en pratique sont généralement la perfusion d’un vasodilatateur (adénosine ou dipyridamole) ; un test plus physiologique comme l’effort est en théorie possible mais, pour des raisons pratiques, rares sont les équipes pratiquant l’IRM d’effort. Enfin, la disponibilité de la technique est variable d’un centre à l’autre, parfois encore assez limitée.   Quelle méthode dans quelle indication ?   Pour le diagnostic positif de maladie coronaire, face à une douleur thoracique (figure 1) L’épreuve d’effort lorsqu’elle est techniquement réalisable reste indiscutablement la technique de premier choix, une fois que l’on est certain qu’il ne s’agit pas d’un SCA. Elle doit être effectuée avant l’introduction de tout traitement anti-ischémique. Son interprétation est plus délicate lorsqu’un patient recevait déjà un bêtabloquant ou un inhibiteur calcique à visée hypertensive, notamment. L’échographie de stress est une excellente alternative, plus localisatrice, à condition d’être réalisée par un opérateur très performant. La scintigraphie de stress et l’IRM de stress ne devraient être envisagées à ce stade que si l’épreuve d’effort n’est pas possible ou n’est pas concluante. Figure 1. Stratégies préférentielles dans le bilan étiologique d'une douleur thoracique en vue du dépistage de l'ischémie myocardique. Détecter la maladie coronaire dans des populations à risque (figure 2) Pour détecter la maladie coronaire dans des populations à risque, l’épreuve d’effort simple paraît également une excellente méthode représentant un bon compromis entre la sensibilité, la spécificité, la disponibilité et le coût financier. Les techniques isotopiques restent largement utilisées dans cette indication, leur surcoût et la fréquence des faux positifs par rapport à l’épreuve d’effort simple en limitent cependant le bénéfice. Figure 2. Stratégies préférentielles de dépistage de l'ischémie myocardique dans les populations à risque. Le suivi du coronarien traité (figure 3) Il s’agit là en toute logique de détecter les patients restant ischémiques malgré le traitement ; ce sont ces patients et seulement ceux-là qui justifient réellement la réalisation d’une nouvelle coronarographie et éventuellement d’un geste complémentaire de revascularisation. Là aussi, c’est l’épreuve d’effort effectuée sans interruption du traitement anti-ischémique, notamment sans interruption des bêtabloquants, qui est la méthode la mieux adaptée à condition que l’effort développé soit vraiment réaliste par rapport à l’âge et au style de vie du patient. Chez le coronarien traité, la valeur prédictive de la scintigraphie de stress ou de l’IRM de stress est incertaine. L’échographie d’effort effectuée sous bêtabloquant serait idéalement la technique optimale mais sa disponibilité reste en pratique très limitée. Figure 3. Dépistage de l'ischémie silencieuse chez le coronarien traité (* sous réserve accessibilité à la technique). Pour décider d’une stratégie de revascularisation complexe, ce sont les techniques quantitatives et localisatrices d’évaluation de l’ischémie qui sont les plus utiles et notamment l’IRM de stress ou échographie de stress (figure 4). En conclusion, la palette des combinaisons entre méthode de déclenchement de l’ischémie et méthode de détection est importante, le choix de la bonne combinaison chez un patient donné dépend principalement de la nature précise de la question que l’on se pose. Si la question est bien posée, le choix de la technique coule généralement de source. Figure 4. Définition de la stratégie de revascularisation chez le pluritronculaire complexe. « Publié dans Médical Staff Coronaires »

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