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Coronaires

Publié le 15 mar 2020Lecture 8 min

Évaluation non invasive de la réserve coronaire

Olivier LAIREZ, Fédération des services de cardiologie, hôpital Rangueil, Toulouse ; Département de médecine nucléaire & Centre d’imagerie cardiaque, CHU de Toulouse

La réserve coronaire représente la capacité maximale d'augmentation du flux sanguin coronaire et se calcule par le rapport du flux sanguin coronaire à l’état d’hyperhémie maximale sur le flux sanguin coronaire au repos. Elle représente une mesure fonctionnelle du lit artériel coronaire intégrant les artères coronaires épicardiques et la microcirculation artériolaire. Sur la base d’un flux sanguin normal au repos d’environ 1 ml.min-1.g-1, la réserve coronaire sollicitée au cours d’un exercice maximal est d’environ 4, voire plus chez les athlètes(1). La réserve coronaire est le premier paramètre à être modifié en présence d'une sténose coronaire limitant le flux sanguin coronaire(2) (figure 1). Chez les patients présentant une coronaropathie suspectée ou connue, une réserve coronaire ≥ 2 est considérée comme normale(1).

Figure 1. Flux sanguin myocardique au repos et en situation d’hyperhémie selon la présence/absence d’une sténose coronaire limitant le flux sanguin. La valeur ajoutée de la mesure de la réserve coronaire en plus de l’imagerie de perfusion myocardique conventionnelle repose sur deux aspects : le diagnostic et le pronostic. L’amélioration diagnostique concerne les faux négatifs de l’imagerie de perfusion qui peuvent se rencontrer en cas de statut tritronculaire entraînant une ischémie équilibrée dans laquelle la distribution du traceur de perfusion est réduite mais homogène. L’altération de la réserve coronaire permet de corriger le diagnostic(3). La valeur pronostique de la réserve coronaire est probablement la plus prometteuse. En permettant une mesure fonctionnelle intégrée de tout l’arbre coronaire, la réserve coronaire est l’un des paramètres pronostiques les plus puissants du domaine cardiovasculaire et permet une reclassification pronostique chez les patients dont la coronaropathie est suspectée ou avérée, au-dessus des facteurs de risque traditionnels tels que le score de risque de Framingham, la fraction d’éjection ventriculaire gauche, les traitements antiangineux, et même la présence et l’étendue d’une ischémie myocardique et/ou d’une cicatrice(4). La réserve coronaire est associée aux événements cardiovasculaires majeurs, indépendamment de l’étendue angiographique des lésions coronaires(5). Évaluation en tomographie par émission de positons La tomographie par émission de positons (TEP) cardiaque, en couplant résolution spatiale et correction d’atténuation, permet la quantification absolue de la concentration des radiotraceurs et, à l’aide de modèles compartimentaux, la mesure du flux sanguin myocardique au repos et au décours d’un stress hyperhémique(6). L’eau diffusant librement entre la masse sanguine et le myocarde, sans rétention et sans interaction métaboliques, la TEP à l’eau radiomarquée à l’oxygène 15 (15O-eau) est actuellement, l’examen de référence pour la mesure non invasive du flux sanguin coronaire(7). En effet, l’extraction linéaire du radiotraceur étant linéaire avec l’augmentation du débit sanguin, l’activité myocardique ne dépend que de la perfusion. Cependant, la courte demi-vie de l’oxygène marqué (2,04 min) tout en permettant une évaluation séquentielle du flux coronaire avec une exposition modeste aux radiations(8) nécessite le recours à un cyclotron qui en limite son utilisation à la recherche et ne permet pas son déploiement en pratique clinique. Le 82Rubidium (82Rb), un analogue du potassium, est un radiotraceur TEP qui s’accumule dans le myocarde par la pompe Na-K-ATPase. Le 82Rb est absorbé dans le myocarde viable, tandis qu’il est rapidement éliminé des tissus fibrotiques. L’extraction myocardique de premier passage du 82Rb est élevée (65 %), mais diminue de manière non linéaire avec l’augmentation du débit sanguin(9). Le 82Rb a l’avantage de pouvoir être élué à partir de générateurs de 82Strontium permettant une obtention sur demande et un usage clinique. Sa demi-vie courte (75 secondes) limite l’exposition aux rayonnements ionisants. Les acquisitions au repos et au stress peuvent être effectuées de manière séquentielle en 20-25 minutes, car l’activité injectée du 82Rb a complètement diminué 7 à 8 minutes après l’administration. De nombreux travaux ont fait la preuve de l’intérêt de l’étude de la perfusion en TEP-82Rb en comparaison avec l’imagerie de perfusion en scintigraphie conventionnelle pour l’évaluation diagnostique et pronostique des coronaropathies(10-12). Cependant, l’absence d’autorisation de mise sur le marché dans cette indication en France et le prix des générateurs obligeant à un haut niveau d’activité en limite son utilisation en pratique clinique. La 13N-ammoniac diffuse librement dans le myocarde. La 13Nammoniac a une demi-vie de 10 minutes, ce qui explique qu’un signal myocardique résiduel persiste à la fin de l’acquisition TEP. Les acquisitions TEP à l’effort et au repos doivent donc être séparées par un intervalle de 30 minutes pour permettre la diminution de l’activité myocardique ou un logiciel dédié doit être utilisé pour corriger l’activité myocardique résiduelle lors de la deuxième acquisition TEP. La 13N-ammonie est surtout utilisé dans les centres de recherche en raison de sa complexité de synthèse qui nécessite le recours à un cyclotron. Le 18F-Flurpiridaz est un nouveau traceur de perfusion en TEP marqué au Fluor-18 (18F) qui se lie au complexe mitochondrial. Des études précliniques ont démontré que le 18F-Flurpiridaz présente une extraction myocardique élevée et une rétention prolongée. En raison de la décroissance relativement plus longue du 18F par rapport aux traceurs TEP actuellement disponibles, le 18F-Flurpiridaz peut être produit en dose unitaire à partir d’un cyclotron régional, ce qui évite d’avoir recours à un cyclotron ou à un générateur sur place. Les études de phase 1 sur le 18F-Flurpiridaz ont montré que ce traceur est cliniquement sûr, présente une dosimétrie clinique acceptable et fournit des images de haute qualité(13,14). Les nouveaux outils scintigraphiques utilisant les caméras aux détecteurs de tellurure de cadmium et zinc (TCZ) Les détecteurs de tellurure de cadmium-zinc ayant une sensibilité photonique plus élevée que les caméras d’Anger conventionnelles(15) permet la réalisation d’acquisitions dynamiques de perfusion de premier passage autorisant la mesure du flux coronaire absolu et, par extension, la mesure de la réserve coronaire(16). La mesure de la réserve coronaire en scintigraphie conventionnelle par tomographie par émission monophotonique (TEMP) à l’aide de détecteurs TCZ utilise les traceurs de perfusion conventionnels (MIBI et tétrofosmine) et consiste en l’acquisition d’images dynamiques de repos et de stress sous la caméra, ne permettant que les stress sous vasodilatateur pour éviter les artéfacts de mouvements induits par l’effort. L’acquisition dynamique permet d’extraire de courbes d’activité en fonction du temps dont le ratio stress sur repos permet le calcul de la réserve coronaire (figure 2). Si la mesure absolue du flux coronaire en TEMP dynamique utilisant les détecteurs TCZ reste soumise à certaines limites dues à la correction de la fraction d’extraction du traceur et de l’atténuation, en revanche, l’étude WATERDAY a récemment montré la bonne corrélation pour la réserve coronaire entre TEMP dynamique et TEP au 15O-eau(17). Figure 2. Quantification du débit sanguin myocardique par tomographie par émission monophotonique dynamique sur caméra avec détecteurs de tellurure de cadmium-zinc. Le développement des acquisitions dynamiques en TEMP-TCZ permet donc d’envisager la mesure de la réserve coronaire en pratique clinique, sans nécessité de cyclotron ou de générateur, à l’aide de traceurs conventionnels ayant une autorisation de mise sur le marché dans l’étude de la perfusion coronaire. Les alternatives en imagerie non invasive Échocardiographie transthoracique L’échocardiographie transthoracique a été utilisée dès la fin des années 1990 pour explorer la réserve coronaire comme indicateurs de sévérité d’une sténose coronarienne et de la fonction microvasculaire. La technique est basée sur la mesure de la vitesse du flux coronaire par Doppler au niveau de la distalité de l’artère interventriculaire antérieure, au repos et après une vasodilatation maximale à l’aide d’une sonde haute fréquence(18). La technique a montré de bonnes corrélations avec les mesures invasives(19) mais se confronte à plusieurs limites dues à la fenêtre acoustique, la variabilité des résultats avec le positionnement de la sonde et de l’angle Doppler, aux difficultés d’exploration de segments tortueux et de petits calibres, mais également à la nature limitée de la seule exploration de l’artère interventriculaire antérieure. Imagerie par résonance magnétique (IRM) La quantification absolue du flux coronaire en IRM est difficile et l’IRM cardiaque de perfusion est le plus souvent évaluée de manière qualitative. Face aux difficultés d’obtention d’une mesure quantitative du flux coronaire sur les données de perfusion en raison du manque de linéarité entre le signal mesuré et la concentration de l’agent de contraste, les premiers travaux en IRM se sont concentrés sur la quantification du débit coronaire par cartographie de flux au repos et après une vasodilatation maximale soit au niveau du sinus coronaire(20), soit au niveau de l ’artère interventriculaire antérieure(21). Cependant, ces méthodes se sont avérées limitées en raison du déplacement important du sinus coronaire et des artères coronaires pendant le cycle cardiaque, rendant difficile la quantification précise du débit. De nouvelles approches optimisant les protocoles d’imagerie pour la quantification de la perfusion sanguine sont en cours(22), mais la perspective la plus prometteuse vient probablement des séquences de cartographie T1 après administration de produit de contraste, très sensibles aux variations de volume extracellulaire du myocarde, permettant de détecter les changements du volume sanguin myocardique au repos et après un stress vasodilatateur(23). Fractional Flow Reserve (FFR) en scanner cardiaque L’évaluation anatomique non invasive des artères coronaires par coroscanner est de plus en plus utilisée pour détecter ou exclure les coronaropathies. Cependant, malgré une bonne valeur prédictive négative, la technique reste limitée par une approche purement morphologique qui ne permet pas d’évaluer l’impact hémodynamique de la lésion. Récemment, des méthodes utilisant des calculs de dynamique des fluides à partir du coroscanner (FFR-CT) pour estimer le retentissement dynamique des sténoses coronaires ont été mises au point(24,25). Ces méthodes utilisent des données de coroscanner acquises en routine et calculent l’impact hémodynamique des lésions en modélisant le flux coronaire au repos à partir des données de pression artérielle. La FFR-CT a montré de bons résultats en termes de précision diagnostique en comparaison avec la FFR invasive(26). Cependant, cette nouvelle technique modélise le flux artériel sur la base d’une lésion coronaire épicardique et ne permet donc pas l’exploration de la microcirculation, qui, en l’absence de visualisation directe, nécessite l’exploration du flux coronaire pendant un stress vasodilatateur. En pratique L’étude de la réserve coronaire représente un changement de paradigme avec le passage de l'exploration coronaire anatomique puis de l'exploration fonctionnelle macrovasculaire grâce aux tests d’ischémie conventionnels à une approche intégrée permettant une exploration fonctionnelle de tout l’arbre vasculaire incluant la microvascularisation. Cette évolution des pratiques est le résultat d’une amélioration des techniques d’imagerie non invasive permettant d’envisager une application en pratique clinique avec notamment le développement des détecteurs TCZ en scintigraphie et des techniques de cartographie du T1 en IRM. Références sur demande à la rédaction : biblio@axis-sante.com

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