Publié le 19 sep 2006Lecture 9 min
Échographie de contraste - Quelle utilisation en pratique clinique ?
E. BROCHET, hôpital Bichat, Paris
Après de longues années de recherche et de progrès dans les mises au point d’agents de contraste et de techniques échographiques, l’échocardiographie de contraste est enfin arrivée au stade de l’application clinique.
Plusieurs agents de contraste utilisables par voie veineuse sont désormais disponibles ou en cours de commercialisation en France et tous les échographes actuels proposent des modalités d’imagerie permettant une excellente visualisation du contraste dans les cavités cardiaques gauches. En effet, la principale utilisation des agents de contraste, et en fait la seule pour laquelle ils ont reçu l’autorisation de mise sur le marché, est l’opacification ventriculaire gauche.
La seconde application, qui a nourri beaucoup d’espoirs, est l'étude non invasive de la perfusion myocardique. Cependant malgré de grands progrès réalisés dans cette approche, celle-ci reste encore non disponible en clinique en raison de limites importantes.
Agents de contraste ultrasonores
Les agents de contraste utilisables par voie veineuse sont constitués de microbulles de la taille des éléments figurés du sang. Ces agents se différencient par le type de gaz contenu dans les microbulles, les constituants de leur enveloppe et leur mode de stabilisation.
Le Levovist, agent de première génération, est constitué de bulles d’air stabilisées par une suspension de microparticules de galactose et de phospholipides. Longtemps le seul agent disponible en France, il se caractérise par une durée de vie courte liée au caractère très diffusible de l’air contenu dans les microbulles.
L’Optison et le Sonovue, des produits plus récents actuellement disponibles, sont constitués de microbulles contenant un gaz fluorocarboné, peu diffusible, prolongeant la durée de vie des microbulles. L’enveloppe de l’Optison est constituée par de l’albumine, celle du Sonovue par des phospholipides. D’autres agents fluorocarbonés devraient être disponibles prochainement, comme le Luminity, (actuellement seul agent de contraste utilisé aux États-Unis et commercialisé sous le nom de Definity).
Tous les agents ultrasonores commercialisés permettent une opacification des cavités cardiaques gauches après injection intraveineuse.
Leurs limites
Chaque agent contraste possède des caractéristiques propres concernant :
- son mode de préparation et de conservation,
- son utilisation,
- son interaction avec les ultrasons, conditionnant la qualité de l’opacification obtenue.
• Une des limites des agents de première génération (microbulles d’air) est leur destruction rapide par les ultrasons eux-mêmes. Cet inconvénient nécessite l’utilisation répétée de bolus d’agents de contraste, avec une opacification de courte durée et souvent inhomogène, en particulier dans la région apicale.
• Les agents fluorocarbonés possèdent au contraire des caractéristiques permettant une opacification optimale et prolongée, grâce à leurs propriétés acoustiques et à l’utilisation de techniques spécifiques de réhaussement du signal des microbulles.
Techniques ultrasonores
Sans entrer dans le détail de toutes les techniques mises au point depuis une dizaine d’années pour l’échographie de contraste, il faut savoir qu’elles ont comme but commun de limiter la destruction des microbulles et de rehausser le signal des agents de contraste par rapport au tissu myocardique. Ces techniques, développées principalement pour l’étude de la perfusion myocardique ont également grandement amélioré la qualité de l’opacification ventriculaire gauche.
L’imagerie harmonique.
Parmi ces techniques citons le grand progrès réalisé par la mise au point de l’imagerie harmonique, privilégiant le signal ultrasonore en provenance des microbulles, à partir de laquelle ont été développées plusieurs approches (Pulse Inversion, Power modulation, etc.) qui ont abouti à l’imagerie de contraste en temps réel.
L’imagerie de contraste en temps réél.
Elle utilise les propriétés qu’ont les microbulles de répondre spécifiquement aux ultrasons aux très faibles énergies acoustiques (très faible index mécanique). À ce niveau d’énergie, la réponse des tissus est très faible et la destruction des microbulles est limitée. Cela permet une excellente qualité d’opacification ventriculaire gauche.
Des réglages spécifiques pour l’opacification ventriculaire gauche sont actuellement disponibles sur la plupart des échographes de dernière génération et sont particulièrement efficaces avec les agents de contraste fluorocarbonés comme l’Optison et le Sonovue.
Quelques principes sont importants à connaître pour obtenir une opacification de qualité, comme la nécessité d’utiliser de très faibles index mécaniques pour éviter la destruction des microbulles à l’apex, et une bonne connaissance des modalités d’utilisation de l’agent utilisé.
Au prix d’un apprentissage très court, il est maintenant possible d’obtenir des images d’opacification cavitaire d’excellente qualité chez la plupart des patients (figure 1).
Figure 1. Opacification cavitaire obtenue après injection intraveineuse d'Optison® en imagerie harmonique (A) et de Sonovue® en imagerie temps réel (B).
Application clinique : l’opacification cavitaire ventriculaire gauche
L’indication clinique actuellement retenue des agents de contraste ultrasonores commercialisés est l’opacification intracavitaire dont l’objectif est double :
• améliorer la qualité des examens échographiques jugés insuffisants et la détection de l'endocarde ;
• permettre une évaluation plus fiable des volumes et de la fonction ventriculaire gauche.
Détection de l’endocarde : une supériorité de l’échographie de contraste
L’évaluation précise des volumes ventriculaires et de la fraction d'éjection ventriculaire gauche (FEVG) a toujours été un objectif majeur de l’échocardiographie. On connaît l’importance pronostique de ces paramètres dans de nombreuses situations pathologiques.
La reproductibilité de l’évaluation échographique des volumes et de la FEVG est cependant imparfaite, dépendant à la fois des modèles géométriques utilisés et de la qualité de la visualisation de l’endocarde.
Bien que l’imagerie harmonique ait représenté un progrès considérable dans la qualité des images échographiques, plusieurs études ont montré la supériorité de l’échographie de contraste dans cette évaluation et ce pour diverses raisons.
• L’amélioration des images échographiques obtenue en imagerie harmonique n’est pas toujours suffisante pour effectuer des mesures quantitatives précises ou chez les patients très difficiles, obèses ou insuffisants respiratoires (figure 2).
Figure 2. Amélioration de la détection des contours endocardiques en cas d'imagerie insuffisante. En haut : imagerie harmonique sans contraste ; en bas, après injection de Sonovue®.
• L’opacification cavitaire couplée à l’imagerie harmonique :
- offre une meilleure visualisation des contours endocardiques, permettant d’effectuer plus facilement et de manière plus reproductible les mesures de volumes et de fraction d’éjection ;
- permet une identification plus précise de la pointe du ventricule gauche, réduisant ainsi le risque d’amputation de l’apex, cause très fréquente de sous-estimation des volumes ;
- réduit la variabilité interobservateur pour ces mesures quantitatives.
• Les valeurs de volumes obtenues par cette technique sont mieux corrélées à l’IRM que celles obtenues en imagerie harmonique sans contraste, avec notamment une moindre sous-estimation des volumes.
Chez les patients de réanimation, non mobilisables ou sous ventilation artificielle, l’échographie de contraste améliore significativement la faisabilité et la fiabilité de l’estimation visuelle de la cinétique segmentaire et de la fraction d'éjection comparativement à l’imagerie harmonique. Pour ces patients, cette technique peut représenter une alternative performante à l’échographie transœsophagienne pour l’évaluation de la fonction ventriculaire gauche.
Ainsi, malgré les progrès de l’imagerie ultrasonore, l’échographie de contraste intracavitaire garde un intérêt certain et l’utilisation des agents de contraste, couplée à l’imagerie harmonique, peut être proposée aux sujets gardant une qualité d'image insuffisante en imagerie harmonique ou pour des indications spécifiques. Cette utilisation du contraste semble particulièrement intéressante lorsque sont nécessaires des mesures quantitatives précises des volumes ventriculaires, notamment lors de protocoles d’évaluation du remodelage ventriculaire gauche.
D’autres modalités d’utilisation des agents de contraste sont en train d’émerger. Citons notamment l’utilisation des agents de contraste en association avec les nouveaux algorithmes automatiques de détection de l’endocarde, ou plus récemment, son association avec l’échographie tridimensionnelle temps réel, très intéressante pour la quantification des volumes et de la FEVG (figure 3).
Figure 3. Utilisation du contraste cavitaire couplé à l'échographie 3D temps réel.
Détection des masses et thombus intracavitaires
L'échographie de contraste permet une excellente délimitation des structures anatomiques normales ou pathologiques.
La détection des thrombus intraventriculaires gauches est facilitée par l'opacification de la cavité. Différentes modalités peuvent être utilisées, telles que l'opacification en mode harmonique noir et blanc ou Power Doppler ou en mode temps réel.
L’échographie de contraste permet également la détection d’anomalies morphologiques de la cavité ventriculaire gauche, comme les pseudoanévrismes ventriculaires ou la non-compaction ventriculaire gauche.
Échographie de stress
L’échographie de stress est sans conteste le domaine d’application le plus important des agents de contraste intraveineux.
La qualité de l’imagerie est un élément déterminant de la performance diagnostique et de la reproductibilité de l’échographie de stress. Cela a été bien démontré lors de l’introduction de l’imagerie harmonique tissulaire. Il a également été bien démontré que, malgré l'imagerie harmonique, la visualisation de l'endocarde reste difficile chez certains patients au repos et lors du stress, du fait de l’hyperkinésie ou de l’hyperventilation.
L’apport de l’échographie de contraste lors de l’échographie de stress a été démontré dans plusieurs études comportant un grand nombre de patients. L’injection d'un agent de contraste intraveineux, couplée à l’imagerie harmonique, améliore significativement la qualité des images, permettant une étude plus complète des segments myocardiques. Cela a pour conséquence principale une amélioration sensible de la reproductibilité interobservateur, notamment entre lecteurs novices et expérimentés.
Chez les patients peu échogènes, l’opacification ventriculaire gauche obtenue au cours du stress permet d’obtenir une analyse de même qualité que celle des patients échogènes (figure 4).
Figure 4. Opacification cavitaire lors de l'échographie de stress.
Dans les centres qui la pratiquent régulièrement, l’utilisation de l’échographie de contraste n’est pas systématique et l’imagerie harmonique sans contraste reste la technique de référence. Les recommandations actuelles de l’American Society of Echography (ASE) proposent d’utiliser un agent d’échographie de contraste lorsque plusieurs segments ne sont pas visibles à l’état basal (en imagerie harmonique) ou chez les patients dont l’image se dégrade au cours du stress.
La place précise de l’utilisation de l’opacification cavitaire lors de l’échographie de stress reste encore débattue. Très utilisée aux États-Unis et en Grande-Bretagne, elle ne l’est encore que peu en France et cela probablement du fait, d’une part :
• d’un retard à la commercialisation des agents de contraste en France par rapport aux pays anglo-saxons et même européens ;
• d’un coût et remboursement de l’agent de contraste : il faut savoir que les agents de contraste sont disponibles en officine et peuvent être prescrits au patient lors du rendez-vous de l’échographie de stress, si les conditions d’échogénicité le justifient ;
• de difficultés parfois rencontrées dans l’interprétation des images de contraste (artefacts d’atténuation et de destruction) ;
D’autres limites qui tiennent à la nécessité d’un abord veineux, (mais celui-ci est généralement présent en échographie de stress), à la nécessité de formation supplémentaire (médecins et infirmières), et à de possibles effets secondaires potentiels rares, mais sérieux des agents de contraste (allergie). À ce titre, il faut signaler la contre-indication du Sonovue® en phase aiguë d’infarctus du myocarde.
Ces limites soulignent encore la nécessité d’un apprentissage spécifique minimal des modalités d’utilisation des agents de contraste, des techniques de rehaussement et de l’interprétation des images. Cet apprentissage est actuellement facilité par la simplification des réglages et un relatif consensus sur les méthodes à utiliser.
Sous réserve de ces conditions, nécessaires pour tirer le bénéfice maximal de la technique, celle-ci paraît représenter une avancée certaine en échographie de stress. Il semble souhaitable en 2006 de pouvoir disposer d’agents de contraste et de connaître leur utilisation dans tout laboratoire d’échocardiographie de stress.
Autres applications
Opacification myocardique
L’étude non invasive de la perfusion myocardique est l’application la plus passionnante de l’échographie de contraste, avec des applications potentielles multiples, tant dans l’évaluation de l’ischémie aiguë et de la reperfusion (syndrome coronaire aigu, infarctus du myocarde), qu’en échographie de stress ou pour l’évaluation de la viabilité myocardique.
De très nombreux travaux de recherche ont permis de faire progresser cette technique depuis une dizaine d’années. La technique est bien validée expérimentalement avec les agents de contraste fluorocarbonés, couplés à différentes techniques de rehaussement du signal myocardique.
Malheureusement, même si des résultats cliniques encourageants ont été publiés, notamment dans l’infarctus du myocarde ou en échographie de stress, des limites très importantes persistent pour une application clinique en routine de ces techniques. Parmi ces limites, certaines sont liées à la physique même de l’exploration ultrasonore ou à la réponse myocardique hétérogène aux ultrasons (artefacts de la paroi latérale notamment).
Alcoolisation septale
L’échographie de contraste myocardique est utilisée lors des procédures d’alcoolisation septale des cardiomyopathies hypertrophiques obstructives. L’injection intracoronaire sélective d’un agent de contraste (Levovist) dans une artère septale permet de s’assurer que la zone opacifiée correspond bien au territoire cible de l’alcoolisation, améliorant ainsi la sécurité et l’efficacité de la technique.
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