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Thrombose

Publié le 10 juin 2008Lecture 7 min

Embolie pulmonaire massive : que faire en cas d'échec de la thrombolyse ?

N. MENEVEAU, Pôle Cœur-Poumon, CHU Jean Minjoz, Besançon

Il est aujourd’hui établi que l’embolie pulmonaire massive, définie par un état de choc ou une instabilité hémodynamique clinique, justifie d’un traitement thrombolytique. La prise en charge des patients chez qui la fibrinolyse s’est avérée inefficace ne fait en revanche l’objet d’aucune recommandation particulière.

Il est difficile de définir l’échec de la thrombolyse dans l’embolie pulmonaire, contrairement à la situation qui prévaut dans l’infarctus myocardique où les critères et la prise en charge d’un traitement thrombolytique inefficace sont aujourd’hui bien codifiés. En l’absence d’amélioration clinique, les solutions thérapeutiques envisageables dépendent des moyens disponibles localement. Dans la majorité des cas, la prise en charge de ces patients se fait de façon empirique, en ayant recours le plus souvent aux amines pressives, parfois à un nouveau traitement thrombolytique, plus rarement à une embolectomie chirurgicale ou une thrombectomie percutanée.   Nécessité d’une solution thérapeutique alternative Le pronostic de l’embolie pulmonaire massive est extrêmement sévère. Les données du registre MAPPET font état d’une mortalité hospitalière de 15 % en cas d’hypotension systémique, de 25 % en cas de choc cardiogénique et de 65 % chez les malades qui nécessitent une réanimation cardio-respiratoire. Au-delà de 50 % d’amputation artérielle pulmonaire, une augmentation, même modérée, de l’obstruction du lit vasculaire s’accompagne d’une brutale élévation des résistances pulmonaires selon une relation exponentielle. Dans ce contexte, une réduction même minime de l’obstruction vasculaire conduit à une chute rapide des résistances pulmonaires et donc de la post-charge ventriculaire droite. À l’inverse, une majoration de l’obstruction à la faveur d’une récidive embolique peut conduire à la défaillance circulatoire. L’objectif thérapeutique en cas d’échec du traitement thrombolytique est donc de prévenir le décès en favorisant la désobstruction rapide de la vascularisation pulmonaire, responsable d’une chute des résistances vasculaires pulmonaires et de l’amélioration des autres paramètres hémodynamiques (index cardiaque, pressions pulmonaires, dysfonction ventriculaire droite).   Définir les critères d’efficacité du traitement thrombolytique dans l’embolie massive Une fois le traitement fibrinolytique instauré, il convient de s’assurer de son efficacité au cours des 6-12 premières heures d’évolution. La restauration de constantes hémodynamiques satisfaisantes et la réversibilité des critères échocardiographiques de dysfonction ventriculaire droite permettent d’identifier au mieux les patients chez qui la thrombolyse s’est montrée inefficace. Ainsi, la persistance, au cours des premières heures suivant l’instauration d’un traitement thrombolytique, d’une instabilité hémodynamique clinique associant une hypotension artérielle systémique < 90 mmHg, des signes périphériques de choc, ou une oligoanurie doit être considérée comme reflétant l’échec de la thrombolyse. En outre, la réversibilité précoce de la dysfonction ventriculaire droite constitue un marqueur précoce de l’efficacité du traitement thrombolytique et un facteur pronostique puissant de l’évolution clinique. Une fibrinolyse efficace induit une baisse de près de 40 % des chiffres de pression artérielle pulmonaire systolique au décours immédiat de la thrombolyse et une réduction significative de 15 % de la dilatation ventriculaire droite au cours des 24 premières heures. La normalisation complète de la fonction ventriculaire droite nécessite en règle générale plusieurs jours. Cette régression de la dysfonction ventriculaire droite est observée chez 89 % des patients ayant des critères de cœur pulmonaire aigu échographiques après traitement thrombolytique, et est associée à une réduction de 58 % de la mortalité dans le registre MAPPET.   Moyens thérapeutiques en cas d’échec du traitement thrombolytique Une fois l’échec du traitement thrombolytique identifié, différentes options peuvent se discuter en fonction des moyens thérapeutiques disponibles localement. La plupart de ces mesures n’ont toutefois jamais été validées dans le cadre d’études cliniques. Traitement symptomatique de l’instabilité hémodynamique Il est en règle générale instauré très précocement. Le recours aux amines pressives (dopamine et dobutamine) peut être justifié chez les patients avec insuffisance circulatoire ou hypotension, alors que le remplissage vasculaire est controversé et ne doit pas excéder 500 ml. Nouvelle thrombolyse ou embolectomie chirurgicale de sauvetage ? Le recours à une nouvelle fibrinolyse est rapporté dans 8 % des cas du registre MAPPET et se révèle être dans de nombreuses situations la seule option thérapeutique disponible en cas d’échec du traitement thrombolytique initial. L’expérience acquise en pareille situation dans l’infarctus du myocarde fait pourtant état d’un risque accru de complications hémorragiques, en particulier cérébrales. L’embolectomie chirurgicale était jusqu’à un passé récent réservée aux cas les plus désespérés et grévée d’une mortalité très élevée variant entre 20 et 50 % selon les séries. Les récents progrès accomplis dans la rapidité de prise en charge de l’embolie pulmonaire ont pourtant conduit certaines équipes à reconsidérer la place de l’embolectomie autrement que comme « l’intervention de la dernière chance ». Ainsi, la mortalité à un mois a pu être abaissée à 8 et 11 % dans deux séries limitées de patients avec embolies pulmonaires massives ou sub-massives soumis à embolectomie chirurgicale. Ces chiffres se révèlent superposables à ceux rapportés après thrombolyse. Dans notre expérience, nous avons pu établir, à partir des données d’un registre de 488 embolies pulmonaires fibrinolysées entre 1995 et 2005, que le taux d’échec du traitement thrombolytique défini sur la persistance d’une instabilité hémodynamique et de signes de dysfonction ventriculaire droite échographiques, était de 8,2 % (tableau 1). La décision d’une embolectomie de sauvetage ou d’une fibrinolyse répétée était laissée à l’appréciation du praticien en charge du patient. À l’exception des patients les plus instables, un angioscanner de contrôle était pratiqué avant la chirurgie afin de s’assurer de la persistance de thrombi proximaux accessibles à une extraction (figure 1). Le critère d’évaluation était un critère composite associant les décès liés à la pathologie thromboembolique, les récidives emboliques non fatales et les complications hémorragiques. Les patients soumis à une deuxième fibrinolyse recevaient un agent thrombolytique différent de celui utilisé initialement. L’embolectomie chirurgicale de sauvetage s’est montrée très nettement supérieure à la thrombolyse répétée (tableau 2). L’évolution clinique hospitalière s’est avérée dépourvue de complications dans 79 % des cas après embolectomie de sauvetage, contre 31 % des cas après fibrinolyse répétée. Figure 1. Contrôle d’angioscanner après échec de thrombolyse : persistance d’un volumineux thrombus obstruant le tronc de l’artère pulmonaire droite. En particulier, l’option chirurgicale a permis une réduction de la mortalité hospitalière et des récidives emboliques, comparée à l’option médicamenteuse. La répétition du traitement thrombolytique s’est accompagnée d’une augmentation de 39 % du risque hémorragique. Surtout, les complications hémorragiques graves observées chez les patients soumis à une deuxième thrombolyse se sont révélées fatales dans tous les cas. L’embolectomie de sauvetage dans ce contexte Différents arguments peuvent être avancés pour expliquer sa supériorité : - la survenue d’une complication hémorragique grave après fibrinolyse répétée, chez des patients préalablement instables au plan hémodynamique se montre très préjudiciable pour le patient ; - il est possible que la chirurgie se révèle plus efficace sur les thrombi les plus anciens, sur lesquels le traitement thrombolytique est sans effet au-delà de 14 jours (figure 2). L’épisode embolique clinique a pu dans certains cas être précédé d’événements emboliques silencieux ; - tous les patients opérés ont bénéficié de la mise en place d’un filtre cave définitif en fin d’intervention, qui peut expliquer la réduction très significative des récidives emboliques observée dans ce groupe. Figure 2. Pièces opératoires après embolectomie chirurgicale de sauvetage. À noter la coexistence de thrombi d’âges différents, témoins d’épisodes emboliques répétitifs. Quelle place pour l’embolectomie percutanée ? L’extraction de thrombus par cathéters d’embolectomie percutanée n’a jamais été évaluée dans le cadre spécifique des échecs du traitement thrombolytique. Les différents cathéters évalués font appel à des procédés d’aspiration, de pulvérisation, ou de fragmentation du thrombus (figure 3). Idéalement, ce type de cathéter doit être facile à manipuler, sûr d’utilisation, et permettre l’extraction d’une quantité suffisante de thrombus. Une récente revue de la littérature fait état d’un taux de succès (défini par une amélioration immédiate de l’hémodynamique) de l’ordre de 80 %, associé à une mortalité variant entre 0 et 25 % selon les séries. Cette approche percutanée, bien qu’attractive, souffre d’un certain nombre de limitations : - la fragmentation du thrombus peut être responsable d’embolisation distale, - l’embolectomie est le plus souvent incomplète, - les récidives emboliques sont, semble-t-il, plus fréquentes, - enfin, il existe probablement un risque accru de complications hémorragiques dans le contexte de la fibrinolyse récente. Figure 3. Cathéters d’embolectomie percutanée. Pour ces différentes raisons l’embolectomie percutanée de sauvetage doit être réalisée par un opérateur expérimenté, et n’être envisagée que lorsque l’embolectomie chirurgicale n’est pas localement réalisable chez un patient non transportable.   En pratique   L’échec du traitement thrombolytique défini par la persistance au cours des 6-12 premières heures d’une instabilité hémodynamique et de signes échocardiographiques de dysfonction ventriculaire droite, se rencontre dans 8 % des cas de fibrinolyse des embolies pulmonaires massives. Dans ce contexte, l’embolectomie chirurgicale de sauvetage se révèle supérieure à une thrombolyse répétée et plaide pour un transfert rapide de ces patients vers un centre pourvu d’un service de chirurgie cardio-thoracique. Le recours à l’embolectomie percutanée de sauvetage doit être envisagé lorsque l’embolectomie chirurgicale n’est pas localement réalisable chez un patient non transportable.

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