Publié le 22 sep 2009Lecture 5 min
Endocardite à streptocoque B avec emboles cérébrales et spléniques
H. BAHLOUL, A. MOFREDJ, G. GINEYT, Centre hospitalier général, Salon de Provence
L’endocardite à Streptococcus agalactiae est rare chez l’adulte et survient avec prédilection sur un terrain débilité et/ou une valvulopathie rhumatismale antérieure. La mortalité demeure élevée malgré une antibiothérapie adaptée. Le tableau clinique peut être atypique, en rapport avec un délabrement valvulaire important et des végétations extrêmement friables et emboligènes. La chirurgie, seul traitement ayant abaissé nettement la mortalité, doit être proposée rapidement.
Streptococcus agalactiae est une étiologie inhabituelle, mais mortelle dans plus de 43 % des cas, d’endocardite chez l’adulte. Ces infections surviennent surtout sur des terrains immunodéprimés et se caractérisent par l’agressivité des tableaux cliniques et la fréquence des emboles septiques. Le traitement se base sur une antibiothérapie adaptée mais le recours à la chirurgie cardiaque peut s’avérer indispensable.
Observation
Un homme de 64 ans, alcoolique chronique, hypertendu et porteur d’un rétrécissement aortique modéré, s’est présenté aux urgences pour altération de l’état général, amaigrissement non chiffré, arthralgies diffuses, anorexie, toux, dyspnée et fièvre évoluant depuis une semaine. L’examen initial trouvait, chez ce patient conscient et coopérant, une fréquence respiratoire à 24 cycles/min, une tension artérielle à 90/60 mmHg, une fréquence cardiaque à 129/min, une fièvre à 38,4° C et un discret ictère conjonctival. L’auscultation cardio-pulmonaire révélait un souffle systolique au foyer aortique ainsi que des râles crépitants diffus aux deux champs pulmonaires. Le reste de l’examen clinique était normal. L’ECG montrait une tachycardie sinusale avec bloc de branche gauche incomplet. La radiographie pulmonaire montrait des opacités alvéolo-interstitielles bilatérales. Le bilan biologique trouvait une hyperleucocytose à 25 000/ml, dont 91 % de PNN, une thrombopénie à 75 000/ml, une hyperglycémie à 2 g/l, une CRP à 288 mg/l, une hyponatrémie à 122 mmol/l, une hypokaliémie à 3,2 mmol/l, une hypochlorémie à 90 mmol/l, une insuffisance rénale avec créatininémie à 154 µmol/l et urée sanguine à 18 mmol/l, une acidose métabolique avec des bicarbonates à 18 mmol/l ainsi qu’une cholestase ictérique avec bilirubine totale à 32 µmol/l à prédominance conjuguée.
Le patient a été hospitalisé en médecine et un traitement par Augmentin® et Flagyl® a été débuté après réalisation de trois hémocultures. Au 2e jour de l’hospitalisation, un scanner abdominal, réalisé en raison d’une douleur du flanc gauche, mettait en évidence une hypodensité dans le territoire du pédicule splénique. Quelques heures plus tard et devant une aggravation de la dyspnée, l’antibiothérapie initiale a été remplacée par une association Oflocet® –Claforan®. Les prélèvements bronchiques ainsi que l’ECBU sont restés négatifs. Un scanner cérébral, demandé devant l’apparition d’un déficit moteur gauche, trouvait une lacune hémisphérique droite. L’ECG montrait une évolution du bloc incomplet gauche vers un bloc complet. On remarquait une élévation de la troponine à 3,8. Les hémocultures sont revenues positives à streptocoque B. L’échographie cardiaque transthoracique montrait un ventricule gauche légèrement dilaté avec altération de la fonction systolique, la présence de grosses végétations au niveau de l’aorte initiale se prolongeant dans le ventricule gauche, une fuite aortique de grade II et des calcifications de l’anneau mitral. Le patient a été admis en réanimation où il est décédé quelques heures plus tard dans un tableau de défaillance multiviscérale.
Discussion
En pathologie humaine, Streptococcus agalactiae a été longtemps considéré comme un germe responsable de méningites et de septicémies chez la femme enceinte et le nouveau-né. En réalité, 33 à 53 % des infections causées par ce microorganisme surviennent en dehors de la période néonatale et du péripartum. Des études récentes montrent une recrudescence des infections invasives ces dernières années. Ces infections, souvent graves, s’accompagnent d’une endocardite dans 2 à 9 % des cas. Elles surviennent sur un terrain souvent fragilisé par une ou plusieurs pathologies, telles que le diabète, les néoplasies, le SIDA, la corticothérapie, la cirrhose ou l’insuffisance rénale chronique terminale. L’infection surviendrait avec prédilection sur une valvulopathie mitrale ou aortique antérieure, d’origine rhumatismale. La localisation tricuspidienne se voit surtout dans le péripartum. L’atteinte prothétique est exceptionnelle. La porte d’entrée infectieuse est inconnue dans 56 %, cutanée dans 22 %, génito-urinaire dans 15 % et respiratoire dans 6 % cas .
Sur le plan anatomopathologique, l’endocardite à streptocoque B est caractérisée par la formation de grandes végétations friables, embolisantes, et par un délabrement valvulaire très important. Cela est dû à l’absence de production de fibrinolysine. L’importance de la destruction valvulaire peut expliquer la surmortalité des endocardites à streptocoques B comparativement à celles dues aux autres streptocoques.
Le début de la maladie peut être aigu ou subaigu. Les manifestations en rapport avec l’endocardite peuvent être masquées par la cause initiale et le diagnostic ne sera fait que tardivement, au stade des complications. Les manifestations articulaires d’allure rhumatismale, sont présentes dans 15 % des cas et peuvent prendre des formes de polyarthrite ou d’oligoarthrite.
Le streptocoque B est souvent sensible à la pénicilline (CMI ≤ 0,1 µg/ml). Mais la concentration nécessaire pour l’inhiber (0,005 à 0,1 µg/ml) est beaucoup plus importante que celle nécessaire à un streptocoque de groupe A ou viridans. Cependant, des streptocoques B pénicillino-tolérants ont été isolés chez des patients en échec thérapeutique. L’association de bêtalactamines et d’aminoglucosides est synergique in vivo et in vitro. L’antibiothérapie doit durer 4 à 6 semaines en association avec la gentamicine les deux premières semaines.
Dans certaines situations, la chirurgie cardiaque s’avère inévitable malgré une antibiothérapie bien adaptée. Ceci est dû au caractère délabrant et destructif de l’endocardite à streptocoque B. La chirurgie cardiaque a réduit la mortalité de 60 à 29 % dans certaines séries.
Chez notre patient, le tableau respiratoire initial a certainement relégué le diagnostic d’endocardite au second plan, d’autant que le patient était porteur d’un souffle cardiaque connu. Les manifestations abdominales et neurologiques, en rapport avec des complications emboligènes par migration des végétations au niveau des artères respectives, ont permis de rétablir le diagnostic. Mais l’apparition d’une insuffisance cardiaque aiguë, par probable désinsertion de la valve aortique, a emporté le patient avant toute possibilité chirurgicale.
En pratique
L’endocardite infectieuse à streptocoque B demeure rare chez l’adulte. Elle doit être recherchée chez tout patient porteur d’infection invasive par ce germe. Son pronostic est très réservé, particulièrement en cas de retard diagnostique et thérapeutique. L’antibiothérapie adaptée précoce associée au traitement chirurgical permet d’améliorer le pronostic.
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