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Études

Publié le 24 nov 2009Lecture 12 min

Étude KYOTO : le valsartan au-delà de la réduction des chiffres tensionnels

C. LAMBERT, Paris

Les résultats de l’étude KYOTO ont été présentés en hot line au congrès de l’European Society of Cardiology qui s’est tenu du 29 août au 2 septembre à Barcelone. Dans cet essai, la réduction de la morbi-mortalité cardiovasculaire chez des patients japonais présentant au moins un facteur de risque cardiovasculaire laisse entrevoir un bénéfice du traitement par valsartan qui dépasse le simple effet anti-hypertenseur. Une question qui avait déjà émergé à l’analyse de travaux antérieurs et l’occasion de revenir sur les grandes études conduites avec cet ARA II.

Le continuum de la maladie cardiovasculaire Les maladies cardiovasculaires présentent un visage polymorphe du fait de la diversité de leurs expressions cliniques et de leurs localisations dans l’organisme : coronaropathies, infarctus du myocarde (IDM), accident vasculaire cérébral (AVC), insuffisance cardiaque (IC), artériopathie périphérique. Mais cette apparente variété cache une unité des processus physiopathologiques sous-jacents. Il existe en effet un continuum de la maladie cardiovasculaire(1) (figure 1), qui n’a cependant rien d’une fatalité. Les grands essais cliniques conduits au cours des 20 dernières années ont montré le bénéfice d’une intervention à chaque stade d’évolution de la maladie avec, pour objectif ultime, de retarder, voire d’éviter l’évolution vers une IC terminale. Aujourd’hui, le valsartan peut être utilisé à chaque stade évolutif. Il est le seul antagoniste des récepteurs de l’angiotensine II (ARA II) qui possède l’ensemble des indications* permettant d’intervenir à chacune des étapes de ce continuum. *3 indications : - hypertension artérielle essentielle - traitement de l’insuffisance cardiaque symptomatique lorsque les inhibiteurs de l'enzyme de conversion (IEC) ne peuvent pas être utilisés ou en association aux IEC lorsque les bêtabloquants ne peuvent pas être utilisés. - le traitement des patients cliniquement stables présentant une insuffisance cardiaque symptomatique ou une dysfonction systolique ventriculaire gauche asymptomatique post-IDM récent (entre 12 h et 10 jours). Figure 1. Le continuum de la maladie cardiovasculaire. Place du SRAA dans le continuum de la maladie cardiovasculaire Le SRAA occupe une place centrale dans la cascade physiopathologique du continuum de la maladie cardiovasculaire. Il constitue en effet un système neurohormonal de régulation sensible aux dommages tissulaires qui interagit avec un ensemble de médiateurs, notamment les voies adrénergiques1. Le SRAA joue un rôle majeur dans la régulation de la pression artérielle. Il a une action sur le tonus vasculaire, l’hémodynamique rénale et la contractilité cardiaque. À long terme ces effets, et plus particulièrement ceux attribués à l’angiotensine II, risquent de se révéler délétères car, en plus des actions précédemment citées, l’angiotensine II agit comme un facteur de croissance sur l’ensemble des cellules du système cardiovasculaire : cardiomyocytes, cellules musculaires lisses, endothéliales et fibroblastes(2). Elle présente également des effets pro-inflammatoires et pro-anticoagulants médiés par la phospholipase A22. On comprend dès lors pourquoi les traitements ayant une action sur le SRAA se sont révélés efficaces dans la prise en charge de la maladie cardiovasculaire. Maîtriser l’hypertension artérielle Selon l’OMS, l’HTA est responsable de 13 % des décès prématurés dans le monde chez l’homme(3). En France, selon les données de l’étude Mona Lisa(4), la prévalence de l’HTA est de 47 % chez les hommes âgés de 35 à 74 ans et de 35 % chez les femmes. On sait qu’il existe une relation linéaire entre le niveau de pression artérielle et le risque cardiovasculaire à partir de 115/75 mmHg(5). Les grandes études ont confirmé que le risque de survenue d’un événement cardiovasculaire diminue avec l’abaissement des chiffres de pression artérielle. Ce gain en termes de prévention d’un accident aigu est corrélé à la valeur absolue de la diminution de la PA, mais également au niveau de risque cardiovasculaire avant le traitement. Et, en pratique quotidienne, la conjonction de facteurs de risque chez un même patient est fréquente. C’est chez de tels sujets, autrement dit dans des conditions plus proches de la réalité du praticien, que s’est volontairement placée l’étude VALUE(6). Il s’agit d’un essai prospectif, multicentrique en double aveugle contre placebo, qui a inclus 15 245 patients hypertendus âgés de plus de 50 ans présentant un profil à haut risque cardiovasculaire, soit en raison de la présence d’un ou de plusieurs autre(s) facteur(s) de risque associé(s) (âge, sexe masculin, diabète, protéinurie, élévation de la créatininémie) soit du fait d’antécédents traduisant l’atteinte d’organes cibles. Ainsi, 45 % des patients inclus dans VALUE présentaient des antécédents d’angine de poitrine, 20 % d’AVC et 14 % d’artériopathie des membres inférieurs. Après randomisation, les sujets inclus dans cette étude ont reçu soit un traitement par valsartan (avec des doses progressivement augmentées de 80 mg à 160 mg), soit par amlodipine (avec des doses progressivement augmentées de 5 mg à 10 mg). Lorsque l’objectif d’une pression artérielle ≤ 140/90 mmHg n’était pas atteint, l’adjonction d’hydrochorothiazide (HCT) était possible dans les deux groupes. Le but de l’étude était de déterminer si en poursuivant les mêmes objectifs thérapeutiques sur la pression artérielle, le traitement par valsartan apportait un bénéfice supplémentaire en termes de prévention des événements cardiovasculaires. Le suivi a été en moyenne de 4,2 ans et le critère principal d’évaluation était un critère composite défini par la survenue d’un événement cardiovasculaire. Au terme de cette période, il n’y avait pas de différence significative entre les deux traitements au regard de ce critère. La mortalité d’origine cardiovasculaire était comparable dans les deux groupes bien que la baisse de la pression artérielle était plus prononcée dans le groupe traité par inhibiteurs calciques que dans celui recevant un ARA II (en moyenne de 4 mmHg pour la systolique versus 2,1 mmHg pour la diastolique). Prévention de la survenue d’un diabète de novo Parmi les critères secondaires d’évaluation fixés à l’origine de cet essai figurait la survenue de novo d’un diabète de type 2, critère sur lequel le valasartan a obtenu de meilleurs résultats que l’amlodipine. En effet, le traitement par valsartan a été associé à une diminution significative de 23 % (p < 0,001) du risque de développer un diabète de type 2. L’association d’une HTA et d’un diabète est une association hautement délétère. L’atteinte rénale, y compris au stade précoce de microalbuminurie, est en effet considérée comme un facteur de risque cardiovasculaire, raison pour laquelle les objectifs thérapeutiques en termes de chiffres tensionnels ont été abaissés chez ces patients à 130/80 mmHg(5). Dans ce contexte, les résultats de l’étude VALUE sur la prévention de la survenue d’un diabète de type 2 méritent d’être soulignés, d’autant que toutes les études épidémiologiques témoignent d’une augmentation de l’incidence de cette maladie dans les pays développés. Ces résultats suggèrent une action spécifique du valsartan sur le métabolisme glucidique qui passerait par le blocage de l’angiotensine II(6). L’étude NAVIGATOR(7) en cours, qui a inclus 9 500 patients intolérants au glucose (pré-diabétiques) : les résultats sont attendus lors du congrès de l’ACC (mars 2010) et devraient apporter des précisions sur cette question. Prévention secondaire Dans le post-infarctus, la maîtrise des facteurs de risque revêt un caractère primordial pour éviter l’évolution vers une IC. Historiquement, les IEC ont été les premiers à prouver leur action bénéfique dans cette indication, plusieurs études ayant démontré que leur utilisation chez des patients en post-infarctus pouvait diminuer la mortalité d’origine cardiovasculaire d’environ 25 %(8). L’étude VALIANT(9) a cherché à savoir si le blocage du SRAA par des ARA II était aussi efficace. Pour ce faire, 14 703 patients en post-infarctus compliqué d’une dysfonction ventriculaire avec une FE ≤ 40 % et/ou des signes d’IC, ont été randomisés pour recevoir précocement, en plus du traitement conventionnel, soit un IEC (captopril), soit un ARA II (valsartan), soit l’association des deux. Au terme de 24,7 mois de suivi en moyenne, il n’y a pas eu de différence significative entre les deux groupes sur le critère d’évaluation primaire, à savoir la mortalité toutes causes confondues, ou sur les critères secondaires qui portaient sur la morbi-mortalité cardiovasculaire. Les auteurs concluaient que chez les patients en post-infarctus à haut risque cardiovasculaire, le traitement par valsartan était aussi efficace que celui par captopril. Prise en charge de l’insuffisance cardiaque L’hypertension artérielle et les cardiopathies ischémiques sont les principales causes d’IC(8) dont l’incidence ne cesse de croître dans les pays développés. L’étude Val-HeFT a testé l’efficacité du valsartan dans ce stade ultime d’évolution du continuum physiopathologique de la maladie cardiovasculaire. Dans cet essai en double aveugle contre placebo, 5 010 patients présentant une IC de classe II à IV de la NYHA ont été randomisés pour recevoir, en plus du traitement conventionnel en cours, 160 mg x 2/j de valsartan ou un placebo pendant en moyenne 23 mois. Les résultats n’ont pas montré de différence significative sur la mortalité globale, mais une diminution de 13,2 % (p = 0,009) de la morbi-mortalité d’origine cardiovasculaire par rapport au placebo. Il existait notamment une diminution de 24 % (p < 0,001) du nombre des hospitalisations pour IC aiguë dans le groupe valsartan par rapport au groupe placebo. Un bénéfice au-delà de la maîtrise des chiffres tensionnels De l’apparition de l’HTA, facteur majeur de la maladie cardiovasculaire à l’IC, en passant par le post-infarctus, le valsartan a fait la preuve de son action bénéfique à tous les stades du continuum de la maladie cardiovasculaire. Ces résultats ont été confirmés par l’étude JIKEI(11) qui a porté sur 3 081 patients japonais parvenus à différents stades du continuum physiopathologique : HTA, coronaropathie, IC ou combinaisons de ces différents éléments. L’objectif de cet essai contrôlé en double aveugle contre placebo était de savoir si le valsartan permettait d’obtenir un bénéfice supplémentaire en termes de protection cardiovasculaire par rapport à d’autres traitements antihypertenseurs, et ce pour une baisse comparable des chiffres de la pression artérielle. Les sujets inclus dans ce travail ont été randomisés en deux groupes pour recevoir, en plus du traitement déjà en cours, soit un placebo, soit du valsartan, soit un antihypertenseur non ARA II, avec comme objectif thérapeutique une PA ≤ 130/80 mmHg. Le critère d’évaluation primaire était un critère composite de morbi-mortalité d’origine cardiovasculaire. Au terme d’un suivi d’en moyenne 3,1 ans, le risque relatif de survenue d’un événement cardiovasculaire était abaissé de 39 % (p < 0,0002) dans le groupe valsartan par rapport aux autres traitements, et ce pour une diminution identique de la PAS et la PAD (figure 2). Le bénéfice le plus marqué concernait le risque d’AVC qui était diminué de 47 % (p = 0,28) par rapport aux autres traitements et celui d’hospitalisation pour IC qui était abaissé de 40 % (p = 0,0293). Ces résultats semblent donc confirmer que le valsartan a une action préventive sur la survenue d’événements cardiovasculaire supérieure à celle obtenue par le simple contrôle tensionnel. Figure 2. Étude JIKEI : diminution de 39 % du risque relatif de la morbi-mortalité cardiovasculaire chez les patients sous valsartan vs plabebo (p = 0,0002). Un contexte épidémiologique différent Au-delà de ces résultats significativement positifs, l’un des intérêts de l’étude JIKEI est d’avoir été menée au Japon et ce pour au moins deux raisons. La première est que la plupart des grands essais thérapeutiques en cardiologie ont été réalisés aux États-Unis et en Europe. Il n’est donc pas sûr que leurs résultats soient transposables à des populations asiatiques. La deuxième raison, qui justifie d’ailleurs cette prudence, est que la fréquence des événements cardiovasculaires n’est pas la même au Japon et de part et d’autre de l’Atlantique. La mortalité liée aux cardiopathies ischémiques est en effet le tiers de celle constatée dans nos pays, alors que celle en rapport avec les AVC est une fois et demi supérieure(12). De même, le pourcentage d’AVC hémorragiques y est deux à trois fois plus élevé qu’en Europe et aux États-Unis. Ces différences épidémiologiques sont sans doute liées à des variations dans les modes de vie, et notamment dans l’alimentation, l’indice de masse corporel étant moindre dans ce pays (IMC moyen respectivement de 23-25 kg/m2 vs 28-30 kg/m2) et au régime alimentaire, notamment la prise de sel. KYOTO Heart Study Le bénéfice supplémentaire en termes de baisse des événements cardiovasculaires, en particulier du risque d’AVC et d’épisodes d’IC aigus, obtenus dans l’étude JIKEI, a également été constaté avec le losartan comparé à l’aténolol (Losartan intervention for endpoint reduction in hypertension study) mais n’a pas été retrouvé avec le candesartan comparé à l’amlodipine (étude CASE-J). Pour confirmer les résultats de JIKEI chez des patients à haut risque et éclairer le débat soulevé par les résultats contradictoires de ces différents essais réalisés avec des ARA II, l’étude KYOTO(12) a été organisée par un comité scientifique indépendant. Cet essai multicentrique a été mené auprès de 3 031 patients hypertendus à haut risque cardiovasculaire dont la pression artérielle n’était pas contrôlée de façon satisfaisante (≥ 140 pour la PAS et ≥ 90 mmHg pour la PAD) depuis au moins quatre semaines. Les sujets éligibles présentaient, en plus de leur HTA, un ou plusieurs facteur(s) de risque supplémentaires ou une pathologie cardiovasculaire associée : antécédents de cardiopathie ischémique, d’AVC ou d’artériopathie occlusive périphérique. Elle a été conduite selon la méthode PROBE (Prospective Randomised Open Blinded Endpoint) qui a été validée dans de nombreux autres essais. Deux groupes ont été constitués par randomisation de minimisation selon 8 critères, l’un recevant du valsartan, l’autre un anti-hypertenseur non ARA II. Au cours de la phase de titration, le valsartan a été initialement prescrit à une dose de 40 à 80 mg/j, puis cette posologie a été augmentée après 4 semaines si les objectifs thérapeutiques n’étaient pas atteints (PAS < 140 mmHg, PAD < 90 mmHg). Si tel était encore le cas 4 semaines plus tard, un autre antihypertenseur non ARA II et non IEC pouvait être ajouté. Le bras traitement conventionnel suivait un protocole de titration identique. Le suivi moyen a été de 3,27 ans et le critère primaire d’évaluation était un critère composite de survenue d’un événement cardiovasculaire, AVC compris. Les critères d’évaluation secondaires étaient les suivants : mortalité toutes causes confondues, aggravation d’une IC, apparition ou aggravation d’une arythmie, apparition ou aggravation d’un diabète de type 2 ou d’une intolérance au glucose, enfin le non contrôle de la pression artérielle. PROBE : une méthodologie éprouvée et réaliste La méthode PROBE est une variante du double aveugle intégral qui se rapproche plus de la pratique quotidienne. Au départ, les patients sont randomisés à l’aveugle mais pendant la période de titration ainsi qu’au cours du suivi, le praticien connaît leur traitement. Cette période de l’étude est donc réalisée en ouvert. En revanche, le patient ne sait pas quel traitement il reçoit ce qui est également le cas des membres du comité de suivi des évènements au moment de l’analyse des données. Dans l’étude KYOTO, la randomisation était dynamique selon un algorithme de minimisation prenant en compte 8 critères : âge, sexe, dyslipidémie, diabète, tabagisme, obésité, antécédent de cardiopathie ischémique et/ou d’AVC et d’IC congestive). Un bénéfice supplémentaire confirmé Les caractéristiques des patients étaient comparables à l’inclusion et il n’y a pas eu de différence significative dans la réduction des chiffres tensionnels qui sont passés de 157/88 mmHg en moyenne à l’entrée dans l’étude à 133/76 mmHg en moyenne au terme de cette dernière(13). Les résultats confirment ceux de l’étude JIKEI puisque le nombre de patients ayant présenté un événement cardiovasculaire défini dans le critère primaire d’évaluation était significativement inférieur dans le bras valsartan comparé au bras traitement conventionnel (HR : 0,55 ; IC 95% : 0,42-0,72 ; p = 0,0001). Ainsi, le risque relatif de la survenue d’un tel événement était abaissé de 45 % dans le groupe valsartan par rapport au groupe traitement conventionnel. La différence est apparue après 6 mois de traitement puis elle s’est confirmée tout au long du suivi (figure 3). La diminution du risque a surtout porté sur la survenue d’un AVC et d’un angor. Parmi les critères secondaires d’évaluation, on remarque la confirmation des résultats obtenus dans l’étude VALUE. Le nombre de survenues d’un diabète de type 2 était en effet significativement abaissé dans le groupe valsartan par rapport au groupe recevant d’autres traitements antihypertenseurs (p = 0,0282). Dans leur discussion, les auteurs relèvent l’incidence abaissée des cardiopathies ischémiques également constatée dans l’étude JIKEI, un bénéfice qui n’a pas été mis en évidence avec d’autres ARA II, suggérant ainsi un effet propre de la molécule et non un effet de classe. Figure 3. Étude KYOTO : diminution de 45 % de la morbi-mortalité par rapport au groupe placebo. En pratique Ces résultats confirment le bénéfice supplémentaire obtenu avec le valsartan dans la prévention de la survenue d’événements cardiovasculaires chez des patients hypertendus à haut risque. Ce bénéfice semble à la fois lié au mécanisme d’action propre des ARA II et aux effets spécifiques du valsartan.

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