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Valvulopathies

Publié le 14 oct 2008Lecture 10 min

Évaluation échocardiographique de l'anatomie mitrale

E. BROCHET, hôpital Bichat, Paris

L’évaluation échocardiographique d’une insuffisance mitrale (IM) comporte une description précise de l’anatomie des différents composants de la valve mitrale, couplée à une analyse fonctionnelle. L'examen doit, en effet, répondre à plusieurs questions :
• L'IM est-elle fonctionnelle ou organique?
• En cas d'atteinte organique, quel est le mécanisme de la fuite ?
• Localisation et étendue des lésions valvulaires et sous-valvulaires,
• Faisabilité d’un éventuel geste chirurgical conservateur.
• L'évaluation de la sévérité et du retentissement font l'objet d'un autre article.

Quelle méthode échographique : ETT ou ETO ? L'échographie par voie transthoracique (ETT) reste la technique de première intention. La qualité d'imagerie des échographes actuels (imagerie harmonique) permet le plus souvent un bilan très complet de l'anatomie et des mécanismes de la fuite mitrale. L'échographie transœsophagienne (ETO) est indiquée lorsque les données obtenues en ETT sont insuffisantes, notamment en préopératoire, ou lorsque l'on suspecte des lésions complexes (endocardite, perforation, prolapsus commissural, etc.). L’échographie tridimensionnelle (écho 3D) surtout par voie œsophagienne, est une technique très précise pour l’évaluation des données anatomiques. Les progrès récents dans ce domaine sont considérables, avec le développement de sondes ETO matricielles donnant accès à une imagerie 3D en temps réel. Anatomie échographique de la valve mitrale Les différents composants de l'appareil mitral (anneau, valves, cordages, piliers) doivent être systématiquement analysés et décrits dans le compte-rendu. Anatomie normale La valve mitrale antérieure, plus haute que large, occupe le tiers de la circonférence annulaire compris entre les commissures. Le feuillet postérieur, plus large que haut, occupe les deux tiers postérieurs de la circonférence de l’anneau. La surface globale des deux valves est équivalente. Il est classique de diviser les deux feuillets en trois parties : A1 et P1 correspondant aux segments antérolatéraux des deux valves, proches de la commissure externe et de l'auricule gauche ; A2 et P2 aux segments médians, sous-aortiques ; A3 et P3 aux segments postéromédians proches de la commissure interne et de l'anneau tricuspide (figure 1). Figure 1. Schéma de l’anatomie mitrale. Noter la proximité des repères anatomiques (auricule gauche, aorte et valve tricuspide). CPM : commissure postéromédiale ; CAL : commissure antérolatérale. L'orifice mitral étant orienté obliquement, la commissure externe, antérolatérale est située dans un plan supérieur par rapport à la commissure interne, postéromédiale. Ces divisions schématiques peuvent être prises en défaut dans certaines formes de dystrophie avec excès tissulaire important. Feuillets valvulaires et appareil sous-valvulaire Les éléments morphologiques à préciser sont : - l'épaisseur de la valve, associée ou non à un excès tissulaire. On parle de valve myxoïde, ou dystrophique lorsque l'épaisseur de la valve est > 5 mm en mode TM (figure 2), - la présence de calcifications et leur répartition, - l'existence de masses ou végétations valvulaires. L'analyse des commissures est importante afin de préciser l'existence d'une fusion commissurale ou de calcifications. Figure 2. Épaississement valvulaire mitral de type myxoïde dans une maladie de Barlow.À droite, mesure de l’épaisseur valvulaire en mode TM. L'analyse de l'appareil sous-valvulaire comporte l'étude des cordages, longueur, degré de fusion, élongation, rupture, calcifications, ainsi que l'analyse des piliers (présence de deux piliers, insertions anormales, aspect dense et fibreux, écartement des piliers). Anneau mitral Les éléments à préciser sont l’existence d’une dilatation annulaire et la présence de calcifications annulaires. L'anneau peut être mesuré dans différentes incidences mais la dilatation s'étudie en coupe parasternale car l'anneau se dilate surtout au niveau de sa partie postérieure. La mesure s’effectue en diastole, en coupe parasternale grand axe en ETT, ou en coupe sagittale en ETO à 120 ° au niveau des points d’insertion antérieur et postérieur (figure 3). Figure 3. Mesure de l’anneau mitral en coupe parasternale grand axe ; la mesure de l’anneau est rapportée à la longueur du feuillet antérieur mitral en diastole. La mesure du diamètre antéropostérieur est habituellement rapportée à la longueur de la valve mitrale antérieure. L'anneau est considéré comme dilaté si le rapport anneau/VMA est > 1,3 en diastole, ou lorsque le diamètre est > 35 mm. Les calcifications annulaires, le plus souvent postérieures, parfois arciformes, sont au mieux analysées en coupe parasternale petit axe et par voie apicale. Données fonctionnelles Le type d'anomalie fonctionnelle est basé sur l'étude de la cinétique valvulaire. On distingue classiquement selon la classification de Carpentier trois types d'anomalies fonctionnelles, indépendamment de l'étiologie (figure 4) : Type I : mouvements valvulaires normaux (IM par perforation ou dilatation annulaire isolée), Type II : mouvements valvulaires exagérés, avec déplacement du bord libre d'une ou des deux valves au-delà du plan de l'anneau mitral (prolapsus valvulaire), Type III : restriction du mouvement d'une ou des deux valves, L'analyse du mécanisme doit être effectué dans les différentes incidences (cf. analyse segmentaire). Figure 4. Classification fonctionnelle de Carpentier. Analyse échographique des mécanismes IM par prolapsus Le prolapsus est défini par le passage du bord libre d'un ou des feuillets mitraux en arrière du plan de l'anneau en ETT ou en ETO. On parle de flail lorsqu'il existe une éversion du bord libre, correspondant généralement à une rupture de cordage. Le prolapsus peut être uni- ou bivalvulaire, parfois seulement télésystolique. On parle de « ballonisation » lorsque le corps valvulaire passe en arrière du plan de l'anneau, mais que le point de coaptation valvulaire reste en avant du plan de l'anneau. Un certain degré de ballonisation est physiologique en incidence apicale en raison de la forme de l'anneau mitral. Ce diagnostic ne peut donc être retenu qu'en incidence parasternale grand axe en ETT ou en ETO. La ballonisation ne s'accompagne généralement pas d'IM significative. La direction du jet au Doppler couleur peut aider à préciser le mécanisme de l'IM. Un jet excentré est évocateur de prolapsus valvulaire, orienté du côté opposé au feuillet qui prolabe (figures 5 et 6). Un jet diffracté (comportant plusieurs jets) est évocateur de prolapsus complexe ou bivalvulaire. Figure 5. À gauche, prolapsus de valve antérieure (segment A2) par élongation de cordages (flèche).À droite, jet d’insuffisance mitrale par prolapsus de valve antérieure, de direction excentrée, dirigée vers la paroi postérieure de l’oreillette gauche (OG). Figure 6. À gauche, prolapsus de valve postérieure (segment P2) par rupture de cordage (flèche) en coupe longitudinale en ETO. À droite, jet excentré de fuite mitrale dirigée du côté opposé au feuillet postérieur qui prolabe (ETO, incidence transverse à 0°). Le mécanisme du prolapsus doit être précisé, élongation ou rupture de cordage, rarement rupture de pilier. L'ETO est supérieure à l'ETT pour le diagnostic de rupture de cordage. L'analyse précise des lésions détermine la faisabilité d'une éventuelle chirurgie conservatrice. Les indications les plus simples de chirurgie conservatrice concernent les prolapsus isolés de P2 ou A2 par rupture de cordage. La réparation est plus complexe, voire aléatoire en cas de prolapsus multiples ou bivalvulaires, de prolapsus commissural, d'excès tissulaire majeur ou de calcifications importantes de l'anneau mitral. IM fonctionnelle En cas d'IM fonctionnelle, la position du point de coaptation est déplacée vers l'apex, en rapport avec le remodelage ventriculaire gauche global ou régional. Un aspect de déformation en tente (tenting) du feuillet antérieur est fréquemment observé, en rapport avec l'attraction apicale des cordages médians de la valve antérieure. L'analyse de la cinétique régionale et du remodelage ventriculaire gauche est essentielle en cas d'IM fonctionnelle (cf. article spécifique). IM par perforation Le diagnostic est souvent évoqué devant un jet d'IM excentré semblant provenir du corps valvulaire lui-même. L'ETO permet généralement une bonne visualisation de la perforation. Localisation des anomalies fonctionnelles Un prolapsus ou une perforation peut être uni- ou bivalvulaire et intéresser n'importe quelle partie des feuillets mitraux, ou les commissures. L’utilisation d’incidences et d'une terminologie standardisées permet une bonne communication entre cardiologues et chirurgiens. Il faut savoir adapter les plans de coupe en fonction des variations anatomiques, non exceptionnelles. Les différents segments valvulaires sont explorés à partir d'incidences multiples, en ETT et en ETO (figure 7). Figure 7. Schéma des segments valvulaires explorés par les différents plans de coupe échographiques. Plan 1 horizontal, correspondant aux vues 4 cavités ETT et ETO ; plan 2 sagittal passant par l’aorte et coupant les deux feuillets en leur milieu (A2P2) ; plan 3, oblique, passant par les deux commissures. En ETT, 4 coupes doivent être systématiquement analysées : - coupe parasternale transverse petit axe, - coupe apicale 4 cavités stricte, - coupe apicale 2 cavités, - coupe apicale longitudinale grand axe ou 3 cavités. En ETO, 4 coupes sont indispensables : - coupe transverse à 0°, - coupe bicommissurale (45-60°), - coupe sagittale à 120°, - coupe transverse trans-gastrique. Les incidences horizontales (4 cavités en ETT et surtout coupe à 0 ° en ETO) examinent différents segments valvulaires en fonction de la hauteur de coupe dans l'œsophage. L'exploration en ETO doit se faire de haut en bas. La commissure antérolatérale est en position supérieure, proche de l'auricule alors que la commissure postéromédiale est située dans un plan inférieur proche de l’anneau tricuspide et de la croix du cœur. Les incidences sagittales ou longitudinales (ETT et ETO) permettent d'explorer la partie médiane des deux feuillets (A2 et P2). L'incidence bicommissurale (2 cavités en ETT, coupe à 40-60° en ETO) explore, comme son nom l'indique, les régions commissurales, les segments interne (P3) et externe (P1) du feuillet postérieur, et coupe tangentiellement A2. Les incidences transverses (parasternale petit axe et coupe transgastrique à 0°) permettent une bonne exploration du bord libre des deux feuillets, des commissures. La localisation du prolapsus est confirmée par l'origine du jet au doppler couleur (figure 8). Figure 8. Coupe transgastrique en ETO. À gauche, visualisation des différents segments de la valve mitrale en coupe transverse. À droite, prolapsus de P2 identifié grâce à l’origine du jet au Doppler couleur. Incidences préférentielles : - en cas de prolapsus de A2 ou P2, incidences sagittale et transverse, - en cas de prolapsus excentré, incidences bicommissurales, et incidence transverse, - en cas de perforation valvulaire, incidence longitudinale et transverse. L'analyse en écho 3D temps réel permet de visualiser « en face » l'orifice mitral à partir de l'oreillette gauche, mais également d'étudier la valve mitrale sous différents angles. Ces vues multiples permettent d'identifier de façon précise la localisation du prolapsus et d'en préciser l'étendue (figures 8 et 9). Figure 9. Prolapsus de petite valve (segment P2) exploré en ETO 3D temps réel. À gauche, plans de coupe ETO bidimensionnels en coupe transverse (A) et bicommissurale (B). À droite, vue « en face » de la valve mitrale (C) et vue inclinée (D) mettant en évidence le prolapsus de P2 (flèche). Aspects échographiques en fonction de l'étiologie L’IM dégénérative ou dystrophique est le plus souvent caractérisée par le prolapsus d’un ou des deux feuillets (type II), souvent associé à une rupture de cordage et à une dilatation annulaire. La valve peut être morphologiquement normale, fine (dégénérescence fibroélastique) ou épaissie, avec excès tissulaire (qualifiée alors de dystrophique). Dans les formes extrêmes de dystrophie (hyper Barlow), il existe un excès tissulaire très important, une dilatation annulaire et un prolapsus souvent bivalvulaire, prédominant en mésotélésystole (figure 10). L’IM rhumatismale est caractérisée par un épaississement valvulaire de degré variable prédominant au niveau du bord libre, parfois associé à des calcifications valvulaires. Le feuillet postérieur est souvent peu mobile et restrictif. Un remaniement plus ou moins important de l’appareil sous-valvulaire s'y associe, avec des cordages courts, plus ou moins fusionnés, et des piliers hypertrophiés. Figure 10. Prolapsus bivalvulaire dans une maladie de Barlow en ETO 3D. À gauche, ETO 2D (coupe à 120°) n’explorant qu’une partie du prolapsus. À droite, coupes 3D temps réel « en face » de la valve mitrale, vues à partir de l’oreillette gauche, mettant en évidence le prolapsus bivalvulaire (flèche). Le mécanisme essentiel est une restriction de la cinétique valvulaire du feuillet postérieur (type III) associée à un certain degré de prolapsus du feuillet antérieur, soit « faux prolapsus », soit dans certains cas des vrais prolapsus, notamment chez l’enfant. La même analyse segmentaire permet la localisation précise du mouvement restrictif, s’aidant là encore du Doppler couleur. Le jet de régurgitation est dans ce cas dirigé du même côté que le segment qui est restrictif. Les éléments importants précisés sont le degré de remaniement valvulaire et sous-valvulaire, l’existence d’une fusion commissurale associée, de calcifications et surtout le degré de fusion et de rétraction de l’appareil sous-valvulaire. Les IM secondaires à une endocardite correspondent à des mécanismes variés : - prolapsus valvulaire, volontiers commissural postérieur, avec rupture de cordages, - abcès, faux anévrisme ou perforation valvulaire, souvent localisé au niveau du corps du feuillet antérieur mitral (le jet d'IM est alors excentré, de direction postérieure, semblant provenir de la chambre de chasse ventriculaire gauche), - destruction valvulaire plus ou moins étendue, - abcès de l’anneau. L’analyse de ces lésions souvent complexes est au mieux réalisée en ETO (2D et 3D). Les IM ischémiques correspondent également à des mécanismes variés : - prolapsus valvulaire (type II), rare, essentiellement observé en phase aiguë d’infarctus par rupture de pilier. Le jet d'IM est excentré. L'ETO est souvent indispensable pour en faire le diagnostic ; - mécanisme fonctionnel, le plus fréquent, par restriction valvulaire (type III) par déplacement apical du point de coaptation et fermeture incomplète de la valve mitrale secondaire au remodelage ventriculaire gauche et à l’écartement des piliers mitraux. Il est essentiel dans ces situations d’analyser de façon précise le ventricule gauche, en précisant l’étendue et la sévérité des troubles de cinétique, l’aspect des piliers et leur localisation par rapport aux zones akinétiques ou dyskinétiques, l’existence d’une déformation anévrismale et la fonction VG globale. En pratique L'étude échocardiographique de la valve mitrale repose sur une description précise des anomalies anatomiques et fonctionnelles de l'appareil mitral. L'utilisation d'une terminologie précise et d'incidences standardisées sont des conditions nécessaires à la bonne prise en charge de ces patients et sont essentielles dans la discussion thérapeutique chirurgicale, permettant en grande partie de prédire les possibilités d'une réparation valvulaire. L'échographie 3D temps réel, notamment par voie transœsophagienne, par la qualité des renseignements anatomiques qu'elle procure, devrait améliorer encore la qualité de l'analyse et la communication des résultats.

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