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Coronaires

Publié le 13 avr 2004Lecture 9 min

Faut-il dilater les petites artères coronaires ?

E. SALENGRO et C. SPAULDING hôpital Cochin, Paris

Technique de revascularisation coronaire la plus utilisée à l’heure actuelle, l’angioplastie percutanée voit ses indications croître grâce à l’émergence de nouveaux dispositifs qui ont renforcé sa sécurité et son efficacité à moyen et long termes.
Il persiste néanmoins quelques limitations rendant son indication plus discutable dans certaines situations en raison d’une balance bénéfice/risque moins favorable. C’est en particulier le cas des petits vaisseaux, pour lesquels il s’avère que le traitement des sténoses par voie transluminale est souvent complexe et décevant en termes de résultat.

Qu’est-ce qu’une petite artère ?   Les données de la littérature considèrent comme petits vaisseaux les artères coronaires dont le diamètre est < 2,5 ou 2,7 mm. Dans cette catégorie d’artères, les procédures d’angioplastie sont à haut risque de complication aiguë (dissection occlusive, thrombose) et, à moyen et long termes, à fort risque de resténose. Il est toutefois à noter que différents facteurs influent sur le diamètre des artères coronaires comme le sexe (les femmes ont de manière relativement constante des artères de plus petit calibre que les hommes et ce, indépendamment de la différence de surface corporelle), la race (les Caucasiens ont de plus grosses artères que les Asiatiques), la surface corporelle et le diabète.   Prévalence des angioplasties   Les angioplasties des petites artères sont des procédures assez fréquentes, de 30 à 40 % des lésions traitées. Dans les études STRESS (STent REStenosis Study) et BENESTENT (BElgian Netherlands STENT study), le pourcentage de vaisseaux traités dont le diamètre est < 3 mm est de 55 et 58 % respectivement. Il s’agit de procédures techniquement difficiles : lésions difficiles à franchir, difficulté à amener le matériel (ballon ou endoprothèse) avec souvent une nécessité d’inflations à haute pression (ballons non compliants) avec pour conséquence un haut risque de complications : dissections plus fréquentes, volontiers occlusives, sténoses résiduelles plus importantes entraînant fréquemment un stenting de « bail-out ». Ces procédures se soldent par un suivi peu flatteur avec un taux élevé de resténoses, ce d’autant plus que les lésions sont longues ou qu’il s’agit de patients diabétiques. Figure 1. Angor réfractaire chez une patiente de 70 ans : sténose subocclusive de l’IVP (lésion monotronculaire). La resténose   Il s’agit du principal écueil rencontré lors de l’angioplastie des petites artères. Il est établi que le diamètre du vaisseau est inversement proportionnel au pourcentage de resténoses après angioplastie. Dans l’étude M-HEART (Multi-Hospital Eastern Atlantic Restenosis Trial) (598 patients dilatés au ballon), le taux de resténoses était de 44 % pour les vaisseaux < 2,9 mm contre 34 % pour les vaisseaux > 2,9 mm. Foley et al. ont étudié l’influence du calibre du vaisseau sur la resténose après angioplastie au ballon. Ils ont mis en évidence que la perte de gain absolue était indépendante du diamètre de l’artère, mais que la perte de gain relative (rapport de la perte de gain absolue/diamètre de référence) est significativement plus importante pour les vaisseaux de petite taille. Une plus petite lumière s’accommode moins bien des processus de cicatrisation de la paroi artérielle après angioplastie au ballon. Évaluation du taux de resténoses À la lumière de ces premières analyses, il était beaucoup attendu de la venue des endoprothèses. Malheureusement, les premières études non randomisées n’ont pas mis en évidence de bénéfice net des stents sur le pronostic après angioplastie des petites artères avec une persistance de taux élevés de resténoses. Pour Elezi et al., le taux de resténoses à un an après implantation d’un stent Palmaz-Schatz était de 38,6 % pour un diamètre < 2,8 mm contre 28,4 % entre 2,8 et 3,2 mm et 20,4 % au-delà de 3,2 mm. Dans cette étude, le taux de resténoses atteignait 53,5 % pour les lésions complexes chez des patients diabétiques. Secondairement, les essais BENESTENT et STRESS ont confirmé que l’implantation d’un stent dans les petites artères n’apporte pas le même bénéfice que dans les vaisseaux de diamètre plus important. Il est à noter cependant que, depuis ces études, les techniques d’angioplastie ont évolué parallèlement au profil des stents et à l’environnement pharmacologique de l’angioplastie. L’étude STRESS 2, en intégrant ces données, a inclus 600 patients, dont 320 chez lesquels le diamètre de l’artère dilatée était < 2,7 mm. Le taux de resténoses était significativement abaissé dans le groupe stent comparativement au groupe ballon (34 % vs 55 %, p < 0,001). Ballon versus stent Récemment, cinq essais randomisés ont comparé le ballon aux stents dans l’angioplastie des petites artères. L’étude SISA a concerné 360 vaisseaux de diamètre compris entre 2,3 et 2,9 mm. Il n’a pas été mis en évidence de différence significative entre les deux groupes en termes d’événement clinique à 12 mois et de resténose angiographique à 6 mois (32,4 % dans le groupe ballon contre 28 % dans le groupe stent). Dans l’étude ISAR-SMART, 400 patients ont été randomisés entre ballon et stent et ont reçu tous de l’abciximab (Réopro®) ; là encore, aucune différence significative n’a été retrouvée entre les deux groupes en termes de resténose (35,7 % dans le groupe stent vs 37,4 % dans le groupe ballon). L’étude RAP a regroupé 426 patients pour des vaisseaux entre 2,2 et 2,7 mm de diamètre. Le taux de resténoses a été significativement plus bas dans le groupe stent (27 % vs 37 %, p = 0,04). L’étude BE-SMART a abondé dans le sens de l’étude RAP avec, sur 400 patients randomisés en deux groupes, une différence significative en termes de resténose en faveur du groupe stent (23 % vs 48 %). Plus récemment, l’étude COAST a randomisé 600 patients en trois groupes : ballon, stent nu et stent hépariné. L’étude n’a pas montré de différence significative en termes de resténose entre les trois groupes (31 % dans le groupe ballon, 28 % dans le groupe stent hépariné et 24 % dans le groupe stent nu). Figure 2. Résultat après angioplastie au ballon de 2,5 mm. Les stents actifs   Après les résultats impressionnants de l’étude RAVEL (RAndomized study with the Sirolimus coated BX VELocity balloon), l’étude SIRIUS (SIRolImus elUting Stents versus standard stents in patient with stenosis in native coronary arteries) a rapporté les résultats des stents au sirolimus (Cypher®, Cordis, Johnson & Johnson) dans la « vraie vie », avec des informations concernant les petites artères. Il existe, certes, un bénéfice sur la resténose quel que soit le diamètre de l’artère stentée, mais ce bénéfice absolu décroît avec le diamètre du vaisseau : le taux de resténoses atteint 19 % pour les artères de diamètre < 2,3 mm, comparé à 1,9 % pour les artères de diamètre > 3 mm. Cette étude a également identifié un sous-groupe de lésions à haut risque de resténose : diamètre < 2,3 mm, longueur > 15 mm et patient diabétique (taux de resténoses approchant 25 %). L’étude TAXUS 2 a utilisé le stent coaté au paclitaxel (Taxus®, Boston Scientific Co), en incluant principalement des lésions courtes (< 12 mm) entre 2,5 et 3,5 mm de diamètre. Là encore, il existe un bénéfice en termes de resténose qui se maintient quelle que soit la taille du vaisseau, mais moins marqué pour les petites artères (12,3 % pour un diamètre < 2,5 mm, 2,2 % entre 2,5 et 3 mm et 6,3 % au-delà de 3 mm). L’étude SVELTE, en cours, apportera de nouvelles données sur l’utilisation des stents au sirolimus dans cette indication particulière que sont les petites artères.   Rôle de l’IVUS   L’intégration progressive de l’IVUS dans les salles de cathétérisme a conduit bon nombre d’angioplasticiens à reconsidérer leur approche de la quantification des sténoses coronaires, mais également de l’évaluation du diamètre de référence de l’artère. En effet, l’angiographie, en ne montrant que la lumière artérielle, est bien souvent incapable de préciser la taille réelle de l’artère. Les ultrasons, en visualisant directement la paroi artérielle, permettent de différencier les « vrais » petits vaisseaux des « faux » petits vaisseaux qui correspondent en réalité à une artère massivement infiltrée, mais dont le diamètre de référence est normal. Ces « faux » petits vaisseaux peuvent donc être pris en charge par la suite au même titre que les vaisseaux de taille normale. L’apport des nouvelles techniques d’imagerie coronaire non invasive (TDM multibarettes, IRM) se fera dans ce sens.   L’environnement pharmacologique   Les angioplasties des petits vaisseaux se grèvent d’un taux élevé de complications périprocédurales, en grande partie mécaniques (dissection, occlusion) mais pour lesquelles, néanmoins, le système de coagulation paraît jouer un rôle non négligeable (thrombus, microembolisation) supportant le principe de l’intérêt de réaliser ces procédures sous anti-GPIIb/IIIa. Le bénéfice de l’abciximab a notamment bien été démontré chez les diabétiques au cours de nombreux essais randomisés. Toutefois, les grandes études de revascularisation myocardique comparant chirurgie et angioplastie chez les pluritronculaires (BARI [Bypass Angioplasty Revascularization Investigation], ARTS [Arterial Revascularization Therapy Study], ERACI [Estudio Randomizado argentino de Angioplastia versus CIrugia]) ont montré chez les diabétiques une nette supériorité de la chirurgie en raison du lourd tribut payé à la revascularisation par l’angioplastie et ce, quel que soit le diamètre de référence des artères revascularisées.   Les diabétiques   Les patients diabétiques constituent un sous-groupe à haut risque pour la revascularisation coronaire, par angioplastie ou par chirurgie, pour plusieurs raisons, notamment : - lésions volontiers plus diffuses avec une maladie athéromateuse volontiers agressive et extensive, - dysfonction endothéliale majeure avec des diamètres de référence de petite taille, - fréquence des complications périprocédurales (insuffisance rénale, thrombose de stent, etc.), - importance des cofacteurs de risque. Le taux de resténoses après angioplastie sur une petite artère chez un patient diabétique se situe entre 40 et 70 % : - dans les séries de Süselbeck et al, le taux de resténoses après angioplastie pour des artères < 3 mm était multiplié par 2 chez les diabétiques (44 % vs 23 %), alors qu’au-delà de 3 mm, la différence entre diabétiques et non-diabétiques était non significative (18 % vs 15 %) ; - Lau et al, ont retrouvé des résultats similaires dans leur série de 197 patients, avec un taux de resténoses pour un diamètre < 2,7 mm atteignant 71 % chez les diabétiques (contre 24 % chez les non-diabétiques, p = 0,0028). Pour les diamètres > 2,7 mm, la différence était moins spectaculaire (31 % vs 23 %, p = 0,006).   Bénéfice/risque de l’angioplastie d’une petite artère   Les résultats de ces études doivent inciter les angioplasticiens à une certaine prudence dans les indications des angioplasties des petites artères. En effet, le plus souvent, petite artère est synonyme de petit territoire vascularisé. L’indication de l’angioplastie doit donc reposer sur des critères cliniques solides : angor résistant à un traitement médical bien conduit, avec au mieux une preuve d’ischémie sous traitement médical (épreuve d’effort). Une angioplastie « systématique » sur ce type d’artère exposerait, en effet, le patient au risque de la procédure et de la resténose, sans bénéfice réel en termes de morbi-mortalité.   En conclusion   Les progrès récents de l’angioplastie, tant au niveau des nouveaux matériels que de l’environnement pharmacologique, ont amélioré la sécurité de la technique et entraîné une multiplication de ces indications (tronc commun, occlusion chronique, petites artères, etc.). Les procédures de revascularisation percutanée sur les vaisseaux de petite taille restent émaillées de complications immédiates avec un pronostic à moyen et long termes grevé par un taux de resténoses encore très élevé, surtout en cas de patient diabétique et/ou de longue lésion (> 15 mm) et ce, quelle que soit la technique utilisée (ballon ou stent). Les endoprothèses actives pourront peut-être transformer ce pronostic. Il convient par ailleurs de confronter ces résultats au pronostic du patient sous traitement médical bien conduit (qui dit petite artère dit le plus souvent petit territoire myocardique) et d’évaluer pour chaque cas le rapport bénéfice/risque. Il faut garder en mémoire qu’une angioplastie d’une petite artère n’apporte aucun bénéfice en termes de pronostic et qu’elle peut, comme toute procédure interventionnelle, avoir des complications mettant potentiellement en jeu le pronostic vital du patient.

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