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HTA

Publié le 25 nov 2008Lecture 10 min

HTA persistante sous trithérapie : que faire ?

S. BOUSQUEL, B. BOUHANICK, E. LOBINET et B. CHAMONTIN, CHU Rangueil, Toulouse

L’hypertension artérielle résistante aux traitements est un motif fréquent de la consultation cardiologique. À titre d’exemple, la prévalence de l’HTA résistante a été évaluée dans la cohorte de l’étude ALLHAT : il a été calculé qu’au moins 15 % des patients inclus entrent dans la définition de l’HTA résistante. Cette incidence est amenée à croître dans les prochaines années, puisque l’obésité et le vieillissement sont les principaux facteurs de risque d’HTA non contrôlée.Il faut se préoccuper d’identifier les patients porteurs d’une HTA résistante car cette situation est fréquemment associée à une atteinte d’organe cible infraclinique, qui contribue elle-même à rendre le patient réfractaire au traitement.

Définition   Selon la Haute Autorité de Santé (Recommandations professionnelles juillet 2005), une HTA est dite « résistante » en cas de persistance de la pression artérielle au-dessus de l’objectif tensionnel malgré un traitement pharmacologique associant au moins trois classes thérapeutiques à doses adéquates, dont un diurétique thiazidique (sauf en cas d’insuffisance rénale), et des mesures hygiénodiététiques. Objectif tensionnel : - < 140/90 mmHg, voire < à des valeurs encore plus basses si le traitement est bien toléré ; - < 130/80 mmHg, chez le diabétique ou le patient à haut risque cardiovasculaire (antécédent d’infarctus du myocarde, d’accident vasculaire cérébral, d’insuffisance rénale, de protéinurie). L’HTA résistante doit être distinguée du « non-contrôle tensionnel », qui peut également être le fait d’une mauvaise observance ou d’un traitement inadapté.   Les chiffres de PA relevés sont-ils fiables ? Il faut d’abord éliminer une erreur de mesure (ci-contre), relative à l’utilisation d’un brassard inadapté à la taille du bras du patient. Rappelons que la mesure de la PA au cabinet médical doit être effectuée : - au moyen d’un appareil électronique validé (liste disponible sur le site de l’Afssaps), - avec un brassard (huméral de préférence) adapté à la taille du bras, - chez un patient en position couchée (ou en position assise depuis plusieurs minutes), - en veillant à placer le brassard sur le plan du cœur. Au minimum deux mesures doivent être faites, à quelques minutes d’intervalle, au cours de la même consultation. Le chiffre de PA est la moyenne des mesures effectuées. Afin d’éliminer un « effet blouse-blanche », il est recommandé de confirmer le diagnostic par une MAPA ou une automesure, qui est le préalable nécessaire au diagnostic de résistance.   Existe-t-il des facteurs de résistance au traitement ? L’interrogatoire du patient permet de les révéler : Observance (cf. infra). Cause iatrogène. Les AINS (y compris les coxibs) semblent entraîner une rétention hydrosodée (par diminution des prostaglandines I2), plus importante chez les sujets âgés, les diabétiques et les patients présentant une néphropathie préexistante. Il faudra se méfier également des inducteurs enzymatiques (antiépileptiques, rifampicine, etc.). Il faut rechercher notamment une consommation de stéroïdes, contraceptifs oraux, antidépresseurs tricycliques, phénothiazine, IMAO, ciclosporine, tacrolimus, vasoconstricteurs nasaux, érythropoïétine. Prise de poids récente. Consommation excessive d’alcool définie par une consommation > 3 verres de vin (ou équivalent) par jour chez l’homme et 2 verres de vin ou équivalent par jour chez la femme. Celle-ci est corrélée au risque d’AVC, notamment en cas d’absorption massive occasionnelle (Binge drinking). Apnée du sommeil. La stimulation nocturne des chémorécepteurs par l’hypoxie et la carence de sommeil est responsable d’une activation sympathique, d’un stress oxydatif et d’une dysfonction endothéliale. Le syndrome d’apnées du sommeil, peut être dépisté grâce à un questionnaire validé (tableau) afin de déterminer l’opportunité de réaliser un enregistrement polysomnographique. Ce dernier examen précisera l’index apnée/ hypopnées et le nombre de micro réveils. Il faudra savoir penser à l’apnée du sommeil si : - obésité, - non-dipping (abolition du cycle nycthéméral sur la MAPA), - somnolence diurne et difficultés de concentration, - impression de mauvais sommeil, - ronflements et apnées constatées par l’entourage, - troubles de la libido, - accidents de la voie publique.   Éliminer une HTA secondaire La mise en évidence d’une HTA résistante sous un traitement jusqu’alors efficace et bien toléré doit nous pousser à reprendre l’enquête étiologique à la recherche d’une cause d’HTA secondaire venant se surajouter à une HTA essentielle. Principales causes d’HTA secondaire • Toxiques (réglisse, ecstasy, amphétamines, abus de substituts nicotiniques à mâcher, cocaïne, décoctions de « ma huang » ou éphédra, poudres « amincissantes », etc.), • néphropathie, • sténose de l’artère rénale, • endocrinopathies : hyperaldostéronisme primaire, phéochromocytome, hypercortisolisme*, • coarctation de l’aorte (passée inaperçue dans l’enfance), • hyperparathyroïdie. Comment éliminer une HTA secondaire ? • Interrogatoire ; • Examen clinique : – gros reins bosselés à la palpation abdominale, – souffle vasculaire abdominal, – asymétrie tensionnelle, – pouls fémoraux < pouls radiaux. • Examens biologiques de routine : – ionogramme sanguin, – créatininémie, – examen cytologique des urines (érythrocytes, leucocytes, etc.), – protéinurie, – calcémie, – glycémie veineuse à jeun. • Examens radiologiques de première intention : – échographie rénale (taille, symétrie, parenchyme, voies excrétrices) et vésicale avec étude du résidu post mictionnel, – doppler artériel rénal qui précisera les vitesses maximales systoliques, et les indices de résistance intraparenchymateux, ou un angioscanner des artères rénales. L’artériographie et/ou le cathétérisme des veines rénales pour évaluation des taux de rénine, sont à réserver aux centres référents. Il en va de même pour le scanner surrénalien du fait de sa faible rentabilité en l’absence de dosages hormonaux évocateurs. Ce scanner doit être réalisé en coupes millimétriques, sans injection de produit de contraste iodé, en orientant le radiologue vers la recherche d’un nodule ou d’une hyperplasie. L’endocrinopathie occasionnant une HTA résistante la plus souvent en cause est un hyperaldostéronisme primaire (HAP). En effet, l’hypercortisolisme ou l’hyperadrénergie en rapport avec un phéochromocytome sont bien plus rares. L’incidence de l’HAP est probablement sous-diagnostiquée : le clinicien ne pense pas toujours à l’évoquer devant une kaliémie normale basse, alors qu’une hypokaliémie avérée est d’apparition tardive dans l’histoire naturelle de l’hyperaldostéronisme. Toutefois, l’évaluation des taux plasmatiques circulants d’aldostérone et de rénine (en position basale, à l’orthostatisme, et après freination) est à réserver aux centres référents car elle nécessite, pour être valide, d’être réalisée en conditions standardisées.   Cas particulier : HTA non contrôlée du sujet âgé Dans cette population, la résistance se traduit souvent par une HTA systolique isolée persistante sous traitement. Ainsi, il faut remarquer que la PAS moyenne atteinte reste > 140 mmHg dans la plupart des études, malgré une utilisation répandue d’une multithérapie antihypertensive. Atteindre la pression artérielle cible est d’autant plus difficile que la PAS de départ est élevée et que le sujet avancé en âge. En effet, chez la personne âgée, la PAS est élevée en rapport avec une augmentation de la rigidité artérielle. En parallèle, la récente étude HYVET a démontré que le contrôle optimal de la PA du sujet âgé réduit significativement la morbi-mortalité. L’objectif théorique du traitement chez l’hypertendu âgé, jusqu’à 80 ans, est d’obtenir une PAS/PAD < 140/90 mmHg. Toutefois, cet objectif doit être modulé en fonction du niveau de PA initiale ; si cette PA est très élevée (PAS > 180 mmHg), une diminution de 20 à 30 mmHg est déjà un résultat acceptable (selon les recommandations HAS 2005). Il est usuel de penser qu’au-delà de 80 ans, l’objectif thérapeutique est d’atteindre une PAS < 150 mmHg et une PAD < 80 mmHg, en l’absence d’hypotension orthostatique. En pratique, le régime hyposodé ne doit plus être recommandé, et il ne faut pas dépasser la prescription de trois antihypertenseurs. Une enquête étiologique simplifiée ne doit pas être négligée : la prévalence des lésions artérielles rénales étant élevée à cet âge. Il faudra savoir en tenir compte pour l’adaptation du protocole thérapeutique. Les posologies des traitements antihypertenseurs doivent être adaptées à la clairance à la créatinine. Signalons enfin que, dans cette population, une mauvaise observance peut être le fait d’une démence débutante. Ainsi, chez l’hypertendu de plus de 75 ans, l’HAS recommande une évaluation de la fonction cognitive au moyen d’une échelle Mini Mental State Examination. Si le score est < 24, il est souhaitable de proposer un bilan spécialisé afin d’envisager s’il y a lieu d’encadrer la prise du traitement à domicile par une équipe paramédicale ou un tiers.   Quelques règles de prise en charge thérapeutique Traiter la cause, quand l’une d’entre elles a été identifiée. Revoir les règles hygiénodiététiques La consultation pour HTA résistante est bien souvent l’occasion d’aborder à nouveau la nécessité de suivre les règles hygiénodiététiques recommandées. Il faut savoir sensibiliser le patient à la notion d’une meilleure efficacité du traitement pharmacologique, grâce à ces mesures. Limitation de la consommation en sel. L’impact du régime sans sel est plus marqué chez les Noirs, chez les personnes âgées, en cas de maladie rénale, ou de diabète. Les recommandations préconisent actuellement 3,8 g/j de NaCl, ce qui paraît difficile à obtenir de nos patients en situation courante. Il semble souhaitable de proposer une charge sodée < 5-6 g/j. L’aide d’une diététicienne peut être précieuse. Réduction du poids en cas de surcharge pondérale, afin de maintenir l’indice de masse corporelle < 25 kg/m2, ou à défaut afin d’obtenir une baisse de 10 % du poids initial. L’exercice physique intense, de même que l’épreuve d’effort chez le cardiologue, doivent être évités, ou différés. La pratique régulière d’une activité physique chez ces patients à haut risque cardiovasculaire, sera à reconsidérer une fois l’HTA maîtrisée. L’arrêt du tabac doit être encouragé, comme pour tout hypertendu. Aborder l’observance medicamenteuse Il est fréquent d’être confronté à une mauvaise observance du traitement sous-tendant une HTA qui « échappe au traitement ». Une relation médecin-malade basée sur le respect et l’écoute, contribue à l’adhésion du patient à la prise en charge de son HTA et à l’observance du traitement prescrit. Il est indispensable d’entreprendre une éducation thérapeutique en : -fournissant des informations claires orales et écrites sur le traitement ; - informant le patient des risques liés à l’HTA permanente et non contrôlée, et des bénéfices démontrés du traitement antihypertenseur ; - individualisant la prise en charge thérapeutique ; - limitant le nombre de médications journalières ; - impliquant le patient ou son entourage dans la prise en charge ; - encourageant l’automesure à domicile (à réaliser selon un protocole standardisé) ; - ritualisant la prise des médicaments ; - démasquant une inobservance volontaire à la recherche de bénéfices secondaires ; - recherchant d’éventuels effets indésirables et adapter le protocole en conséquence ; - s’assurant des possibilités socio-économiques du patient pour l’approvisionnement en médicaments.   Existe-t-il un traitement antihypertenseur « optimal » ? Celui-ci ne peut être standardisé, mais doit reposer sur des molécules efficaces et aux posologies utiles. La bonne dose : la posologie maximale recommandée est-elle réellement prescrite ? • Les inhibiteurs calciques, les bêtabloquants, les antihypertenseurs centraux et alphabloquants : l’efficacité antihypertensive est dose-dépendante, mais on majore le risque de survenue d’effets indésirables en augmentant les doses. • Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion : la cinétique de certaines molécules impose une multiprise quotidienne (captopril). La majoration des doses n’augmente que modérément l’efficacité antihypertensive. • Les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II : l’adjonction d’une faible dose de diurétique semble être au moins aussi efficace sur la baisse des chiffres de pression artérielle que de doubler la dose d’ARA II. • Les diurétiques : l’action antihypertensive de l’hydrochlorothiazide est bien documentée, montrant une dissociation entre l’effet hypotenseur (qui apparaît plus tôt pour une dose donnée) et l’effet natriurétique. Ainsi, une baisse de pression artérielle est significative dès 12,5 mg/j. Cependant il faut savoir remplacer un thiazidique par un diurétique de l’anse en cas de débit de filtration glomérulaire < à 30 ml/min. Adapter l’horaire de prise du traitement La répartition des prises médicamenteuses au cours du nycthémère favorise le contrôle tensionnel, nocturne notamment. Il faut toutefois tenir compte du risque majoré de mauvaise observance. Les associations efficaces Il s’agit d’associer trois médicaments antihypertenseurs appartenant à trois classes différentes, dont un diurétique (obligatoirement) prescrit à bonne dose. Le contrôle tensionnel passe par le respect des combinaisons effectives, telles que proposées par l’HAS.   En pratique   Certains proposent l’arrêt complet des traitements prescrits jusqu’alors, sous surveillance médicale continue en hospitalisation, puis la réintroduction progressive de molécules antihypertensives selon un schéma validé et simplifié, ce qui aura pour effet d’améliorer l’observance. D’autres introduisent, en association, de faibles doses de spironolactone. Au-delà de son effet dans l’hyperaldostéronisme primaire (qui est beaucoup plus fréquent que l’on ne le pensait autrefois), il semblerait que l’effet natriurétique distal soit complémentaire des autres types de diurétiques. Soulignons l’intérêt de l’enquête étiologique (à la recherche de lésions artérielles rénales, d’un HAP, etc.) afin d’identifier un facteur curable faisant obstacle à l’efficacité du traitement antihypertenseur. Signalons enfin qu’une étude rétrospective a montré que les spécialistes du Rush University Hypertension Center ont réussi à ramener à moins de 140/90 mmHg 53 % des patients qui leur avaient été adressés pour HTA résistante. Aussi, si l’objectif tensionnel reste hors d’atteinte, il est licite d’adresser le patient à une équipe référente afin de compléter l’enquête étiologique et/ou d’adapter le protocole thérapeutique. Le plus souvent, il s’agit d’optimiser une combinaison de bloqueurs du système rénine angiotensine, de diurétiques, d’inhibiteurs calciques ; les alphabloquants et les antihypertenseurs centraux seront parfois associés afin d’atteindre l’objectif tensionnel.

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