IDEA : première étude épidémiologique internationale transversale sur l'obésité abdominale

Les enseignements de l'étude IDEA pour la pratique clinique   - La prévalence de l’obésité abdominale et des maladies cardiovasculaires est élevée, même dans le contexte de soins primaires en médecine générale. - L’association entre l’obésité abdominale et les maladies cardiovasculaires est clairement établie, indépendamment de l’IMC et de l’âge. - Il n’existe pas d’effet seuil dans cette relation puisque chaque élévation du périmètre ombilical de 14 cm chez l’homme et de 14,9 cm chez la femme s’accompagne d’une augmentation d’une maladie cardiovasculaire de 24 et 21 %, respectivement.         Problématique de l’obésité abdominale Le rôle de l’obésité comme facteur de risque cardiovasculaire a longtemps fait l’objet de discussions puisque certains obèses présentaient un taux d’événements cardiovasculaires faible, alors que des manifestations athérothrombotiques majeures survenaient chez d’autres. Les études épidémiologiques récentes ont permis de mieux comprendre ces disparités apparentes, en soulignant l’importance de la répartition des graisses dans l’organisme, avec le rôle particulièrement néfaste de l’accumulation des graisses au niveau abdominal. La mesure du périmètre ombilical est donc plus pertinente que l’indice de masse corporelle (IMC) dans l’évaluation du risque cardiovasculaire, et fait partie intégrante des critères du syndrome métabolique. L’obésité abdominale est fréquemment associée à des anomalies métaboliques (insulinorésistance, taux bas de HDL- cholestérol, pourcentage élevé de particules LDL petites et denses, élévation des triglycérides et de la glycémie, stimulation de certains facteurs pro-inflammatoires et prothrombotiques) qui majorent le risque cardiovasculaire des patients. Même s’il n’a pas été clairement démontré que l’obésité abdominale constitue un facteur de risque cardiovasculaire indépendant, les études d’intervention ont prouvé que la réduction de l’obésité abdominale s’accompagne d’une correction, partielle ou totale, des anomalies métaboliques, rendant pertinente la réalisation d’une étude épidémiologique internationale, afin d’évaluer la prévalence de l’obésité abdominale à l’échelle mondiale, pour optimiser les programmes de prévention cardiovasculaire.   IDEA   L’étude IDEA (International Day for Evaluation of Abdominal Obesity) constitue la première étude internationale épidémiologique visant à estimer la prévalence de l’obésité abdominale chez plus de 170 000 patients, consultant un médecin dans un contexte de soins primaires, sur un échantillon de plus de 6 000 médecins généralistes, répartis dans 63 pays sur les 5 continents. Tous les patients âgés de 18 à 80 ans, venus consulter au cours de deux demi-journées dont la date avait été fixée à l’avance, ont été invités à participer à cette étude épidémiologique, quel que soit le motif de la consultation ; 177 345 patients ont accepté d’y participer, soit un taux de réponses positives de 97 %. Les données de 168 159 patients ont été analysées (69 409 hommes et 98 750 femmes) (tableau 1). Les variables évaluées associaient le tour de taille, la taille, le poids, le sexe, l’âge, le niveau scolaire, les facteurs de risque classiques (tabagisme, hypertension artérielle, dyslipidémie, diabète), l’existence d’une maladie athérothrombotique documentée (coronaropathie, accident vasculaire cérébral, artériopathie des membres inférieurs, revascularisation d’un lit artériel…). Cette étude permet d’estimer la prévalence de l’obésité abdominale, mais aussi le rapport entre l’obésité abdominale, l’IMC et la présence d’une maladie cardiovasculaire. L’analyse statistique d’IDEA met en évidence une association significative entre l’obésité abdominale et la présence d’une maladie cardiovasculaire, aussi bien chez l’homme que chez la femme, indépendamment de l’IMC et du vieillissement (tableau 2). Chaque augmentation du tour de taille de 14 cm chez l’homme et de 14,9 cm chez la femme est associée à une majoration du risque de maladie cardiovasculaire de 24 et 21 % respectivement (p < 0,0001). La prévalence mondiale des maladies cardiovasculaires en médecine générale est élevée, puisqu’elle s’établit à 16 % chez les hommes et 12 % chez les femmes, avec des variations géographiques concordantes avec les données des registres des études INTERHEART et REACH (tableau 3).   Conclusion   IDEA est la première étude épidémiologique mondiale qui évalue la prévalence de l’obésité abdominale et sa relation avec les maladies cardiovasculaires (encadré plus haut). La relation statistiquement significative entre l’obésité abdominale et les maladies cardiovasculaires ne signifie cependant pas obligatoirement une relation causale directe, bien que les preuves épidémiologiques et physiopathologiques abondent pour expliquer la relation entre l’obésité abdominale et les complications athérothrombotiques de l’athérosclérose. Dans l’attente de la confirmation indiscutable d’une relation causale entre l’obésité abdominale et la genèse des maladies cardiovasculaires, l’établissement et/ou la poursuite de programmes d’intervention internationaux par les autorités de santé s’avère urgent et indispensable pour endiguer ce fléau constitué par l’obésité abdominale.