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Insuffisance cardiaque

Publié le 02 oct 2007Lecture 8 min

Insuffisance cardiaque et fibrillation auriculaire : quelle prise en charge ?

L. FAUCHIER, centre hospitalier universitaire Trousseau, Tours

L’insuffisance cardiaque (IC) est assez souvent associée à une fibrillation auriculaire (FA) avec un cercle vicieux et une aggravation réciproque des deux problèmes. La prévalence de l’arythmie dans ce contexte est variable suivant la sévérité de la maladie et les techniques utilisées pour rechercher systématiquement ou non la FA (figure 1). Les trois éléments du traitement qui s’appliquent à la fibrillation atriale en général sont valables chez les patients qui ont une IC associée : prévention thromboembolique, contrôle de la cadence ventriculaire et, enfin, maintien du rythme sinusal. Le dilemme thérapeutique le plus marqué est celui de savoir si l’on doit à tout prix maintenir le rythme sinusal ou se contenter de ralentir la cadence ventriculaire.

Figure 1. Prévalence (et variation en fonction de la classe NYHA) de la fibrillation auriculaire dans quelques grands essais thérapeutiques chez des patients en insuffisance cardiaque. Les patients avec IC sont typiquement ceux qui sont les plus à même de bénéficier d’une restauration du synchronisme auriculoventriculaire, mais ce sont également ceux chez lesquels il est le plus difficile de maintenir le rythme sinusal. Les résultats de l’étude AFFIRM (Atrial Fibrillation Follow-up Investigation of Rhythm Management) ont montré qu’une stratégie de contrôle de la cadence ventriculaire peut être comparable à celle qui vise à maintenir le plus possible le rythme sinusal. Cependant, il n’est pas absolument certain que ces conclusions s’appliquent spécialement aux patients avec une IC symptomatique. Une nouvelle étude (AF-CHF, Atrial Fibrillation in Congestive Heart Failure) est en cours, évaluant ces deux stratégies dans une population de patients avec IC. Dans l’attente de ses résultats, la thérapeutique doit être individualisée, prenant en compte la durée de la FA, l’efficacité des précédentes cardioversions, les chances de maintenir le rythme sinusal, la cadence ventriculaire, les risques du traitement antiarythmique et le degré de la symptomatologie. Le taux de récurrence de FA après cardioversion est élevé. Les traitements antiarythmiques médicaux peuvent prévenir les récurrences de l’arythmie, mais l’efficacité est incomplète et il existe un risque potentiel d’augmentation de la mortalité. Avec la démonstration du risque de surmortalité associé aux antiarythmiques de classe I, les développements thérapeutiques ont plutôt concerné les antiarythmiques de classe III.   Les antiarythmiques de classe I dans l’insuffisance cardiaque   Depuis les résultats de l’étude CAST (Cardiac Arrhythmia Suppression Trial), les antiarythmiques de classe I sont évités chez les patients avec cardiopathie structurelle. En 1990, la métaanalyse de Coplen regroupant les résultats de 6 essais, concernant plus de 800 patients avec FA a montré que la prescription de quinidine est associée à une multiplication par 3 du risque de décès. Dans une analyse rétrospective supplémentaire de l’étude CAST, il a été démontré que les patients avec la fraction d’éjection la plus abaissée, inférieure à 20 %, ont une augmentation encore plus marquée du nombre d’événements liés à l’IC comparativement à ceux sous placebo (44 vs 13 %). En outre, le traitement était inefficace pour supprimer les récidives d’arythmies. Comme pour tous les antiarythmiques avec effet inotrope négatif, l’augmentation des pressions de remplissage ventriculaire gauche aboutit à un stretch auriculaire qui peut être facteur de récurrence ou de pérennisation de l’arythmie auriculaire.   Amiodarone   En cas d’IC, l’amiodarone aboutit par comparaison au placebo à diminuer de manière significative la mortalité subite avec, en général, une tendance non significative de diminution de la mortalité totale. Elle est particulièrement efficace dans le traitement de la FA. Dans l’étude CTAF (Canadian Trial of Atrial Fibrillation), elle s’est montrée plus efficace que le DL-sotalol et la propafénone pour prévenir la récidive de fibrillation auriculaire, sans effet néfaste chez les patients avec fraction d’éjection ventriculaire gauche diminuée. Cette efficacité supérieure et l’effet bénéfique potentiel sur la mortalité en font le traitement médical de choix pour la plupart des patients en insuffisance cardiaque avec fibrillation auriculaire. Concernant les effets proarythmiques, l’amiodarone semble être, de tous les antiarythmiques, celui qui a le moindre potentiel proarythmique avec une incidence de torsades de pointe annuelle estimée à moins de 1 %. Ce risque est plus important en cas d’antécédents de torsades de pointe et en cas de bradycardie marquée, si bien que la prescription d’amiodarone n’est pas totalement dénuée de risques dans la population des patients avec une IC.   Les autres antiarythmiques   Sotalol L’efficacité et la sécurité du sotalol dans le traitement de la FA n’ont pas été évaluées systématiquement dans l’IC. Cet antiarythmique diminue le risque de décès ou de choc par défibrillateur ventriculaire automatique chez les patients avec tachyarythmie ventriculaire maligne, y compris chez ceux qui ont une fraction d’éjection gauche inférieure à 30 %. Néanmoins, l’insuffisance cardiaque augmente le risque d’effet proarythmique lié au sotalol, en particulier de torsades de pointes. Dofétilide Des données expérimentales suggèrent que le dofétilide pourrait être particulièrement efficace dans ce contexte de FA associée à l’IC. Il a un effet hémodynamique neutre et une absence de dépression de la conduction sinusale ou auriculoventriculaire. Dans l’étude DIAMOND-CHF (Danish Investigations of Arrhythmias and Mortality ON Dofetilide – Congestive Heart Failure), concernant des patients avec dysfonction ventriculaire gauche, traités systématiquement (qu’ils aient ou non une arythmie auriculaire ou ventriculaire) par dofétilide ou placebo, il n’y a pas eu de différence significative dans la mortalité totale entre les deux groupes. Cet effet neutre sur la population globale ne doit pas masquer un bénéfice chez les patients avec FA (figure 2), qui avaient significativement un meilleur taux de conversion vers le rythme sinusal. En outre, l’incidence de la FA chez les patients qui étaient en rythme sinusal était significativement plus basse sous traitement. Figure 2. Étude DIAMOND-CHF : dofétilide versus placebo dans l’insuffisance cardiaque. Risque d’hospitalisation dans le sous-groupe des patients avec fibrillation auriculaire. L’ensemble des constatations de cette étude font que ce traitement pourrait être envisagé relativement couramment dans l’IC, au même titre que l’amiodarone ; les recommandations ACC/AHA/ESC la mettent au même niveau dans l’ordre de prescription que l’amiodarone, en première intention dans ce contexte. Néanmoins, cette molécule n’est pas disponible en France, ce qui fait que l’amiodarone reste seule utilisable en pratique (figure 3). Figure 3. Prise en charge par médicament antiarythmique de la FA en cas de cardiopathie associée (extrait des recommandations jointes de l’AHA/ACC/ESC de 2006). Contrôle de la fréquence cardiaque   Dans la mesure où, chez de nombreux patients, le maintien du rythme sinusal ne sera pas possible, une stratégie de contrôle de la fréquence cardiaque est parfois la seule thérapeutique envisageable. Un ralentissement suffisant est crucial car une fréquence cardiaque trop rapide est à même de détériorer la fonction ventriculaire gauche. La digoxine est volontiers utilisée dans ce contexte du fait de ses effets inotropes positifs. Néanmoins, le ralentissement de la cadence ventriculaire est souvent insuffisant en cas d’activités physiques associées. Il faut donc souvent adjoindre un bêtabloquant, dont l’effet bénéfique démontré dans l’IC est incontestable. Les antagonistes calciques peuvent également ralentir la cadence ventriculaire de manière satisfaisante, mais ils peuvent aussi aggraver le pronostic en cas d’IC. L’amiodarone est une alternative potentielle même si elle est rarement utilisée pour simplement ralentir la cadence ventriculaire.   Le traitement médical de l’IC : un traitement antiarythmique en soi   Il est important de rappeler le bénéfice du traitement médical conventionnel de l’IC chez ces malades : - les bêtabloquants et les IEC sont quasiment impératifs dans ce contexte ; - la digoxine est utile pour contrôler la cadence ventriculaire en cas de fibrillation atriale et elle semble avoir un effet neutre sur la mortalité ; - les bêtabloquants permettent un contrôle de la cadence ventriculaire aussi bien au repos qu’à l’effort et semblent améliorer les capacités d’exercice des patients en fibrillation atriale avec cardiomyopathie dilatée idiopathique ; - des éléments expérimentaux et des études cliniques de petite taille laissent penser que l’inhibition du système rénine-angiotensine-aldostérone pourrait avoir un effet bénéfique propre sur la fibrillation atriale.   Le traitement non médical   L’ablation du nœud Pour les patients chez qui le rythme sinusal ne peut être maintenu et chez lesquels on n’arrive pas à contrôler la cadence ventriculaire, l’ablation par radiofréquence du nœud auriculo-ventriculaire (ou sa modulation) a montré des résultats efficaces sur la régression des symptômes avec souvent une amélioration de la fonction ventriculaire. Néanmoins, l’implantation d’un pacemaker et la nécessité d’une stimulation ventriculaire au décours si elle est ventriculaire droite conventionnelle, peuvent provoquer un asynchronisme ventriculaire qui peut, lui-même, avoir un effet néfaste sur la symptomatologie d’IC. On peut donc légitimement se demander si la pose d’un stimulateur biventriculaire ne doit pas être systématique dans ce contexte.   La stimulation biventriculaire La présence de FA chez les patients avec IC candidats à une resynchronisation est en général un marqueur de pathologie plus avancée. La stimulation biventriculaire ne semble pas réduire objectivement l’incidence de la fibrillation auriculaire. Les patients avec fibrillation auriculaire, particulièrement ceux sans conduction auriculoventriculaire spontanée, semblent bénéficier de la stimulation biventriculaire de façon similaire à ceux en rythme sinusal. Il n’y a donc pas spécialement lieu de restreindre l’indication de stimulation biventriculaire en cas de fibrillation auriculaire associée, bien qu’il n’y ait pas d’essai prospectif réalisé à ce jour chez ces patients.   L’ablation de la FA Dans la FA avec IC à fonction systolique altérée, l’ablation par radiofréquence des veines pulmonaires est une stratégie envisageable du fait de son efficacité avérée. La procédure est plus longue que pour la fibrillation auriculaire focale « sur cœur sain », avec un taux de succès inférieur. Néanmoins, cette stratégie paraît plus efficace que le contrôle de la fréquence avec ablation du nœud auriculoventriculaire et resynchronisation biventriculaire au vu des résultats récents de l’étude PABA-CHF (Pulmonary Vein Antrum Isolation vs. AV Node Ablation With Biventricular Pacing for Treatment of Atrial Fibrillation in Patients With Congestive Heart Failure), en particulier si l’on considère le test de marche de 6 minutes (figure 4). Figure 4. Étude PABA-CHF. Évolution du test de marche de 6 minutes. Comparaison de l’ablation par radiofréquence des veines pulmonaires (± lésions complémentaires) et du contrôle de la fréquence avec ablation du nœud auriculoventriculaire + resynchronisation. Une analyse secondaire d’AFFIRM qui fait référence (mais qui, rappelons-le, ne concernait pas l’IC) avait montré que le maintien du rythme sinusal est associé à une meilleure survie, mais que les traitements antiarythmiques contrebalancent le bénéfice du rythme sinusal. L’ablation par radiofréquence des veines pulmonaires permet sans doute de bénéficier du maintien du rythme sinusal sans les effets adverses liés au traitement médicamenteux. Le principal souci est de trouver les centres et les opérateurs suffisamment expérimentés, et de mettre en adéquation le temps médical à consacrer à la technique et le nombre de patients potentiellement concernés.   En pratique   La FA est fréquente chez le patient insuffisant cardiaque et vient aggraver son pronostic. Au plan thérapeutique, les antiarythmiques de classe I sont contre-indiqués sauf l’amiodarone qui apparaît le traitement de choix. Le traitement non médicamenteux tient une place croissante allant de la rare ablation du nœud auriculo-ventriculaire pour contrôler la FA à l’ablation des veines pulmonaires sans oublier la resynchronisation.

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